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[ 23 juin 2010 ] Imprimer

Droit civil

Allocation de dommages-intérêts en cas de fraude aux droits d’un agent immobilier

Mots-clefs : Mandat, Agent immobilier, Fraude, Dommages-intérêts, Commissions

Les manœuvres frauduleuses destinées à écarter la commission d’un agent immobilier ouvrent droit à réparation de son préjudice par l’allocation de dommages-intérêts et non par le versement de ladite commission contractuelle.

Une société immobilière a consenti à un agent immobilier un mandat de vente portant sur une propriété agricole comprenant deux maisons d’habitation. Le mandat stipulait que la commission, fixée à 5 % du montant de la vente, pesait sur le mandant même en cas d’exercice du droit de préemption.

Vendue dans un premier temps à un particulier, la propriété fut dans un second temps préemptée par la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER, art. L. 143-1 s. C. rur.). La société immobilière notifia alors à la SAFER le retrait du bien de la vente puis s’en suivit une vente amiable. En vertu du contrat de mandat, l’agent immobilier mis en demeure la SAFER de lui verser sa commission.

Dénonçant le cadre frauduleux de la vente amiable ayant pour objet d’évincer l’agent immobilier, la cour d’appel restitua à la vente son cadre juridique légal et obligea la SAFER à régler la commission contractuelle, faisant ainsi une application de l’adage « Faus omnia corrompit », la victime d’une fraude devant être replacée dans les droits qui auraient été les siens en l’absence de fraude.

La troisième chambre civile cassa aux visas des articles 6 de la loi du 2 janvier 1970 et 73 de son décret d'application en date du 20 juillet 1972 au motif que « la constatation de manœuvres frauduleuses destinées à éluder la commission d'un agent immobilier n'ouvre pas droit au paiement de la commission contractuellement prévue, mais seulement à la réparation de son préjudice par l'allocation de dommages-intérêts ».

Le problème n’était pas ici de savoir s’il y avait eu ou non intervention de l’agent pour la conclusion de la vente justifiant le versement de la commission puisque la Haute cour applique à la lettre l’alinéa 7 de l’article 6 de la loi de 1970 qui précise qu’ « une commission sera due par le mandant, même si l’opération est conclue sans les soins de l’intermédiaire ». Aussi, elle a jugé qu’en cas de préemption par une commune, la commission restait due par le vendeur à l’agent immobilier (Civ. 1e, 9 mars 1999). Toutefois, on peut s’interroger sur la solution retenue en l’espèce quant au mode d’indemnisation et quant à la qualification de la fraude en comparant avec la solution retenue par le Cour dans l’hypothèse où lorsqu'un agent immobilier, bénéficiaire d'un mandat, fait visiter à une personne l'immeuble mis en vente et qu'ensuite le vendeur traite directement avec cette personne, l'opération est réputée effectivement conclue, au sens de l'article 6 de la loi de 1970, par l'entremise de cet agent, lequel a alors droit au paiement de la commission convenue (Civ. 1e, 17 nov. 1993 ; Civ. 1e, 8 juill. 1994).

Civ. 3e, 8 juin 2010, n° 09-14.949, FS-P+B

 

Références

■ Agent immobilier

« Personne physique ou morale qui exerce à titre habituel l’activité d’intermédiaire dans les opérations de vente, d’achat, de location et de gestion d’immeubles et de fonds de commerce, ainsi que les cessions de parts de sociétés donnant vocation à de tels biens. »

■ Mandat

« Acte par lequel une personne est chargée d’en représenter une autre pour l’accomplissement d’un ou de plusieurs actes juridiques.

Le mandat est conventionnel lorsqu’il résulte d’un contrat conclu entre le représenté (ou mandant) et le représentant (ou mandataire). Il peut aussi résulter de la loi ou d’un jugement. »

■ Droit de préemption

« Droit reconnu dans certains cas à l’Administration, et à certains organismes de droit privé accomplissant une mission de service public, d’acquérir la propriété d’un bien lors de son aliénation par préférence à tout autre acheteur. »

■ Mise en demeure

« Acte par lequel un créancier demande à son débiteur d’exécuter son obligation. Elle a pour effet principal de faire courir les dommages et intérêts moratoires.

En droit commun, la mise en demeure est faite par exploit d’huissier. Elle peut aussi résulter d’un autre acte équivalent, telle une lettre missive lorsqu’il ressort de ses termes une interpellation suffisante, telle la clause de la convention portant que, par la seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure. »

Source : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010

■ Article L. 143-1 du Code rural et de la pêche maritime

« Il est institué au profit des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural un droit de préemption en cas d'aliénation à titre onéreux de biens immobiliers à utilisation agricole et de biens mobiliers qui leur sont attachés ou de terrains à vocation agricole, quelles que soient leurs dimensions, sous réserve des dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 143-7. Lorsque l'aliénation à titre onéreux porte de façon conjointe sur des terrains à vocation agricole et des droits à paiement unique créés en application du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, ce droit de préemption peut s'exercer globalement sur l'ensemble ainsi constitué aux seules fins d'une rétrocession conjointe des terrains et des droits ainsi acquis, selon des modalités fixées par décret.

Ce droit de préemption peut également être exercé en cas d'aliénation à titre onéreux de bâtiments d'habitation faisant partie d'une exploitation agricole ou de bâtiments d'exploitation ayant conservé leur utilisation agricole.

Dans les communes et parties de communes de montagne telles que définies par les articles 3 et 4 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, ce droit de préemption peut également être exercé en cas d'aliénation à titre onéreux de bâtiments qui ont été utilisés pour l'exercice d'une activité agricole au cours des cinq dernières années qui ont précédé cette aliénation, pour leur rendre un usage agricole. Les dispositions de l'article L. 143-10 ne sont pas applicables dans ce cas. »

■ Loi n°70-9 du 2 janvier 1970, réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce.

■ Civ. 1e, 9 mars 1999Bull. civ. I, n° 79, RDI 1999. 440, obs. Tomasin.

■ Civ. 1e, 17 nov. 1993Bull. civ. I, n° 323 ; RDI 1994. 266, obs. Tomasin ; Civ. 1re, 8 juill. 1994Bull. civ. I, n° 234.

 

Auteur :A. T.


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