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Droit des obligations
Actions liées : extension de l’effet interruptif de prescription
L’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre à moins que celles-ci, bien qu’ayant une cause distincte, soient liées par l’identité du but qu’elles poursuivent.
Une société civile d’exploitation agricole (l’acquéreur), avait acquis auprès d’une société de vente agricole (la venderesse) une machine à vendanger et un pulvérisateur fabriqués par une troisième société (le fabricant). Après avoir constaté d’importants dysfonctionnements de la machine, l’acquéreur avait, le 19 juillet 2011, assigné la venderesse en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés. Par acte du 20 avril 2012, cette dernière avait agi contre le fabricant en garantie, lequel était intervenu à l’instance engagée par l’acheteur. Par un dépôt de conclusions en date du 7 novembre 2014, la venderesse avait sollicité le rejet de la demande en résolution de l’acquéreur et, subsidiairement, la résolution de la vente conclue avec le fabricant dans l’hypothèse où la vente consentie à l’acquéreur serait résolue. Le fabricant lui avait alors opposé la prescription de son action. La résolution de la vente ayant été prononcée, la seconde avait été condamnée à restituer à l’acheteur le prix acquitté.
La cour d’appel déclara irrecevable comme prescrite l’action en garantie des vices cachés engagée par la venderesse contre le fabricant, après avoir retenu que la prescription biennale avait commencé à courir à la date de l’assignation délivrée par l’acquéreur, soit le 19 juillet 2011. Cependant, l’action en garantie signifiée en 2012 puis formée en 2014 par conclusions, engagée sur le fondement de l’article 1134 du Code civil et n’ayant ainsi pas le même objet que l’action en résolution pour vices cachés, n’avait par conséquent pas eu d’effet interruptif sur cette action.
Au visa de l’article 2241 du Code civil dont elle rappelle que doit être déduite la règle selon laquelle si en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première, la Cour de cassation censure la décision des juges du fond. Elle juge en effet que « l’action engagée par le vendeur contre le fabricant le 20 avril 2012, bien que fondée sur l’article 1134 du Code civil, tendait, comme celle formée le 7 novembre 2014, à la garantie du fabricant en conséquence de l’action en résolution de la vente intentée par l’acquéreur contre le vendeur sur le fondement des vices cachés et au paiement par le fabricant du prix de la vente résolue », en sorte que l’action en garantie fondée sur l’ancien article 1134 devait être considérée comme interruptive de la prescription biennale prévue à l’article 1648 du Code civil.
Cette décision témoigne, dans le cadre d’une chaîne de contrats, des effets de l’interruption de la prescription causée par l’introduction d’une demande en justice et, plus particulièrement, en rappelle la portée quant aux actions engagées.
Elle en appelle d’abord au rappel du principe d’interdiction d’étendre l’effet interruptif de prescription attaché à une demande en justice à une demande qui, quoique engagée au cours de la même instance, s’en distingue par son objet ou par sa cause. Par exemple, l’action en majoration de rente pour faute inexcusable de l’employeur et l’action pénale intentée à la suite d’un accident du travail ayant un but différent, il en résulte que la seconde ne peut interrompre le cours de la prescription applicable à la première (Soc. 3 mai 1978, n° 77-11.541) ; aussi bien, les actions en fixation des indemnités d’éviction et d’occupation étant distinctes par leur objet et par leur cause, la mise en œuvre de l’une n’a pas pour effet d’interrompre le cours de la prescription de l’autre (Civ. 3e, 19 janv. 2000, n° 98-13.773).
Elle en illustre surtout le tempérament depuis longtemps apporté à la règle précédente ; si en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoique ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première (Soc. 15 juin 1961; Civ. 3e, 22 sept. 2004, n° 03-10.923 ; Civ. 3e, 26 mars 2014, n° 12-24.203). Ainsi, une action paulienne ayant été engagée dans le délai de prescription, afin de rendre inopposable à une banque l’apport fait par la débitrice de certains biens à une société, et la mesure d’exécution engagée ultérieurement portant sur ces mêmes biens, l’assignation relative à l’action paulienne a interrompu la prescription de l’action en recouvrement de la créance jusqu’au prononcé de l’arrêt faisant droit à l’action paulienne (Civ. 2e, 28 juin 2012, n° 11-20.011). Aussi bien, l’interruption de la prescription d’une action en nullité pour dol s’étend à l’action en garantie des vices cachés, introduite au cours de la même instance, les deux actions tendant à un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première (Civ. 3e, 18 avr. 2019, n° 18-10.883).
En l’espèce, la même extension devait être constatée s’agissant des actions successives engagées par la venderesse contre le fabricant, d’abord fondées sur l’ancien article 1134 du Code civil, puis sur les articles 1641 et suivants du même code, en raison de l’identité du but poursuivi par ces actions qui justifiait, virtuellement, de les confondre, à savoir la garantie du fabricant en conséquence de l’action en résolution de la vente intentée par l’acquéreur et au paiement garanti par le fabricant du prix de la vente résolue.
Civ. 1re, 9 mai 2019, n° 18-14.736
Références
■ Soc. 3 mai 1978, n° 77-11.541 P
■ Civ. 3e, 19 janv. 2000, n° 98-13.773 P : D. 2000. 177, obs. Y. Rouquet ; RDI 2000. 259, obs. J. Derruppé
■ Soc. 15 juin 1961 : Bull. civ. IV, n° 650
■ Civ. 3e, 22 sept. 2004, n° 03-10.923 P : D. 2004. 2549, et les obs. ; RDI 2004. 569, obs. P. Malinvaud
■ Civ. 3e, 26 mars 2014, n° 12-24.203 P : D. 2014. 822
■ Civ. 2e, 28 juin 2012, n° 11-20.011 P : D. 2012. 1818 ; RTD civ. 2012. 727, obs. Fages.
■ Civ. 3e, 18 avr. 2019, n° 18-10.883.
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