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Droit des obligations
Action résolutoire : défaut de paiement de l’intégralité du prix et effet rétroactif
Mots-clefs : Vente d’immeuble, Action résolutoire, Effets de la résolution, Rétroactivité, Restitutions, Prix de vente, Dépréciation du bien, Prise en compte (non)
L’effet rétroactif de la résolution d’une vente empêche le vendeur d’obtenir de l’acquéreur une indemnité correspondant à la dépréciation subie par la chose en raison de l’utilisation qu’il en a faite.
Une société avait vendu à sa gérante divers lots de copropriété en l'état futur d'achèvement, dans un immeuble en cours de rénovation, au prix de 370 000 euros, le contrat stipulant que le prix serait payé au fur et à mesure de l'avancement des travaux et précisant les garanties de paiement. La mise à disposition des locaux eut lieu à la fin de l'année 2006. En 2010, le nouveau gérant de la société, reprochant à l'ancienne gérante d’occuper un appartement et d’en louer d'autres alors qu’elle n’avait pas payé la totalité du prix, avait assigné cette dernière en résolution de la vente et en paiement de dommages-intérêts.
La cour d'appel prononça la résolution de la vente. Au soutien de son pourvoi en cassation, l’ancienne gérante arguait principalement qu’en consentant à mettre à sa disposition les lots avant que le prix ne fût intégralement réglé, la société avait renoncé à l’exercice de l’action résolutoire. La Cour de cassation rejette cette analyse, approuvant celle des juges du fond, ayant pu valablement considérer qu'il ne pouvait être déduit de la seule délivrance des lots antérieurement au paiement intégral du prix de vente et de la non-inscription du privilège du vendeur une renonciation non équivoque de la société à exercer l'action résolutoire en cas de non-paiement du prix, et ce d’autant plus que l'acte de vente ne portait mention que d'un prix global, sans distinction entre les divers lots qui formaient l’objet de la vente.
Toutefois, l'arrêt d'appel est cassé sur le quatrième moyen, fondé sur l’effet rétroactif de la résolution, lequel s’oppose à ce que la seule utilisation ou usure de la chose justifie l’indemnisation du vendeur ; en effet, les juges du fond avaient arrêté le montant de la créance de la société contre l'ancienne gérante à la somme de 37 000 euros au titre de la dépréciation des lots objets de la vente résolue. Or en statuant ainsi, alors que le vendeur n'est pas fondé, en raison de l'effet rétroactif de la résolution de la vente, à obtenir une indemnité liée à l'utilisation de la chose vendue ou à l'usure résultant de cette utilisation, la cour d'appel a violé l'article 1184 du Code civil.
Lorsqu’une vente est résolue, le contrat est anéanti de façon rétroactive avec toutes ses conséquences : le prix de vente comme le bien objet de la vente doivent être restitués. La résolution suppose une inexécution suffisamment grave des obligations contractuelles : ainsi l’acheteur peut-il demander la résolution de la vente en raison d’un vice caché affectant le bien vendu ; de son côté, le vendeur peut, comme en l’espèce, invoquer le défaut de paiement du prix, ou son règlement partiel. Dans tous les cas, la résolution du contrat a pour effet de remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat. Dès lors, s’agissant de la restitution du prix de vente, si le bien a été utilisé, se pose la question de la somme à restituer. Autrement dit, faut-il déduire du prix à restituer une somme correspondant à l’utilisation ou à l’usure du bien vendu ? La décision rapportée y répond conformément à une jurisprudence récente : après la résolution d'une vente, le vendeur, qui se voit restituer la chose, doit rembourser le prix qu'il a perçu sans pouvoir prétendre à une indemnité correspondant à l'utilisation ou à l’usure de la chose et qui reviendrait à une diminution de la restitution qu'il doit (V. Civ. 1re, 15 mai 2007, n° 05-16.926 – Com. 30 oct. 2007, n° 05-17.882).
L’effet rétroactif de l’action résolutoire empêche le vendeur de prétendre à une indemnité correspondant à la seule utilisation du bien, l’acquéreur étant réputé n’en avoir jamais été propriétaire ni ne l’avoir jamais exploité. Ainsi le vendeur doit-il restituer l’intégralité du prix perçu, à moins que la chose qui lui est restituée se révèle usée ou dégradée ; dans ce cas, le vendeur a alors droit à une indemnité correspondant aux détériorations causées à la chose par la faute de l’acheteur (Civ. 1re, 21 mars 2006, n° 03-16.307 – V. en ce sens aussi Com. 30 oct. 2007, précité). Responsable à l'égard du vendeur, l’acheteur devra lui verser une indemnité correspondant au coût de remise dans l'état où la chose se trouvait lors de la vente. Il importe peu que l'acquéreur ait ou non tiré profit de ces dégradations, son obligation d'indemnisation ne reposant pas sur la règle de l'enrichissement sans cause. Mais par principe, il n’est pas possible de déduire du prix que le vendeur doit restituer une somme correspondant à l’usage du bien. Le temps écoulé entre la vente et son anéantissement rétroactif n’a pas d’effet sur le prix à restituer.
Civ. 3e, 13 juill. 2016, n° 14-26.958, FS-P+B
Références
■ Civ. 1re, 15 mai 2007, n° 05-16.926, D. 2007. 1594 ; ibid. 2897, obs. P. Brun et P. Jourdain ; RTD com. 2008. 172, obs. B. Bouloc.
■ Com. 30 oct. 2007, n° 05-17.882, D. 2007. 2872 ; RTD com. 2008. 409, obs. B. Bouloc.
■ Civ. 1re, 21 mars 2006, n° 03-16.307.
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