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Droit de la famille
Action en nullité du mariage d’un majeur protégé intentée par les parents collatéraux
Mots-clefs : Mariage, Majeur protégé, Nullité, Vice du consentement, Collatéraux, Intérêt à agir, Intérêt pécuniaire né et actuel
La nullité du mariage d’un majeur placé sous sauvegarde de justice peut être demandée de son vivant par les parents collatéraux si ces derniers, justifiant d’un intérêt pécuniaire né et actuel, prouvent le défaut de capacité du marié à apprécier la portée de son engagement au jour de la noce.
Un homme, placé sous sauvegarde de justice, se marie à l’insu de sa famille. Peu de temps avant les noces, il avait fait don d’un appartement à sa promise et avait tiré trois chèques à l’ordre de cette dernière. Trois semaines plus tard, l’homme était placé sous tutelle.
Ses frères et sœur l’assignèrent, ainsi que son épouse et sa tutrice, en nullité du mariage sur le fondement de l’article 146 du Code civil pour défaut de consentement du mari et défaut d’intention matrimoniale des époux. Au cours de la procédure, le majeur protégé décéda.
La première interrogation portait sur la qualité pour agir des parents collatéraux en nullité du mariage du vivant de leur frère.
En vertu des dispositions combinées des articles 184 et 187du Code civil, du vivant des deux époux, toute union contractée en l’absence de consentement peut être attaquée par les parents collatéraux si et seulement si ils y ont un intérêt pécuniaire né et actuel dont la preuve doit être rapportée, l’intérêt purement moral leur étant exclu (v. sur les personnes ayant qualité pour agir en fonction de leur intérêt Droit de la famille 2010/2011).
En l’espèce, au jour du jugement les deux époux étaient encore vivants. Les juges du fond ont pu toutefois souverainement déduire que les frères et sœur, ayant vocation à recueillir, en l’absence de conjoint survivant, une partie de la succession de leur frère non incluse dans un testament, justifiaient d’un intérêt à agir né et actuel (Paris, 14 déc. 1999).
La seconde question soulevée était de savoir si la nullité absolue du mariage pouvait être prononcée pour défaut de capacité à consentir du mari placé sous sauvegarde de justice.
En vertu du Code civil, la mesure temporaire de placement sous sauvegarde de justice peut être ordonnée dès qu’est médicalement constatée chez une personne une altération « soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté » (art. 433 sur renvoi à l’art. 425 C. civ.). Contrairement à la mise sous tutelle, la personne placée sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits (art. 435 C. civ.). Ainsi, en l’espèce, aucune autorisation préalable au mariage n’était nécessaire. Mais le majeur disposait-il à cet instant de ses pleines facultés mentales pour donner son consentement validant le mariage (art. 146 C. civ.)?
Par renvoi de l’article 435 alinéa 2 à l’article 414-1 du Code civil, il appartient à ceux qui agissent en nullité d’un acte de prouver l’existence d’un trouble mental au jour de sa réalisation (Soc. 8 juill. 1980 ; v. pour un mariage : Civ. 1re, 2 déc. 1992). En outre, de jurisprudence constante, l’existence d’un trouble mental au même titre que la preuve de l’absence de consentement au mariage sont soumises à l’appréciation souveraine des juges du fond (Civ. 2e, 23 oct. 1985 ; Civ. 1re, 30 nov. 1965).
En l’espèce, les juges du fond ont retenu la nullité du mariage pour défaut de capacité après avoir pu souverainement constater « la valeur des témoignages produits et des expertises médicales versées » puis conclure, qu’au jour de la célébration de l’union, le majeur protégé était affecté « de lourdes déficiences mentales qui l’empêchaient d’apprécier la portée de son engagement ».
Cet arrêt illustre à nouveau la marge d’appréciation dont disposent les juges du fond dans les domaines de la capacité à consentir d’un majeur protégé à son mariage et de l’intérêt à agir des personnes sollicitant sa nullité, compétence qui ne relève pas du juge du droit qu’est la Cour de cassation.
