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[ 7 mars 2011 ] Imprimer

Droit du travail - relations collectives

Affaire Carrefour : paiement de salaires inférieurs au SMIC

Mots-clefs : Temps de pause (qualification), Temps de travail effectif (critères), Rémunération inférieure au SMIC (contravention, caractérisation)

Par deux arrêts du 15 février 2011, la Chambre criminelle condamne la pratique consistant à payer des salaires inférieurs au SMIC grâce à la prise en compte de la rémunération des temps de pause.

S’agissant du temps de pause, il résulte des articles L. 3121-1 et L. 3121-2 du Code du travail que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif dès lors que les critères précités sont réunis. Ils peuvent cependant, indépendamment de ces critères, faire l’objet d’une rémunération prévue par une convention ou un accord collectif, ou par le contrat de travail (ce qui ne suffira pas à les faire considérer comme un temps de travail effectif : Soc. 24 janv. 1973 ; 29 avr. 1980 ; 26 nov. 1986).

Dans les deux affaires, l’employeur avait intégré dans le calcul du salaire de plusieurs salariés la rémunération des temps de pause prévue par la convention collective alors que, selon cette dernière et l’accord conclu dans l’entreprise, les temps de pause permettaient aux salariés de vaquer librement à des occupations personnelles. L’employeur prétendait qu’en raison de sa fixité, de sa généralité et de sa constance, la rémunération forfaitaire du temps de pause constituait une composante de fait du salaire minimum garanti qui, intégrée dans le calcul du salaire, permettait d’échapper à la répression pénale pour paiement d’un salaire inférieur au SMIC.

Dans le premier arrêt (pourvoi no 10-83.988), la chambre criminelle rejette le pourvoi formé par l’employeur, en précisant que « dans les cas où les temps de pause correspondent à un repos obligatoire durant lequel les salariés ne sont plus à la disposition de leur employeur, les primes les rémunérant, qui ne correspondent ni à un travail effectif au sens de l’article L. 3121-1 du Code du travail ni à un complément de salaire de fait au sens de l’article D. 3231-6 dudit code, sont exclues du salaire devant être comparé au salaire minimum de croissance ».

Dans le second arrêt (pourvoi no 10-87.019), la cassation est prononcée sur le fondement des articles L. 212-4 (devenu art. L. 3121-1 et L. 3121-2), D. 141-2 (devenu art. D. 3231-5) et D. 141-3 (devenu art. D. 3231-6), la Haute cour indiquant qu’il résulte de ces trois textes que « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles ; que l’employeur ne peut inclure dans le calcul des salaires, afin de les porter au niveau du salaire minimum de croissance, la rémunération spécifique, prévue par une convention ou un accord collectif ou par un contrat de travail, dont peuvent faire l’objet les temps consacrés aux pauses, s’ils ne répondent pas à cette définition ».

Les salariés n’étant pas à la disposition de l’employeur pendant les pauses, la prime les rémunérant ne constitue pas un complément de salaire (v. déjà, Soc. 13 juill. 2010 ; 13 mars 2001) et doit être exclue du salaire à comparer au SMIC. Conclusion : Carrefour et l’autre employeur tombent sous le coup des dispositions pénales de l’article R. 3233-1 du code du travail qui punit de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe (soit 1 500 € ; C. pén., art. 131-13), le fait de payer des salaires inférieurs au SMIC. Les contraventions se cumulant, l’un et l’autre encourent autant d’amendes que le nombre de salariés concernés.

Crim. 15 février 2011, P+B+I, n° 10-87.019

Crim. 15 février 2011, FS-P+B+I, n° 10-83.988

Références

SMIC

« Salaire horaire minimal institué par la loi du 2 janvier 1970 en remplacement du salaire minimum interprofessionnel garanti « pour assurer aux salariés dont les rémunérations sont les plus faibles la garantie de leur pouvoir d’achat et une participation au développement économique ».

Le salaire minimum de croissance est indexé sur le niveau général des prix à la consommation et fait l’objet d’une révision annuelle pour tenir compte des conditions économiques. »

Sources : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

Soc. 13 juill. 2010, n° 09-42.890, Dalloz actualité, 3 sept. 2010, obs. Perrin.

Soc. 13 mars 2001, n° 98-46.465, Bull. civ. V, n° 95 ; D. 2001. IR 1220.

Soc. 24 janv. 1973, n° 72-40.129, Dr. soc. 1973. 516, note J. Savatier.

Soc. 29 avr. 1980, n° 78-41.442, Bull. civ. V, n° 386.

Soc. 26 nov. 1986, n° 84-40.113, Bull. civ. V, n° 557.

Code du travail

Art. L. 3121-1

« La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. »

Art. L. 3121-2

« Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l'article L. 3121-1 sont réunis.

Même s'ils ne sont pas reconnus comme du temps de travail effectif, ces temps peuvent faire l'objet d'une rémunération prévue par une convention ou un accord collectif de travail ou par le contrat de travail. »

Art. D. 3231-5

« Les salariés définis à l'article L. 3231-1 âgés de dix-huit ans révolus, reçoivent de leurs employeurs, lorsque leur salaire horaire contractuel est devenu inférieur au salaire minimum de croissance en vigueur, un complément calculé de façon à porter leur rémunération au montant de ce salaire minimum de croissance. »

Art. D. 3231-6

« Le salaire horaire à prendre en considération pour l'application de l'article D. 3231-5 est celui qui correspond à une heure de travail effectif compte tenu des avantages en nature et des majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire.

Sont exclues les sommes versées à titre de remboursement de frais, les majorations pour heures supplémentaires prévues par la loi et la prime de transport. »

Art. R. 3233-1

« Est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, le fait de payer :

  1o Des salaires inférieurs au salaire minimum de croissance prévu par les articles L. 3231-1 à L. 3231-12 ;

  2o Des rémunérations inférieures à la rémunération mensuelle minimale prévue par l'article L. 3232-1.

L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a de salariés rémunérés dans des conditions illégales.

La récidive est réprimée conformément aux articles 132-11 et 132-15 du code pénal.

En cas de pluralité de contraventions entraînant des peines de récidive, l'amende est appliquée autant de fois qu'il a été relevé de nouvelles contraventions. »

Code pénal

Art. 131-13

« Constituent des contraventions les infractions que la loi punit d'une amende n'excédant pas 3 000 €.

Le montant de l'amende est le suivant:

1o 38 € au plus pour les contraventions de la 1re classe;

2o 150 € au plus pour les contraventions de la 2e classe;

3o 450 € au plus pour les contraventions de la 3e classe;

4o 750 € au plus pour les contraventions de la 4e classe;

5o 1 500 € au plus pour les contraventions de la 5e classe, montant qui peut être porté à 3000 € en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit, hors les cas où la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit. »

 

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