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[ 3 décembre 2009 ] Imprimer

Droit du travail - relations collectives

Action de substitution : intérêt à agir et indemnisation

Mots-clefs : Licenciement économique, Action de substitution du syndicat (conditions, intérêt collectif), Réparation intégrale

Par deux arrêts du 18 novembre 2009, la chambre sociale revient sur les conditions de l'action de substitution des organisations syndicales représentatives et de l'indemnisation de leur préjudice.

Dans la première affaire (n° 08-44.175), la chambre sociale rappelle que l'action du syndicat qui, en complément des demandes formées par le salarié au titre de son préjudice individuel, vise à faire sanctionner par une indemnisation séparée l'attitude de l'employeur, nécessite, en application de l'article L. 2132-3 du Code du travail, que le litige porte atteinte aux intérêts collectifs de la profession. En l'espèce, une salariée, licenciée pour motif économique à la suite de la fermeture de l'agence à laquelle elle était affectée, avait saisi le conseil des prud'hommes de demandes tendant à des rappels de salaire et à la condamnation de son employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, notamment pour violation de l'obligation individuelle de reclassement ; le syndicat CFDT était intervenu à l'instance. Jugeant son action recevable, les juges du fond lui allouèrent un euro de dommages-intérêts. Cette décision est censurée au visa des articles L. 2132-3 et L. 1235-8 du Code du travail, la chambre sociale rappelant que l'exercice, par les organisations syndicales représentatives, des actions naissant des dispositions régissant le licenciement économique, nécessite que le litige porte atteinte aux intérêts collectifs de la profession, ce qui, en l'espèce, n'était pas le cas.

Les syndicats peuvent se substituer à un salarié pour exercer toutes les actions résultant des dispositions légales ou conventionnelles régissant le licenciement pour motif économique d'un salarié (art. L. 1235-8 C. trav.). La Cour de cassation apporte une limite tenant principalement à la nature de l'action, qui doit défendre le seul intérêt personnel du salarié. Par conséquent, si le salarié a décidé d'agir, le syndicat est dans l'impossibilité d'agir concomitamment en substitution et seule la voie d'une action destinée à satisfaire des intérêts propres ou collectifs reste ouverte. Cette action est elle-même soumise à des conditions précises, le syndicat devant notamment prouver qu'il agit dans l'intérêt collectif de la profession (Soc. 21 janv. 1997 ; Soc. 2 déc. 2008). Faute d'influencer généralement l'application d'une règle de droit ou de concerner une catégorie de salariés, la violation de l'obligation individuelle de reclassement ne portait pas atteinte, en l'espèce, à ces intérêts collectifs.

Dans la seconde affaire (n° 08-43.523), la chambre sociale rappelle que la réparation du préjudice recherchée par le syndicat est subordonnée au principe de la réparation intégrale du préjudice. En l'espèce, les juges du fond avaient alloué à un syndicat un euro de dommages-intérêts « à titre symbolique ». La Cour de cassation condamne cette approche en considérant que les juges du fond auraient dû procéder à l'évaluation du préjudice réel subi par le syndicat.

Comme toute action en responsabilité civile ne trouvant pas son fondement dans l'exécution d'un contrat, l'action intentée par les syndicats en application de l'article L. 2132-3 du Code du travail répond aux conditions posées par l'article 1382 du Code civil et obéit au même régime. La réparation du préjudice du syndicat est donc subordonnée au principe de la réparation intégrale. Ce qui oblige les juges à évaluer concrètement le préjudice subi (Crim. 6 déc. 1983), mais n'empêche pas que la réparation allouée soit symbolique (car correspondant à la faible gravité du dommage, le plus souvent moral, subi par le syndicat).

Soc. 18 nov. 2009, n° 08-44.175 et n° 08-43.523

Références

Code du travail

Article L. 2132-3

« Les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice.
Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. »

Article L. 1235-8

« Les organisations syndicales de salariés représentatives peuvent exercer en justice toutes les actions résultant des dispositions légales ou conventionnelles régissant le licenciement pour motif économique d'un salarié, sans avoir à justifier d'un mandat de l'intéressé.
Le salarié en est averti, dans des conditions prévues par voie réglementaire, et ne doit pas s'y être opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l'organisation syndicale lui a notifié son intention.
À l'issue de ce délai, l'organisation syndicale avertit l'employeur de son intention d'agir en justice.
Le salarié peut toujours intervenir à l'instance engagée par le syndicat. »

Article 1382 du Code civil

« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

F. Petit, « L'action de substitution, un cadeau promis à un avenir meilleur », Dr. soc. 2004. 262.

Soc. 1er févr. 2000, Bull. civ. V, n° 53 ; JCP 2001. II. 10451, note Jeuland ; Dr. soc. 2000. 516, obs. Roy-Loustaunau.

Soc. 21 janv. 1997, Bull. civ. V, n° 30.

Soc. 2 déc. 2008, Bull. civ. V, n° 243 ; Dalloz actualité 17 déc. 2008, obs. Maillard ; RDT 2009. 116, obs. Tissandier.

Rép. civ. Dalloz, V° « Responsabilité du fait personnel », par Ph. Conte, n° 257.

Crim. 6 déc. 1983, Bull. crim. n° 329.

Civ. 2e, 5 janv. 1994, Bull. civ. II, n° 8.

Civ. 1re, 3 juill. 1996, Bull. civ. I, n° 296.

 

Auteur :S. L.

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