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[ 21 novembre 2012 ] Imprimer

Droit pénal général

Altération du discernement : combinaison avec les peines planchers

Mots-clefs : Récidive légale, Peine minimale, Altération du discernement, Troubles mentaux

Les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 122-1 du Code pénal permettent au juge de prononcer, s'il l'estime nécessaire, une peine autre que l'emprisonnement ou une peine inférieure à la peine minimale même lorsque les faits ont été commis une nouvelle fois en état de récidive légale.

L’arrêt rendu par la chambre criminelle le 6 novembre 2012 précise l’articulation entre le mécanisme des peines planchers en cas de nouvelle récidive et l’atténuation de responsabilité en cas d’altération du discernement.

En son second alinéa, l’article 122-1 du Code pénal prévoit que : « La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime ». Si cette disposition se combine aisément avec les dispositions relatives à la première récidive — la juridiction pouvant prononcer une peine inférieure aux minima ou une peine autre que l’emprisonnement notamment en considération de la personnalité de son auteur —, la solution semble moins évidente en revanche en cas de nouvelle récidive. En effet, dans cette hypothèse, la juridiction n’a la possibilité de descendre sous le seuil de peine que si l’auteur présente des « garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion ». Toute référence à la personnalité de l’auteur disparaît alors.

Déjà condamné, par jugement du 22 octobre 2010, pour vol avec violences, port d'armes prohibé et menace de mort réitérée, en récidive, un individu était poursuivi pour avoir commis, le 28 août 2011, des violences sur sa concubine, avec arme et ayant entraîné une incapacité de travail inférieure à huit jours, délit prévu par l'article 222-13 du Code pénal et puni de cinq ans d'emprisonnement. Les juges d’appel, saisis du recours contre le jugement ayant retenu la peine minimale de deux ans d'emprisonnement prévue en pareille hypothèse, ont prononcé une peine de quatre mois d'emprisonnement. Les juges ont mis en exergue l'altération importante du discernement du prévenu au moment des faits et considéré qu'il en résultait une responsabilité très atténuée au sens de l'article 122-1 du Code pénal.

Reprochant à la juridiction d’appel de s’être déterminée sans considération des critères définis par l'article 132-19-1 pour prononcer une peine inférieure au plancher prévu par la loi et avoir motivé la peine en se référant seulement à l'article 122-1 du Code pénal, le procureur général s’est pourvu en cassation. La chambre criminelle rejette le pourvoi en affirmant que « les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 122-1 du code pénal permettent au juge de prononcer, s'il l'estime nécessaire, une peine autre que l'emprisonnement ou une peine inférieure à la peine minimale même lorsque les faits ont été commis une nouvelle fois en état de récidive légale ». Ainsi, les juges, en ce qui concerne la détermination de la peine encourue par la personne en état de nouvelle récidive qui était atteinte d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement au moment des faits, ne sont pas tenus de motiver la peine en se référant aux critères définis par l'article 132-19-1 du Code pénalIls peuvent ainsi utiliser l’article 122-1 du Code pénal pour fixer, une peine sous les planchers prévus par la loi.

Cette solution est conforme au but poursuivi par l'article 122-1, alinéa 2, du Code pénal aux termes duquel ce sont les juges qui déterminent la peine à infliger en tenant compte de ce trouble et s’inscrit dans la droite ligne de la décision du Conseil constitutionnel du 9 août 2007. Saisis de la conformité du système des peines plancher avec le principe d’individualisation des peines déduit de l'article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les neuf sages avaient souligné que l’article 122-1, alinéa 2, du Code pénal sur la responsabilité des malades mentaux n'ayant pas été modifié, cette technique d'individualisation restait applicable en matière de récidive.

Crim. 6 nov. 2012, n°12-82.190 FS-P+B

Références

 Cons. const. 9 août 2007, n° 2007-554 DCLutte contre la récidive des majeurs et des mineursJO 11 août.

 Article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen

« La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. »

■ Code pénal

Article 122-1

« N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. 

La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime. »

Article 132-19-1

« Pour les délits commis en état de récidive légale, la peine d'emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants : 

1° Un an, si le délit est puni de trois ans d'emprisonnement ; 

2° Deux ans, si le délit est puni de cinq ans d'emprisonnement ; 

3° Trois ans, si le délit est puni de sept ans d'emprisonnement ; 

4° Quatre ans, si le délit est puni de dix ans d'emprisonnement. 

Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l'emprisonnement en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. 

La juridiction ne peut prononcer une peine autre que l'emprisonnement lorsque est commis une nouvelle fois en état de récidive légale un des délits suivants : 

1° Violences volontaires ; 

2° Délit commis avec la circonstance aggravante de violences ; 

3° Agression ou atteinte sexuelle ; 

4° Délit puni de dix ans d'emprisonnement. 

Par décision spécialement motivée, la juridiction peut toutefois prononcer une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure aux seuils prévus par le présent article si le prévenu présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion. 

Les dispositions du présent article ne sont pas exclusives d'une peine d'amende et d'une ou plusieurs peines complémentaires. »

Article 222-13

« Les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsqu'elles sont commises : 

1° Sur un mineur de quinze ans ; 

2° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur. 

3° Sur un ascendant légitime ou naturel ou sur les père ou mère adoptifs ; 

4° Sur un magistrat, un juré, un avocat, un officier public ou ministériel, un membre ou un agent de la Cour pénale internationale, un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique, un sapeur-pompier professionnel ou volontaire, un gardien assermenté d'immeubles ou de groupes d'immeubles ou un agent exerçant pour le compte d'un bailleur des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles à usage d'habitation en application de l'article L. 127-1 du code de la construction et de l'habitation, dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ; 

4° bis Sur un enseignant ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements d'enseignement scolaire, sur un agent d'un exploitant de réseau de transport public de voyageurs ou toute personne chargée d'une mission de service public, ainsi que sur un professionnel de santé, dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ; 

4° ter Sur le conjoint, les ascendants ou les descendants en ligne directe ou sur toute autre personne vivant habituellement au domicile des personnes mentionnées aux 4° et 4° bis, en raison des fonctions exercées par ces dernières ; 

5° Sur un témoin, une victime ou une partie civile, soit pour l'empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte ou de déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation ou de sa plainte, soit à cause de sa déposition devant une juridiction nationale ou devant la Cour pénale internationale ; 

5° bis A raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; 

5° ter A raison de l'orientation ou identité sexuelle de la victime ; 

6° Par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ; 

6° bis Contre une personne, en raison de son refus de contracter un mariage ou de conclure une union ou afin de la contraindre à contracter un mariage ou à conclure une union ; 

7° Par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ; 

8° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ; 

9° Avec préméditation ou avec guet-apens ; 

10° Avec usage ou menace d'une arme ; 

11° Dans les établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux ; 

12° Par un majeur agissant avec l'aide ou l'assistance d'un mineur. 

13° Dans un moyen de transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l'accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ; 

14° Par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants ; 

15° Par une personne dissimulant volontairement en tout ou partie son visage afin de ne pas être identifiée. 

Les peines encourues sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende lorsque l'infraction définie au premier alinéa est commise sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur. Les peines sont également portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende lorsque cette infraction, ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours, est commise dans deux des circonstances prévues aux 1° et suivants du présent article. Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsqu'elle est commise dans trois de ces circonstances. »

 

Auteur :C. L.


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