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Droit des personnes
Administration légale : la renonciation à un contrat d’assurance-vie est un acte d’administration
Mots-clefs : Mineur, Administrateur légal, Pouvoirs, Contrat d'assurance-vie, Acte de disposition, Acte d'administration, Juge des tutelles
La faculté de renoncer à un contrat d’assurance-vie s’analyse comme un acte d’administration qui peut être exécuté par l’administrateur légal du mineur sans recours au juge des tutelles.
Une femme, qui a souscrit un contrat d’assurance-vie au nom de son fils mineur et un contrat de capitalisation dont elle a fait don à ce dernier de la nue-propriété, peut-elle exercer seule la faculté de renonciation prévue à l’article L. 132-5-1 du Code des assurances ?
La renonciation entraînant la restitution par l’entreprise d’assurance ou de capitalisation de l’intégralité des sommes versées par le cocontractant, l’enjeu était ici pour l’assureur de démontrer que la mère ne pouvait user seule de cette faculté sans autorisation du juge des tutelles puisqu’il s’agissait selon lui d’un acte de disposition (art. 389-5 C. civ.).
La faculté de renonciation prévue à l’article L. 132-5-1 du Code des assurances est un droit personnel du souscripteur qui ne peut être exercée qu’en vertu d’un mandant spécial (Civ. 2e, 19 févr. 2009). Dans le cadre de la gestion du patrimoine de l’enfant mineur, l’étendue des pouvoirs des administrateurs légaux — qui sont en général les deux parents qui exercent en commun l’autorité parentale (art. 389 C. civ.) — dépend de la nature de l’acte qu’ils accomplissent (art. 389-4, 389-5, 389-7 C. civ.).
Ainsi, les actes d’administration, définis comme « les actes d'exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal. » (art. 1er Décr. 22 déc. 2008), peuvent être accomplis par un seul des parents (art. 389-4 C. civ.), contrairement aux actes de disposition. Ces derniers sont des actes « qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l'avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire » (art. 2 Décr. 22 déc. 2008) et qui nécessitent au minimum un accord commun des administrateurs légaux (art. 389-5 al. 1er C. civ.) jusqu’à l’autorisation du juge aux affaires familiales exerçant les fonctions de juge des tutelles (art. 389-5 al. 3 C. civ. ; v. la liste des actes regardés comme actes d'administration ou comme actes de disposition : Décr. 22 déc. 2008).
En l’espèce, la Haute cour rejette le pourvoi de l’assureur et confirme le raisonnement des juges du fond : la renonciation ne faisant peser aucune perte pour le mineur d’un droit ou d’une valeur en capital de son patrimoine puisqu’il permet la restitution de l’intégralité des sommes versées, elle s’analyse en un acte d’administration qui peut être exercé par l’administrateur légal, seul, sans autorisation du juge des tutelles.
Civ. 1re, 18 mai 2011, n°10-23.114
Références
■ Y. Buffelan-Lanore, V. Larribau-Terneyre, Droit civil, Introduction, Biens, Personnes, Famille, 16e éd., Sirey, 2009, n°1078 s.
« 1° Au sens large, acte ayant pour but la gestion normale d’un patrimoine, en conservant sa valeur et en le faisant fructifier.
2° Au sens étroit, on oppose acte d’administration à acte de disposition : l’acte d’administration tend à maintenir les droits dans le patrimoine et ne peut de ce fait entraîner leur transmission. On l’oppose aussi à l’acte conservatoire qui ne vise pas à mettre en valeur le patrimoine, mais à le conserver en l’état.
3° Dans le droit des incapables, les actes d’administration sont définis comme des actes d’exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal. Le décret no 1484 du 22 décembre 2008 dresse d’une part une liste des actes qui sont regardés comme des actes d’administration en toutes circonstances, d’autre part une liste des actes regardés comme tels sauf circonstances d’espèce contraires. »
« Acte juridique comportant transmission d’un droit réel ou souscription d’un engagement juridique important et pouvant avoir pour effet de diminuer la valeur du patrimoine. Par exemple, la vente ou la donation d’un bien, ou la signature d’un bail de plus de neuf ans, ou la souscription d’un emprunt.
Le droit des incapacités définit l’acte de disposition comme l’acte qui engage le patrimoine de la personne protégée, pour le présent et l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire. De tels actes sont énumérés par le décret no 1484 du 22 décembre 2008, mais certains d’entre eux peuvent être écartés d’une telle qualification en raison de leur faible incidence sur le patrimoine, les prérogatives ou le mode de vie de la personne protégée. »
« Administration d’un patrimoine ou d’un ensemble de biens dévolue par la loi à une personne déterminée.
