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Droit pénal général
Affaire Halimi, la lettre et l’esprit de l’article 122-1 du Code pénal
Entre dans les prévisions de l’article 122-1, alinéa premier du Code pénal l’abolition du discernement consécutive à une prise de stupéfiants dont les effets n’étaient pas connus de son consommateur. Se trouvent précisés la lettre et l’esprit de l’article 122-1 qui n’est par ailleurs pas incompatible avec l’aggravation de la sanction pour une infraction commise sous l’empire d’un état alcoolique ou de consommation de stupéfiants.
Crim. 14 avril 2021, n° 20-80.135
Voilà un arrêt dont l’interprétation stricte de l’article 122-1 du Code en précise la lettre et l’esprit. Relatif à la non-imputabilité pour cause de trouble psychique ou neuropsychique, il dispose que « n'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable. Toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime. Si est encourue une peine privative de liberté, celle-ci est réduite du tiers ou, en cas de crime puni de la réclusion criminelle ou de la détention criminelle à perpétuité, est ramenée à trente ans. La juridiction peut toutefois, par une décision spécialement motivée en matière correctionnelle, décider de ne pas appliquer cette diminution de peine. Lorsque, après avis médical, la juridiction considère que la nature du trouble le justifie, elle s'assure que la peine prononcée permette que le condamné fasse l'objet de soins adaptés à son état ».
Le bref rappel des faits est le suivant : des fonctionnaires de police font cesser la séquestration d’une famille pour laquelle ils avaient été appelés. Les policiers pénètrent dans le domicile et interpellent l’auteur alors qu’il était en train de réciter des versets du Coran. Ils découvrent dans le même temps un corps sans vie dont la mort semble résulter d’une chute du balcon de l’immeuble contigu. La suite de l’enquête révèlera que l’auteur de la séquestration a défenestré la victime retrouvée décédée. Une information judiciaire est ouverte et M. T. est mis en examen des chefs d’homicide volontaire, d’arrestation, enlèvement, détention ou séquestration, infractions aggravées par le mobile de l’appartenance vraie ou supposée de la victime à une religion déterminée.
L’ordonnance de transmission de pièces aux fins de saisine de la chambre de l’instruction relève que, s’il existe contre M. T. des charges suffisantes d’avoir commis les faits, écarte d’une part, la circonstance aggravante et estime d’autre part, qu’il existe des raisons plausibles d’appliquer l’article 122-1, alinéa 1er du Code pénal. En appel chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris retient l’irresponsabilité pénale pour cause de trouble psychique et neuropsychiques du mis en cause. Elle s’appuie sur les rapports des experts psychiatres qui de façon unanime concluent que les troubles psychiques avaient commencé deux jours avant la nuit des faits et culminés pendant celle-ci. A contrario, les rapports d’experts diffèrent dans la détermination de l’origine de ce qui est décrit comme étant une bouffée délirante aigue.
Le premier rapport d’expert considère que nonobstant le caractère indiscutable du trouble mental, l’on ne pouvait considérer le discernement aboli dans les circonstances de l’article 122-1 du Code pénal du fait de la consommation volontaire et régulière de cannabis. Aussi conclu-t-il à l’altération du discernement dans la mesure ou la nature des troubles dépassait largement les effets attendus. Le deuxième rapport conclut à l’abolition du discernement causée par la bouffée délirante, cette dernière ayant été annoncée et amorcée si bien que la prise de cannabis en a probablement accru, aggravé et accéléré le processus psychotique. Enfin, le troisième collège d’expert fonde la bouffée délirante sur une origine exotoxique, ce qui justifie que l’abolition du discernement soit classiquement retenue sur le fondement de l’alinéa premier de l’article 122-1 du Code pénal, le rapport ajoutant qu’au moment des faits, le libre arbitre de M. T. était nul et aboli, ce dernier n’ayant jamais présenté de tels trouble auparavant.
Les juges du fond ayant pris connaissance de ces rapports jugent que l’abolition du discernement de l’auteur au moment des faits est indiscutable. La consommation régulière de cannabis ne fait pas seul obstacle à l’application de l’article 122-1 du Code pénal. De même, ils mentionnent qu’aucun élément ne permet de considérer que la consommation par l’intéressé avait été effectuée avec la conscience que cet usage pouvait entraîner une telle manifestation.
Il est reproché à la cour d’appel dans les pourvois d’avoir retenu que la consommation de stupéfiants entre dans les précisions de l’article 122-1 du Code pénal. Selon le pourvoi, d’une part, l’irresponsabilité pénale ne peut être prononcée qu’en cas de maladie mentale mais non être la conséquence de troubles mentaux liés à la consommation volontaire de stupéfiants. Celle-ci, selon elle, est toujours consécutif d’un comportement fautif. D’autre part, elle souligne la contrariété des motifs de la chambre de l’instruction selon lesquels le mise en cause a agi en conscience du judaïsme de la victime, ce qui permet de retenir la circonstance aggravante d’antisémitisme, lors même qu’est discuté sont irresponsabilité pénale.
La Cour de cassation juge que « les dispositions de l’article 122-1, alinéa 1er, du Code pénal, ne distinguent pas selon l’origine du trouble psychique ayant conduit à l’abolition de ce discernement ». Ainsi que le pointe l’avis de Mme Zientara, avocate générale près la Cour de cassation, « ce n’est pas tant l’origine de la démence (une pathologie mentale ou pas) qui est prise en compte par le législateur que son effet sur la personne qui agit ». Là est la précision que la Cour de cassation apporte à l’interprétation en droit de l’irresponsabilité pénale. La Cour en reste ici à une interprétation stricte de la lettre de l’article 122-1. Le législateur dans ses travaux parlementaires n’a aucunement fait de distinction concernant l’origine des troubles psychiques. La Cour de cassation demeure ici à l’esprit du droit pénal moderne au titre duquel il ne saurait y avoir de responsabilité pénale sans libre arbitre.
Rappelons que la responsabilité pénale est composée de l’imputabilité et de la faute, autrement dit la culpabilité (culpa). Or, il ne saurait y avoir de culpabilité dès lors que la liberté de l’action est annihilée dans la mesure où l’imputabilité fait défaut.
Le trouble qui saisit le lecteur non spécialiste est lié au fait que l’on ne sait pas que le volet procédural impose à la chambre de l’instruction dans son ordonnance de qualifier théoriquement les faits dont les circonstances aggravantes avant que de se prononcer sur l’imputabilité.
Si l’arrêt ici commenté semble justifié en droit, il reviendra au législateur de questionner la pertinence d’une modification de l’état du droit positif dont il ne nous appartient pas ici de discuter.
Références
■ Fiches d'orientation Dalloz, Responsabilité pénale
■ Paris, pôle 7, ch. instr. 6, 19 déc. 2019, n° 2019/05058: DAE 5 mars 2020, note Merryl Hervieu; Dalloz actu. 3 févr. 2020, note S. Fucini
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