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Droit des personnes
Adieu « sexe neutre » !
Mots-clefs : Acte de naissance, Mention, Sexe neutre, Changement, Rectification, Droit au respect de sa vie privée
Dans un arrêt rendu le 22 mars 2016, la cour d’appel d’Orléans a infirmé le jugement rendu le 20 août 2015 par le tribunal de grande instance de Tours qui admettait le remplacement de la mention « sexe masculin » par la mention « sexe neutre » sur les registres d’état civil.
En l’espèce, le procureur de la République demandait à la cour d’appel d’infirmer la décision rendue par le tribunal de grande instance de Tours. Il faisait valoir que la Cour européenne des droits de l’homme avait bien consacré dans un arrêt de Grande chambre, Goodwin contre Royaume-Uni (11 juill. 2002, n° 28957/95), le droit à l’identité sexuelle comme aspect fondamental de la vie privée mais que l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme prévoyait l’ingérence possible d’une autorité publique si elle était prévue par la loi, légitime, et proportionnée au but poursuivi. Selon le procureur de la République une telle ingérence était justifiée en l’espèce, l' article 57 du Code civil et le point 55 de la circulaire du 28 octobre 2011 ne prévoyant pas la possibilité d’inscrire la mention « sexe neutre » ou « intersexe » sur les registres d’état civil. Il ajoutait qu’une telle possibilité n’était prévue que par très peu d’États en Europe, et que la question de la création d’une troisième catégorie sexuelle renvoyait à un débat de société dépassant la simple question de la rectification de l’acte d’état civil.
De son côté le requérant rappelait, certificats médicaux à l’appui, qu’il était né sans identité sexuelle définie et qu’il ne s’était finalement orienté vers une apparence masculine qu’au terme de traitements douloureux pour lui, n’ayant jamais souhaité ce changement d’apparence.
Par ailleurs il faisait valoir que l’article 57 du Code civil ne donnait pas de définition précise du sexe et que plusieurs États avaient admis un système non binaire, reconnaissant l’existence d’une nouvelle catégorie sexuelle. Le requérant se percevant comme n’appartenant à aucun des deux sexes, le refus opposé par l’État français à un changement d’état civil constituait selon lui une ingérence disproportionnée au regard des critères posés par l’article 8, § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme garantissant le droit à la vie privée.
La cour d’appel d’Orléans a donc rappelé que selon le principe d’indisponibilité de l’état des personnes, l’état civil était normalement imposé à tous. Elle a néanmoins souligné que des exceptions étaient admises sur le principe du droit au respect de la vie privée et que tel était le cas en l’espèce. En effet, le requérant présentant une « variation du développement sexuel » et ne se sentant appartenir à aucun des deux sexes, un juste équilibre devait être recherché entre d’une part la protection d’ordre public de l’état des personnes et d’autre part le respect de la vie privée.
Ainsi selon la cour d’appel, le juste équilibre recherché devrait pouvoir permettre aux personnes présentant une variation du développement sexuel d’obtenir soit l’absence de mention d’une catégorie sexuelle dans leur état civil, soit une modification du sexe qui leur a été assigné afin que ce dernier corresponde à leur comportement social et leur apparence physique.
Or en l’espèce, le requérant qui demandait à ce que soit substituée à la mention « sexe masculin », la mention « sexe neutre » était marié et avait adopté un enfant avec son épouse. La rectification de l’acte d’état civil ne pouvait dès lors pas être autorisée selon la cour d’appel, la demande se trouvant en contradiction à la fois avec l’apparence physique et le comportement social du requérant.
Enfin, la cour d’appel a précisé que la reconnaissance d’une nouvelle catégorie sexuelle allait au-delà du pouvoir d’interprétation du juge judiciaire et relevait de la seule appréciation du législateur, l’état actuel du droit français ne permettant pas de rectification des actes d’état civil en ce sens. Par ailleurs, elle a souligné les possibles risques de stigmatisation dont pourraient souffrir les personnes concernées, notamment pendant leur minorité, si elles étaient assignées dans cette nouvelle catégorie.
Références
■ Convention européenne des droits de l’homme
Article 8
« Droit au respect de la vie privée et familiale. 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
■ Circulaire du 28 octobre 2011
Point 55
« Sexe de l'enfant - Lorsque le sexe d'un nouveau-né est incertain, il convient d'éviter de porter l'indication «de sexe indéterminé» dans son acte de naissance. Il y a lieu de conseiller aux parents de se renseigner auprès de leur médecin pour savoir quel est le sexe qui apparaît le plus probable compte tenu, le cas échéant, des résultats prévisibles d'un traitement médical. Ce sexe sera indiqué dans l'acte, l'indication sera, le cas échéant, rectifiée judiciairement par la suite en cas d'erreur.
Si, dans certains cas exceptionnels, le médecin estime ne pouvoir immédiatement donner aucune indication sur le sexe probable d'un nouveau-né, mais si ce sexe peut être déterminé définitivement, dans un délai d'un ou deux ans, à la suite de traitements appropriés, il pourrait être admis, avec l'accord du procureur de la République, qu'aucune mention sur le sexe de l'enfant ne soit initialement inscrite dans l'acte de naissance. Dans une telle hypothèse, il convient de prendre toutes mesures utiles pour que, par la suite, l'acte de naissance puisse être effectivement complété par décision judiciaire.
Dans tous les cas d'ambiguïté sexuelle, il doit être conseillé aux parents de choisir pour l'enfant un prénom pouvant être porté par une fille ou par un garçon ».
■ TGI Tours, 20 août 2015, Dalloz Actu Étudiant, 22 oct. 2015, D. 2015. 2295, note F. Vialla ; AJ fam. 2015. 613, obs. S. Le Gac-Pech ; RTD civ. 2016. 77, note Hauser.
■ CEDH, gr. ch., 11 juill. 2002, Goodwin c/ Royaume-Uni, n° 28957/95, AJDA 2002. 1277, chron. J.-F. Flauss ; D. 2003. 525, obs. C. Bîrsan ; ibid. 1935, chron. J.-J. Lemouland ; RDSS 2003. 137, obs. F. Monéger ; RTD civ. 2002. 782, obs. J. Hauser ; ibid. 862, obs. J.-P. Marguénaud.
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