Les biens des enfants mineurs sont en principe administrés par leurs parents ; le père et la mère sont conjointement administrateurs légaux s’ils exercent en commun l’autorité parentale ; l’administration légale est alors qualifiée de pure et simple. Dans les autres cas, l’administration légale appartient, sous le contrôle du juge, à celui des parents qui exerce l’autorité parentale.
Le juge des tutelles et le procureur de la République exercent une surveillance générale des administrations légales et des tutelles de leur ressort. »
« Contrat par lequel en contrepartie de primes périodiquement versées par l’assuré, une société d’assurance s’engage à verser la capitalisation de ces sommes, augmentées des produits financiers issus de leur placement, diminuées des frais de gestion, soit à l’assuré s’il est toujours en vie, soit, en cas de décès, à un bénéficiaire désigné par lui. Dans la mesure où le capital sera nécessairement payé par l’assureur, l’application, à ces contrats, des articles L. 132-12 et L. 132-13 du Code des assurances, prévus pour l’assurance-vie, a été posée et résolue favorablement par la jurisprudence. »
« Contrat d’assurance par lequel une personne (le souscripteur) obtient d’une autre (l’assureur), moyennant paiement d’une prime, le versement, à elle-même si elle survit à une date déterminée ou, en cas de décès, à un tiers (l’assuré) qu’elle désigne, un capital ou une rente. Il bénéficie d’un régime fiscal de faveur. »
■ Juge aux affaires familiales (JAF)
« Juge du tribunal de grande instance délégué aux affaires familiales. Il a été substitué, au 1er février 1994, au juge aux affaires matrimoniales, mais avec une compétence élargie.
Il est spécialement chargé de veiller à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs, exerçant les fonctions de juge des tutelles des mineurs et connaissant de l’administration légale, de l’émancipation, de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, de l’exercice de l’autorité parentale. De plus, il connaît du divorce, de la séparation de corps, de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, des partenaires d’un Pacs et des concubins ainsi que des actions liées à la fixation de l’obligation alimentaire, de la contribution aux charges du mariage ou du Pacs et des actions qui concernent le fonctionnement des régimes matrimoniaux et des indivisions des pacsés.
Le juge aux affaires familiales peut renvoyer l’affaire à la formation collégiale du tribunal de grande instance. »
Source : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, et pris en application des articles 452, 496 et 502 du Code civil.
■ Article L. 132-5-1 du Code des assurances
« Toute personne physique qui a signé une proposition ou un contrat d'assurance sur la vie ou de capitalisation a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pendant le délai de trente jours calendaires révolus à compter du moment où elle est informée que le contrat est conclu. Ce délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. S'il expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il n'est pas prorogé.
La renonciation entraîne la restitution par l'entreprise d'assurance ou de capitalisation de l'intégralité des sommes versées par le contractant, dans le délai maximal de trente jours calendaires révolus à compter de la réception de la lettre recommandée. Au-delà de ce délai, les sommes non restituées produisent de plein droit intérêt au taux légal majoré de moitié durant deux mois, puis, à l'expiration de ce délai de deux mois, au double du taux légal.
Les dispositions du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par arrêté ministériel.
Elles ne s'appliquent pas aux contrats d'une durée maximale de deux mois. »
■ Civ. 2e, 19 févr. 2009, n°08-11.901, Bull. civ. II, n°51.
■ Code civil
« Si l'autorité parentale est exercée en commun par les deux parents, ceux-ci sont administrateurs légaux. Dans les autres cas, l'administration légale appartient à celui des parents qui exerce l'autorité parentale. »
« Dans l'administration légale pure et simple, chacun des parents est réputé, à l'égard des tiers, avoir reçu de l'autre le pouvoir de faire seul les actes pour lesquels un tuteur n'aurait besoin d'aucune autorisation. »
« Dans l'administration légale pure et simple, les parents accomplissent ensemble les actes qu'un tuteur ne pourrait faire qu'avec l'autorisation du conseil de famille.
À défaut d'accord entre les parents, l'acte doit être autorisé par le juge des tutelles.
Même d'un commun accord, les parents ne peuvent ni vendre de gré à gré, ni apporter en société un immeuble ou un fonds de commerce appartenant au mineur, ni contracter d'emprunt en son nom, ni renoncer pour lui à un droit, sans l'autorisation du juge des tutelles. La même autorisation est requise pour le partage amiable, et l'état liquidatif doit être approuvé par le juge des tutelles.
Si l'acte cause un préjudice au mineur, les parents en sont responsables solidairement. »
« Les règles de la tutelle sont, pour le surplus, applicables à l'administration légale, avec les modalités résultant de ce que celle-ci ne comporte ni conseil de famille ni subrogé tuteur, et sans préjudicier, d'autre part, aux droits que les père et mère tiennent du titre "De l'autorité parentale", notamment quant à l'éducation de l'enfant et à l'usufruit de ses biens. »
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