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Droit des personnes
Administration légale et devoir de vigilance du banquier
Mots-clefs : Administration légale, Contrôle judiciaire, Mineur, Acte d’administration, Devoir de vigilance du banquier
L'administrateur légal, même placé sous contrôle judiciaire, a le pouvoir de faire seul les actes d'administration et peut, à ce titre, procéder à la réception des capitaux échus au mineur et les retirer du compte de dépôt sur lequel il les a versés, la banque n'est pas garante de l'emploi des capitaux.
En l’espèce, une femme a, en qualité d’administrateur légal de son fils mineur, ouvert un compte de dépôt au nom de ce dernier. Après y avoir placé une certaine somme provenant de la succession du père, elle a opéré divers retraits et virements bancaires à son profit. Le juge des tutelles des mineurs, agissant en qualité de tuteur aux biens du mineur, a assigné la banque en responsabilité et remboursement des sommes prélevées, qui a appelé en garantie l’administratrice légale.
La Cour d’appel approuve la demande du juge des tutelles et condamne la banque au versement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par le mineur. Elle fait valoir que les retraits et virements auraient dû, « par leur répétition, leur importance et la période resserrée d’une semaine sur laquelle ils ont eu lieu, attirer l’attention de la banque et entraîner une vigilance particulière de sa part, s’agissant d’un compte ouvert au nom d’un mineur soumis à une administration légale sous contrôle judiciaire ».
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt au motif que l’administrateur légal, même placé sous contrôle judiciaire, a le pouvoir de faire seul les actes d’administration. Elle juge que la banque n’est pas garante de l’emploi des capitaux.
Cet arrêt permet de faire un point sur le régime de l’administration légale, qui a fait l’objet d’une réforme à la faveur de l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille. Les articles 382 et suivants du Code civil ont été modifiés à cette occasion et sont applicables aux administrations légales en cours au 1er janvier 2016. L’administration légale permet aux titulaires de l’autorité parentale d’exercer leur pouvoir de représentation et de gestion des biens de leur enfant mineur.
Avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2015, le Code civil distinguait deux types d’administration légale : l’administration légale « pure et simple » lorsque les deux parents exerçaient, en commun, l’autorité parentale et l’administration légale sous contrôle judiciaire lorsque l’autorité parentale était exercée par un seul parent.
En l’espèce, le père de l’enfant est décédé, ce qui confère à la mère exclusivement, l’autorité parentale. Celle-ci dispose ainsi du statut d’administrateur légal sous contrôle judiciaire. L’ordonnance de 2015 a modifié les règles en la matière, puisqu’elle consacre un seul type d’administration légale, aux termes duquel chaque parent qui exerce l’autorité parentale est administrateur légal. Dès lors, si les deux parents exercent l’autorité parentale, ils sont tous deux administrateurs légaux, comme c’était le cas auparavant. En revanche, si un seul des parents exerce l’autorité parentale, lui seul est administrateur légal, mais ne l’est plus sous contrôle judiciaire. On constate une déjudiciarisation lorsqu’un seul des parents est administrateur légal, l’objectif étant de lui laisser une certaine liberté quant aux actes passés pour le compte de son enfant mineur. Il n’en reste pas moins que certains actes sont tout de même soumis à autorisation judiciaire. Il s’agit des actes de disposition, qui entraînent la transmission d’un droit réel ou la souscription d’un engagement juridique important. Ils engagent le patrimoine d’une personne en influant sensiblement sur son contenu ou sur sa valeur. Les actes de disposition s’opposent aux actes d’administration qui ont pour but la gestion normale d’un patrimoine. Ils tendent à maintenir les droits dans le patrimoine et ne peuvent de ce fait, entraîner leur transmission. Ainsi, l’administrateur légal peut, en cette qualité, accomplir les actes d’administration sur les biens de son enfant mineur mais pas les actes de disposition.
En l’espèce, la Cour de cassation juge que l’acte litigieux accompli par la mère est un acte d’administration, de sorte qu’elle était en droit de l’accomplir seule. Cependant, la question se pose de savoir s’il ne s’agit pas plutôt d’un acte de disposition car le prélèvement, par l’administrateur légal, d’une somme importante, à son profit, sur le compte de son enfant mineur, constitue une modification importante du contenu de son patrimoine. Il entraîne en effet une dépréciation significative de sa valeur en capital.
Quoi qu’il en soit, peu importe pour la banque qu’il s’agisse d’un acte d’administration ou d’un acte de disposition ; celle-ci n’est pas garante de l’emploi des capitaux. C’est ce qu’a considéré la Cour de cassation en se fondant sur l’article 499 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, qui dispose que les tiers « ne sont pas garants de l'emploi des capitaux ». L’article poursuit : « Toutefois, si à l'occasion de cet emploi ils ont connaissance d'actes ou omissions qui compromettent manifestement l'intérêt de la personne protégée, ils en avisent le juge ». Mais encore faut-il que le tiers en ait connaissance. La Cour de cassation refuse ainsi d’invoquer le manquement de la banque au devoir de vigilance dont elle est titulaire. En effet, outre ses devoirs d’information, de conseil et de mise en garde, la banque est en principe débitrice d’un devoir de vigilance qui lui impose d’être attentive « aux anomalies et irrégularités manifestes ». Il lui appartient effectivement de procéder aux vérifications nécessaires visant à déceler les anomalies apparentes dans le fonctionnement d’un compte. La Cour d’appel reproche d’ailleurs à la banque d’avoir manqué à ce devoir de vigilance. Elle relève un « faisceau d’indices » justifiant une vigilance particulière de la banque. Celle-ci était en présence d’une administration légale sous contrôle judiciaire, le compte a été ouvert au nom d’un mineur, l’administratrice a prélevé des sommes importantes, à son profit, sur le compte du mineur, par plusieurs retraits et virements, et ce, sur une courte période. Cependant, bien que tous ces éléments semblent devoir justifier une vigilance particulière de la part de la banque, il ne faut pas oublier que cette dernière est également tenue à un devoir de non-ingérence qui lui impose de ne pas intervenir dans les affaires de son client. La Cour de cassation n’a donc pas suivi l’argumentation de la Cour d’appel, considérant que la banque n’est pas garante de l’emploi des capitaux, et rendant ainsi une décision favorable aux banquiers.
Civ. 1re, 11 oct. 2017, n° 15-24.946
Références
■ Sur le devoir de vigilance de la banque:
Com. 10 mars 1998, n° 95-16.976
Com. 12 juill. 2017, n° 15-27.891
Com. 16 oct. 2012, n° 11-19.981 P : D. 2013. 407, obs. X. Delpech, note J. Lasserre Capdeville ; RTD com. 2012. 825, obs. D. Legeais.
■ Sur la distinction entre les actes d’administration et les actes de disposition : Décr. n° 2008-1484 du 22 déc. 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, et pris en application des articles 452, 496 et 502 du code civil.
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