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Procédure pénale
Action publique en matière d’atteinte à la vie privée et preuve par enregistrements de conversations privées
Mots-clefs : Action publique, Liberté de la preuve, Loyauté de la preuve
Les dispositions qui subordonnent la validité des poursuites à une plainte de la victime s’entendent de l’exercice effectif de l’action publique par l’ouverture d’une information ou la saisine d’une juridiction de jugement. Des enregistrements obtenus clandestinement par une personne privée ne constituent pas en eux-mêmes des actes ou des pièces de l’information, au sens de l’article 170 du Code de procédure pénale, et, comme tels, susceptibles d’être annulés, mais des moyens de preuve qui peuvent être discutés contradictoirement.
L’affaire d’abus de faiblesse la plus médiatisée de France, en raison de la qualité des protagonistes, vient à nouveau de donner l’occasion à la chambre criminelle de rappeler deux principes classiques de procédure pénale : l’un en matière d’action publique, l’autre en matière de recevabilité de la preuve.
En l’espèce, des enregistrements clandestins ont réalisés par le majordome au domicile de madame B. puis remis aux enquêteurs par la fille de cette dernière, afin de prouver un éventuel abus de faiblesse dont aurait été victime sa mère de la part de membres de son entourage. Deux pourvois furent formés, sans succès, contre l’arrêt de la cour d’appel. Le premier, formé par madame B., invoquait la nullité des enregistrements illégalement recueillis. Le second, formé par sa fille, sollicitait l’annulation de la procédure, le procureur ayant ouvert une enquête préliminaire pour atteinte à la vie privée avant que les personnes concernées aient déposé plainte contrairement aux dispositions de l’article 226-6 du Code pénal.
■ Validité des poursuites subordonnée à une plainte de la victime
Le ministère public, informé de la commission d’une infraction, est en principe libre de mettre en mouvement l’action publique ou non. Par exception, il ne peut, parfois, le faire sans une plainte préalable de la partie lésée. Ainsi en est-il de l’action publique en matière d’atteinte à la vie privée, l’article 226-6 du Code pénal subordonnant son exercice, par le procureur de la République, au dépôt préalable d’une plainte de la victime. En l’espèce, le procureur avait ordonné la retranscription des enregistrements, quelques jours avant que les personnes dont les voix avaient été captées ne déposent plainte. L’ouverture de l’information n’est intervenue que plus tard. Le pourvoi soulevait la nullité de la transcription des enregistrements et de l’audition de leur auteur, intervenues antérieurement au dépôt de ces plaintes en raison de l’absence de plainte du chef d’atteinte à l’intimité de la vie privée préalablement à l’ouverture de l’enquête.
L’argumentation est, sans surprise, rejetée par la chambre criminelle. En effet, « l’exercice de cette action [publique] suppose la saisine d’une juridiction d’instruction ou de jugement ». L’enquête n’est pas un l’acte initial de la poursuite par lequel l’action publique est déclenchée.
Elle rappelle aussi qu’au moment de l’ouverture de l’information, ces plaintes n’avaient pas été retirées (Crim. 14 janv. 1997), et que la transcription des enregistrements ainsi que l’audition de leur auteur étaient justifiées par un risque de déperdition des preuves des infractions pénales supposées.
■ La preuve en matière pénale : enregistrements de conversations privées
La preuve en droit pénal est gouvernée par le principe de liberté à moins que la loi en dispose autrement. Le Code de procédure réglemente ainsi les différents moyens habituels d’obtention de preuve. Tel est le cas en matière d’écoute et d’enregistrement des propos d’autrui (L. 10 juill. 1991). De son côté, la jurisprudence condamne en principe les procédés déloyaux de preuve et écarte du débat judiciaire les éléments de preuve obtenus de manière illicite. Un tempérament doit être apporté à cette affirmation lorsque l’élément de preuve est apporté par une partie privée au procès. La chambre criminelle énonce classiquement qu’aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d’écarter les moyens de preuve produits par les parties au motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale. Il suffit que celles-ci soient discutées contradictoirement (Crim. 6 avr. 1993 ; Crim. 6 avr. 1994 ; Crim. 30 mars 1999 ; Crim. 11 juin 2002 ; Crim. 13 oct. 2004). En l’espèce, les enregistrements réalisés par le majordome sont donc recevables.
Rappelons que cette affaire a déjà donné lieu un premier arrêt de la chambre criminelle qui, par un arrêt du 6 décembre 2011, estimait que le procureur de la République avait violé le secret des sources en permettant à des officiers de police judiciaire, par voie de réquisitions auprès des opérateurs de téléphonie, d'obtenir l'identification des numéros de téléphone de correspondants de journalistes. Dans cette première décision, la chambre criminelle avait concilié la recherche des preuves avec l'ensemble du dispositif conventionnel et légal spécifiquement destiné à garantir la protection des sources des journalistes.
Crim. 31 janv. 2012, n° 11-85.464, F-P+B+I
Références
[Droit civil/Droit commercial/Droit pénal]
« Exploitation de l’état d’ignorance, de vulnérabilité ou de sujétion psychologique ou physique d’une personne pour l’amener à prendre des engagements dont elle est incapable d’apprécier la portée. L’abus de faiblesse est traité comme un vice du consentement, tantôt dol, tantôt violence, et constitue un délit pénal, lequel est aggravé lorsqu’il est commis par le dirigeant d’une secte. »
[Procédure pénale]
« Action en justice portée devant une juridiction répressive pour l’application des peines à l’auteur d’une infraction. Même si elle peut être mise en mouvement par la partie civile, elle est toujours exercée par les magistrats ou par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
Code pénal
« Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :
1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.
Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé. »
« Est puni des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1.
Lorsque le délit prévu par l'alinéa précédent est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »
« Dans les cas prévus par les articles 226-1 et 226-2, l'action publique ne peut être exercée que sur plainte de la victime, de son représentant légal ou de ses ayants droit. »
■ Article 170 du Code de procédure pénale
« En toute matière, la chambre de l'instruction peut, au cours de l'information, être saisie aux fins d'annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure par le juge d'instruction, par le procureur de la République, par les parties ou par le témoin assisté. »
■ Crim. 14 janv. 1997, Bull. crim. n° 9.
■ Crim. 6 avr. 1993, n°93-80.184, JCP 1993. II. 22144, note Rassat.
■ Crim. 6 avr. 1994, Bull. crim. n° 136.
■ Crim. 30 mars 1999, D. 2000. Jur. 391, note T. Garé.
■ Crim. 11 juin 2002, Bull. crim. n° 131.
■ Crim. 13 oct. 2004, AJ pénal 2004. 451, obs. C. S. Enderlin.
■ Crim. 6 déc. 2011, n° 11-83.970, Dalloz actualité 20 déc. 2011, obs. S. Lavric.
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