Civ. 1re, 4 mai 2011, n°09-68.983, F-P + B +I
Références
« Régime de protection applicable, d’une part, aux personnes majeures qui, en raison d’une certaine altération de leurs facultés personnelles, ont besoin ou d’une protection juridique temporaire ou d’être représentées pour l’accomplissement de certains actes déterminés, d’autre part, aux personnes faisant l’objet d’une demande de curatelle ou de tutelle pendant la durée de l’instance. À côté de cette mesure judiciaire, il existe une sauvegarde de justice médicale procédant d’une déclaration adressée par le médecin au procureur de la République accompagnée de l’avis conforme d’un psychiatre. L’une et l’autre deviennent caduques après une année, sauf renouvellement (unique) pour une même durée.
La sauvegarde de justice ne prive pas la personne de l’exercice de ses droits; mais elle ouvre la possibilité d’agir en rescision pour lésion ou en réduction pour excès relativement aux actes passés, lors même que ces actes ne pourraient être annulés pour insanité d’esprit. »
Source : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ www.dalloz-fiches.fr : La formation du mariage.
■ www.dalloz-fiches.fr : Les incapcables.
■ Code civil
« Il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement. »
« Tout mariage contracté en contravention aux dispositions contenues aux articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162 et 163 peut être attaqué, dans un délai de trente ans à compter de sa célébration, soit par les époux eux-mêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt, soit par le ministère public. »
« Dans tous les cas où, conformément à l'article 184, l'action en nullité peut être intentée par tous ceux qui y ont un intérêt, elle peut l'être par les parents collatéraux, ou par les enfants nés d'un autre mariage, du vivant des deux époux, mais seulement lorsqu'ils y ont un intérêt né et actuel. »
« Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte. »
« Toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre.
S'il n'en est disposé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée expressément à l'une de ces deux missions. »
« Le juge peut placer sous sauvegarde de justice la personne qui, pour l'une des causes prévues à l'article 425, a besoin d'une protection juridique temporaire ou d'être représentée pour l'accomplissement de certains actes déterminés.
Cette mesure peut aussi être prononcée par le juge, saisi d'une procédure de curatelle ou de tutelle, pour la durée de l'instance.
Par dérogation à l'article 432, le juge peut, en cas d'urgence, statuer sans avoir procédé à l'audition de la personne. En ce cas, il entend celle-ci dans les meilleurs délais, sauf si, sur avis médical, son audition est de nature à porter préjudice à sa santé ou si elle est hors d'état d'exprimer sa volonté. »
« La personne placée sous sauvegarde de justice conserve l'exercice de ses droits. Toutefois, elle ne peut, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial a été désigné en application de l'article 437.
Les actes qu'elle a passés et les engagements qu'elle a contractés pendant la durée de la mesure peuvent être rescindés pour simple lésion ou réduits en cas d'excès alors même qu'ils pourraient être annulés en vertu de l'article 414-1. Les tribunaux prennent notamment en considération l'utilité ou l'inutilité de l'opération, l'importance ou la consistance du patrimoine de la personne protégée et la bonne ou mauvaise foi de ceux avec qui elle a contracté.
L'action en nullité, en rescision ou en réduction n'appartient qu'à la personne protégée et, après sa mort, à ses héritiers. Elle s'éteint par le délai de cinq ans prévu à l'article 1304. »
■ Sur les personnes ayant qualité pour agir en fonction de leur intérêt Droit de la famille 2010/2011, Dalloz, coll. « Dalloz Action », 2010, n°115.120 s.
■ Paris, 14 déc. 1999, D. 2000. Somm. 416, obs. Lemouland ; RTD civ. 2000. 294, obs. Hauser.
■ Soc. 8 juill. 1980, n°79-11.541, Bull. civ. n°618.
■ Civ. 1re, 2 déc. 1992, n°91-11.428, Bull. civ. I, n°299 ; D. 1993. 409, note Boulanger ; RTD civ. 1993. 328, note Hauser.
■ Civ. 2e, 23 oct. 1985, n°83-11.125, Bull. civ. II, n°158.
■ Civ. 1re, 30 nov. 1965, Bull. civ. I, n°665.
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