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Droit pénal général
Agression sexuelle sur mineur : caractérisation et conditions pour le prononcé du suivi socio-judiciaire
Agression sexuelle sur mineur : caractérisation et conditions pour le prononcé du suivi socio-judiciaire
Le délit d’agression sexuelle aggravé est caractérisé dès lors que les caresses effectuées sur une enfant avaient un caractère sexuel en raison de la manière dont elles ont été effectuées et du contexte dans lequel les faits se sont déroulés. En revanche, le suivi socio-judiciaire, encouru pour ce type de délit, ne peut être ordonné en même temps qu'une peine d'emprisonnement assorti, en tout ou partie, du sursis avec mise à l'épreuve.
Crim. 3 mars 2021, n° 20-82.399
Le 30 mai 2018, un homme venu consulter une bande dessinée érotique est appréhendé par le service de sécurité d’une médiathèque après qu’il était venu s’asseoir tout près d’une fillette, et lui avait effleuré la main et la jambe tandis qu’il se masturbait. Présenté au tribunal correctionnel dans le cadre d’une procédure de comparution immédiate, il est relaxé du chef d’agression sexuelle sur mineure de quinze ans mais déclaré coupable d’exhibition sexuelle (et de port d’arme prohibé car il avait sur lui un couteau) et il est condamné à 2 ans d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve. Saisie par le parquet, la cour d’appel de Versailles estime pour sa part le délit d’agression sexuelle établi, au motif que les zones du corps touchées, sans être spécifiquement sexuelles, ont été de nature à exciter le prévenu au niveau sexuel, alors que l’enfant n’avait ni la maturité ni le pouvoir de s'opposer de manière efficiente à ces attouchements de nature sexuelle. Elle confirme alors la peine prononcée par le tribunal correctionnel, en y ajoutant la peine complémentaire de suivi socio-judiciaire.
Dans son pourvoi, le prévenu contestait la caractérisation du délit d’agression sexuelle aggravé, de même que le prononcé de la peine complémentaire de suivi socio-judiciaire. La chambre criminelle lui donne partiellement raison, non pas sur le terrain de l’infraction mais sur celui des peines applicables.
Dans un premier temps, le prévenu soutenait que seuls des agissements liés à une activité sexuelle avec autrui pouvaient caractériser une atteinte sexuelle au sens de l’article 222-22 du Code pénal et il reprochait à la cour d’appel d’avoir retenu le délit alors qu’elle avait constaté elle-même que les zones concernées du corps de la fillette « n’étaient pas spécifiquement sexuelles en elles-mêmes ».
Selon l’article 222-22, alinéa 1er, du Code pénal, « constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ». Le Code distingue le viol des autres agressions sexuelles, qui correspondent aux « attentats à la pudeur avec violence, contrainte ou surprise » de l’ancien code pénal et qui sont prévues aux articles 222-27 et suivants. Ainsi, l’agression sexuelle visée à l’article 222-27 s’entend, matériellement, de tout contact physique impudique sans pénétration sexuelle. L’infraction suppose ainsi des attouchements impudiques et l’absence totale de consentement de la victime (qui peut être majeure ou mineure), résultant du recours à la violence, à la contrainte, à la menace ou à la surprise, dans les mêmes termes que pour le viol. L’infraction étant intentionnelle, l’auteur doit avoir eu la volonté de porter atteinte à la liberté sexuelle d’autrui. L’exhibition sexuelle, pour sa part, est visée à l’article 222-32 et elle suppose « seulement » un spectacle impudique, sans contact physique avec le corps de la victime (mais tout de même imposé à la vue d’autrui, dans un lieu accessible au regard du public).
La question qui se posait ici était celle de savoir si le fait pour le prévenu d’avoir touché des zones corporelles exposées au regard et a priori dénuées de toute connotation sexuelle permettait de caractériser une agression sexuelle (sur mineure de 15 ans, passible de 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende, art. 222-29-1 ; l’exhibition sexuelle exposant son auteur à un an d’emprisonnement et à 15 000 euros d’amende, art. 222-32). La cour d’appel, à l’inverse des premiers juges, a estimé que oui, déduisant des circonstances (présence de la bande dessinée, concomitance des caresses avec l’exhibition du sexe) que les attouchements avaient bien été de nature sexuelle (évoquant la « novation » de caresses en attouchements par la prise en compte du contexte sexuel de leur commission, V. M. Chollet, Dalloz actu, 12 mars 2021). Et la chambre criminelle estime qu’elle a justifié sa décision en considérant, « par une appréciation souveraine, que les caresses avaient un caractère sexuel en raison de la manière dont elles ont été effectuées et du contexte dans lequel les faits se sont déroulés ». Le moyen est donc rejeté.
Dans un second temps, le prévenu invoquait une violation de l’article 131-36-6 du Code pénal. En effet, ce texte interdit expressément de cumuler un suivi socio-judiciaire avec le prononcé d’une peine d’emprisonnement assortie, en tout ou partie, du sursis avec mise à l’épreuve (car les obligations pouvant être imposées au condamné dans l’un et l’autre cadre sont les mêmes). D’où la cassation partielle de l’arrêt. On rappellera que le suivi socio-judiciaire est une peine complémentaire qui visait à l’origine à favoriser le traitement des délinquants sexuels mais qui a été étendue depuis à d’autres infractions révélant la dangerosité de leurs auteurs (C. pén., art. 131-36-1 s.). Elle emporte obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l’application des peines et pendant une durée déterminée par la juridiction de condamnation, à des mesures de surveillance destinées à prévenir la récidive et sanctionnées le cas échéant par de l’emprisonnement (C. pén., art. 131-36-1, al. 3). Ces mesures sont donc celles prévues par les articles 132-44 et 132-45 du Code pénal pour le sursis avec mise à l’épreuve (C. pén., art. 131-36-2) devenu sursis « probatoire » avec la loi « Belloubet » du 23 mars 2019.
Pour aller plus loin
■ X. Pin, Droit pénal général, 12e éd., 2021, Dalloz, coll. Cours, n° 395
■ Ph. Comte, Droit pénal spécial, 6e éd., 2019, LexisNexis
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