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Droit des sociétés
Affectio societatis et dissolution de société
Mots-clefs : Société, Associés, Mésentente, Disfonctionnement, Affectio societatis, Dissolution judiciaire anticipée, Paralysie, Art. 1844-7 C. civ.
La mésentente existant entre les associés et par suite la disparition de l’affectio societatis ne peuvent constituer un juste motif de dissolution qu’à la condition de se traduire par une paralysie du fonctionnement de la société.
Deux concubins avaient constitué une société civile immobilière dont ils étaient cogérant à parts égales. Séparé de sa concubine sur un plan personnel, l’homme, arguant de la disparition de l’affectio societatis, du fait d’une mésentente avec son associée, ainsi qu’un défaut de gestion par cette dernière, souhaitait obtenir judiciairement la dissolution de la société. La mésentente entre les deux associés engendrant la disparition de l’affectio societatis pouvait-elle justifier la dissolution de la société ?
Élément constitutif du contrat de société au même titre que l’exigence d’apports et la participation aux résultats, l’affectio societatis — notion qui n’a pas été expressément définie dans l’article 1832 du Code civil — traduit cette volonté que les associés ont de « collaborer de façon effective à l’exploitation dans un intérêt commun et sur un pied d’égalité » (Com. 3 juin 1986). Cet élément trouve alors tout son intérêt notamment en cas de crise au sein de la société puisque selon l’article 1844-7 5° la dissolution anticipée de la société peut être prononcée judiciairement en cas « de mésentente entre associé paralysant le fonctionnement de la société ».
Dans cette affaire, la Haute cour rejette le pourvoi et confirme la décision des juges du fond : « Mais attendu qu’ayant exactement retenu que la mésentente existant entre les associés et par suite la disparition de l’affectio societatis ne pouvaient constituer un juste motif de dissolution qu’à la condition de se traduire par une paralysie du fonctionnement de la société, la cour d’appel, qui a souverainement relevé que les difficultés rencontrées n’étaient pas suffisamment graves pour paralyser le fonctionnement social, a rejeté à bon droit la demande ». En l’espèce, le fonctionnement n’était pas paralysé puisque l’associé, en qualité de cogérant, pouvait assurer les obligations de gestion consistant notamment dans le paiement des dettes sociales.
La disparition de l’affectio societatis, élément constitutif du contrat de société, reposant sur des difficultés uniquement d’ordre privée ne saurait donc suffire à obtenir la dissolution judiciaire anticipée d’une société, à moins qu’elle ne « paralyse le fonctionnement normal de la société » (v. sur une situation conflictuelle persistante entre associés : Civ. 1re, 18 mai 1994).
Civ. 3e, 16 mars 2011, n°10-10.503
Références
« Intention, qui doit animer les associés, de collaborer sur un pied d’égalité.
L’affectio societatis implique non seulement un esprit de collaboration mais aussi le droit, pour chaque associé, d’exercer un contrôle sur les actes des personnes chargées d’administrer la société.
Tous les associés dans le contrat de société doivent se considérer comme unis à tous les autres avec la volonté de poursuivre ensemble l’œuvre commune. »
« Acte juridique par lequel deux ou plusieurs personnes décident de mettre en commun des biens ou leur industrie (activité, compétence…) dans le but de partager les bénéfices, les économies ou les pertes qui pourront en résulter. Exceptionnellement, la création d’une société peut être le fait d’une seule personne. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Code civil
« La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter.
Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne.
Les associés s'engagent à contribuer aux pertes. »
« La société prend fin :
1° Par l'expiration du temps pour lequel elle a été constituée, sauf prorogation effectuée conformément à l'article 1844-6 ;
2° Par la réalisation ou l'extinction de son objet ;
3° Par l'annulation du contrat de société ;
4° Par la dissolution anticipée décidée par les associés ;
5° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ;
6° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal dans le cas prévu à l'article 1844-5 ;
7° Par l'effet d'un jugement ordonnant la liquidation judiciaire ;
8° Pour toute autre cause prévue par les statuts. »
■ Com. 3 juin 1986, Rev. sociétés 1986. 585, note Guyon.
■ Civ. 1re, 18 mai 1994, n°93-15.771.
■ V. Magnier, Droit des sociétés, 4e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2009, n°77, 238.
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