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Droit des obligations
Action en garantie des vices cachés : quid en cas de réparation du vice par un tiers ?
La réparation par un tiers du vice caché affectant la chose vendue, qui n'a pas d'incidence sur les rapports contractuels entre le vendeur et l’acquéreur, n’interdit pas à l'acquéreur d’engager une action en garantie.
Civ. 3e, 8 févr. 2023, n° 22-10.743 P
Aux termes de l’article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.
Selon l’article 1644 du même Code, l'acheteur d’un bien affecté d’un vice caché a le choix de restituer la chose au vendeur en contrepartie du remboursement intégral du prix de vente (action rédhibitoire), ou de conserver la chose viciée en contrepartie d’une réduction du prix (action estimatoire.
En vertu de l’article 1645, l’acheteur a en outre le droit à la réparation de son préjudice, cette action indemnitaire étant autonome des précédentes.
La liberté de choix reconnue à l'acquéreur entre ces différentes actions cesse toutefois en cas de réparation en nature du vendeur. En effet, l'acheteur d'un bien vicié ayant consenti à ce que le vendeur procède à la remise en état de ce bien ne peut plus invoquer l'action en garantie dès lors que le vice originaire a disparu. Il peut seulement solliciter l’indemnisation du préjudice éventuellement subi du fait de ce vice (Com. 1er févr. 2011, n° 10-11.269 ; Civ. 1re, 2 déc. 1997, n° 96-11.210). Cette solution est logique : l’appel en garantie du vendeur pour vice caché n’a de sens qu’à la condition de l’actualité du vice, autrement dit que le vice caché n’ait pas été déjà réparé par le vendeur, qui ainsi rétablit l'équilibre contractuel initialement voulu par les parties. Partant, les réparations en nature du vendeur ont un effet extinctif de l’action en garantie.
Mais quid lorsque le vice a été réparé par un tiers, en l’occurrence un syndicat de copropriétaires, ayant procédé aux travaux de remise en état du bien affecté du vice caché au vu duquel l’acheteur a engagé une action estimatoire contre son vendeur ?
À cette question inédite, la Cour de cassation répond, aux termes d’une motivation enrichie notamment de la jurisprudence précitée, que cette solution « ne peut pas être étendue à la réparation du vice caché par un tiers, laquelle, n'ayant pas d'incidence sur les rapports contractuels entre vendeur et acquéreur, ne peut supprimer l'action estimatoire permettant à l'acquéreur d'obtenir la restitution du prix à hauteur du coût des travaux mis à sa charge pour remédier au vice ».
C’est ainsi qu’elle censure l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris qui, pour rejeter la demande en restitution de partie du prix, avait opposé à l’acheteur qu'ayant accepté que le syndicat des copropriétaires procède aux travaux de remise en état du bien affecté du vice caché, il ne pouvait plus exercer l'action estimatoire puisque le vice avait disparu, peu important qu’en l’espèce, la réparation en nature ait été effectuée par le syndicat et non par le vendeur (CA Paris, 15 oct. 2021, n° 19/22601). Au contraire, l’auteur de la réparation est jugé déterminant par la Haute cour : l’acheteur ne perd son action en garantie, même purement estimatoire (comp. Com., 1er févr. 2011 et Civ. 1re, 2 déc. 1997, préc., rendues à propos d’actions rédhibitoires), que dans la mesure où la remise en état a été accomplie par son cocontractant, et non par un tiers au contrat.
Partant, en l’espèce, le vendeur ne pouvait demander au juge de tenir de la réparation des désordres par le syndic pour juger éteinte l’action en garantie, prétendument dépourvue de cause, au détriment de l’acheteur. Dont acte : l’intervention d’un tiers laisse l’action en garantie de l’acquéreur inchangée. Cette intervention a toutefois pour effet d’indexer la réduction du prix au « coût des travaux mis à sa charge pour remédier au vice ».
Références :
■ Com. 1er févr. 2011, n° 10-11.269 P : D. 2011. 516, obs. X. Delpech ; RTD com. 2011. 405, obs. B. Bouloc.
■ Civ. 1re, 2 déc. 1997, n° 96-11.210 P : D. 1999. 17, obs. P. Brun ; RDI 1998. 380, obs. P. Malinvaud et B. Boubli ; RTD civ. 1998. 397, obs. P.-Y. Gautier ; RTD com. 1998. 660, obs. B. Bouloc.
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