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Droit des biens
Action en revendication et liberté de la preuve en matière commerciale
Mots-clefs : Action en revendication, Présomption, Possession, Détention précaire, Dépôt, Commerçant, Acte mixte, Liberté de la preuve, Restitution
Dans le cadre d’une action en revendication de propriété d’un bien, la liberté de la preuve en matière commerciale joue en faveur du revendiquant non-commerçant qui pourra alors prouver par tout moyen que le prétendu possesseur commerçant n’est qu’un simple détenteur précaire.
Les héritiers d’un célèbre peintre ont introduit une action en revendication de propriété de plusieurs œuvres réalisées par leur auteur héréditaire à l’encontre des héritiers d’un galiériste-marchand d’art. Ces derniers se prévalaient de la double présomption dont bénéficient les possesseurs par application des articles 2256 (présomption de non-précarité : « On est toujours présumé posséder pour soi, et à titre de propriétaire (…) ») et 2276 du Code civil (présomption de propriété : « En fait de meubles, la possession vaut titre ») et, par suite, de l’effet acquisitif en découlant.
En cas de conflits entre un possesseur et son auteur (en l’espèce les héritiers de chacun d’eux), c’est au revendiquant d’apporter la preuve que le prétendu possesseur n’a pas une possession véritable (possession à titre de propriétaire, réelle, exempte de vice ; art. 2261 et 2276 C. civ.) et qu’il n’est pas de bonne foi (art. 2274 C. civ.). Non irréfragable, la présomption de titre tombe notamment lorsque le revendiquant, en ayant recours à la règle de la preuve par écrit des actes juridiques (art. 1341 C. civ.), prouve que le prétendu possesseur ne détient le bien qu’à titre précaire. Toutefois, si l’acte dont la preuve doit être rapportée a été conclu entre un commerçant et un non-commerçant, il s’inscrit dans la catégorie des actes mixtes et seul le non-commerçant peut alors bénéficier du principe de la liberté de la preuve en matière commerciale édictée à l’article L. 110-3 du Code de commerce (v. Civ. 1re, 8 févr. 2000 ; Civ. 1re, 2 mai 2001 : les règles de preuve de droit civil s’appliquent envers la partie pour laquelle l’acte mixte a un caractère civil).
En l’espèce, la qualité de commerçant du galiériste permettait donc aux héritiers du peintre de combattre par tous moyens la présomption de propriété. Aussi, pour conforter leurs dires selon lesquels la relation qui unissait l’artiste au galiériste-marchand d’art était celle d’un contrat de dépôt, ils produisirent divers écrits désignant les œuvres comme prêtées ainsi qu’une attestation émanant de l’ancien directeur de la galerie qui précisait que « les œuvres étaient déposées » à la galerie « en vue de leurs commercialisations éventuelles à des prix (…) fixés avec le correspondant de l’artiste, sauf lorsqu’il demandait à les conserver pour sa collection personnelle ». Après avoir constaté l’absence de toute production d’un titre justifiant le transfert de propriété des œuvres au profit du galiériste, les juges du fond estimèrent souverainement que la production desdites pièces mettait ainsi à néant la possession dont se prévalaient les héritiers du galiériste (et par voie de conséquence la présomption de propriété) et les condamnèrent à restituer les œuvres. Relevant la juste application de la liberté de la preuve en matière commerciale applicable à l’espèce, la Haute cour approuve l’arrêt d’appel et rejette tout naturellement le pourvoi formé par les héritiers du galiériste.
Civ. 1re, 22 mars 2012, n°10-28.590, F-P+B+I
Références
■ En fait de meubles, la possession vaut titre
[Droit civil]
Adage signifiant qu’en matière mobilière :
1°La possession fait acquérir la propriété, sous certaines conditions, lorsque l’acquisition est a non domino (règle de fond);
2° Elle fait présumer la propriété, lorsque l’acquisition est a domino (règle de preuve). »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
Code civil
« Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre.
Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce. »
« On est toujours présumé posséder pour soi, et à titre de propriétaire, s'il n'est prouvé qu'on a commencé à posséder pour un autre. »
« Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. »
« La bonne foi est toujours présumée, et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver. »
« En fait de meubles, la possession vaut titre.
Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient. »
■ Article L. 110-3 du Code de commerce
« À l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi. »
■ Civ. 1re, 8 févr. 2000, Bull. civ. I, n°35, RTD com. 2000. 327.
■ Civ. 1re, 2 mai 2001, Bull. civ. I, n°108, RTD com. 2001. 867.
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