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Droit du travail - relations individuelles
Activité du salarié pendant son arrêt de travail et office du juge
Mots-clefs : Arrêt de travail, Obligation de loyauté, Préjudice de l'employeur (absence),Faute gave, (non), Licenciement sans cause réelle et sérieuse
T.Pour qu’un licenciement soit fondé, l’activité exercée par un salarié pendant son arrêt de travail doit porter préjudice à son employeur ou à l’entreprise.
Lorsqu’un salarié est malade ou victime d’un accident, il peut se voir délivrer par un médecin un arrêt de travail. Le contrat de travail est alors suspendu mais la relation contractuelle entre l’employeur et le salarié demeure (art. L. 1226-7 C. trav.). Le salarié reste tenu d’un obligation de loyauté à l’égard de l’entreprise qui recouvre une obligation de non-concurrence, de fidélité, de discrétion et de réserve, ainsi que l’obligation de ne pas nuire à l’image de l’entreprise ou à son fonctionnement (v. obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail : art. L. 1222-1 C. trav.).
Dans l’arrêt ici commenté, un homme a travaillé sur des marchés, pour son compte au stand de son épouse, pendant son arrêt de travail et en dehors des heures de sorties autorisées par le certificat médical. Il fut alors licencié pour faute grave.
La question était donc de savoir si un salarié viole son obligation de loyauté en exerçant une activité pendant son arrêt de maladie.
La chambre sociale admet une conception restrictive de l’obligation de loyauté. Ainsi a-t-elle déjà considéré que le manquement à cette obligation exige que le salarié ait une activité incompatible avec son incapacité de travail dès lors qu’il s’agit d’un remplacement à titre occasionnel, assuré bénévolement (Soc. 4 juin 2002 ; Soc. 11 juin 2003). Le contrat de travail n’est en revanche pas exécuté de bonne foi par le salarié (art. L. 1222-1 C. trav.) et l’obligation de loyauté n’est pas respectée si le salarié en arrêt de maladie travaille pour le compte d’un autre employeur (Soc. 21 juill. 1994). Une mesure disciplinaire peut alors être envisagée pour sanctionner ce manquement. Toutefois, l’employeur doit caractériser la faute justifiant un licenciement au risque de le voir déclaré infondé lors d’un contrôle opéré par la Haute cour (Soc. 1er avr. 2003). De même, il ne peut sanctionner l’inobservation par le salarié de ses obligations à l'égard des tiers, comme la sécurité sociale (v. sur les heures de sortie autorisées : Soc. 16 juin 1998 ; Soc. 27 juin 2000.)
En l’espèce, le salarié avait été licencié pour faute grave, c’est-à-dire une faute qui nécessite une violation des obligations contractuelles et rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise (Soc. 27 sept. 2007). Les juges du fond ont estimé que l’instrumentalisation de l’arrêt de maladie aux fins de se consacrer à une activité lucrative, même non concurrentielle de celle de son employeur, constituait un manquement à son obligation de loyauté. Mais opérant un contrôle sur la qualification de la sanction, les magistrats de la chambre sociale cassèrent l’arrêt d’appel aux visas des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail. Dans son attendu, la Haute cour rappelle dans un premier temps les principes issus de sa jurisprudence en la matière à savoir :
– que « l’inobservation par le salarié de ses obligations à l'égard de la sécurité sociale ne peut justifier un licenciement » ;
– et que « l’'exercice d'une activité pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt ».
Dans un second temps, elle apporte une précision indispensable pour qu’un licenciement soit fondé : « l'acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l'employeur ou à l'entreprise ».
La Haute cour reformule ainsi sa jurisprudence qui reposait sur le critère de loyauté de l’acte. L’acte déloyal doit donc porter préjudice. L’obligation de loyauté sera non respectée et le salarié sanctionné disciplinairement si l’activité exercée en cours de suspension du contrat entre en concurrence avec celle de l’entreprise ou nuit à son image ou son fonctionnement.
Soc. 12 oct. 2011, n°10-16.649, FS-P+B
Références
■ J. Pélissier, G. Auzero, E. Dockès, Droit du travail, 26e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2012, n°328 s.
■ Soc. 21 juill. 1994, Bull. civ. V, n°250.
■ Soc. 4 juin 2002, Bull. civ. V, n°191.
■ Soc. 11 juin 2003, n° 02-42.818.
■ Soc. 1er avr. 2003, n°00-44.902, D. 2000. 791.
■ Soc. 16 juin 1998, Bull. civ. V, n°323.
■ Soc. 27 juin 2000, Bull. civ. V, n°249.
■ Soc. 27 sept. 2007, n°06-43.867, RDT 2007. 650.
■ Code du travail
« Le contrat de travail est exécuté de bonne foi. »
« Le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie.
Le contrat de travail est également suspendu pendant le délai d'attente et la durée du stage de réadaptation, de rééducation ou de formation professionnelle que doit suivre l'intéressé, conformément à l'avis de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles. Le salarié bénéficie d'une priorité en matière d'accès aux actions de formation professionnelle.
Le contrat de travail est également suspendu pendant les périodes au cours desquelles le salarié suit les actions mentionnées à l'article L. 323-3-1 du code de la sécurité sociale dans les conditions prévues à ce même article, en application du quatrième alinéa de l'article L. 433-1 du même code.
La durée des périodes de suspension est prise en compte pour la détermination de tous les avantages légaux ou conventionnels liés à l'ancienneté dans l'entreprise. »
« Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :
1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;
2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;
3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié. »
« Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.
L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2. »
« Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire. »
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