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[ 4 juillet 2018 ] Imprimer

Droit de la responsabilité civile

Amiante et responsabilité

En l’absence d’obligation légale, l’agent immobilier ne peut engager sa responsabilité extra-contractuelle pour ne pas avoir informé le preneur d’un bail commercial de la présence d’amiante dans les locaux, laquelle information incombe au propriétaire.

Suite à la conclusion d’un bail commercial entre deux sociétés par l’intermédiaire d’une agence immobilière, le preneur constate que les locaux ne sont pas alimentés en eau et en électricité, et que la toiture contient de l’amiante, alors même qu’aucun diagnostic obligatoire ne lui a été remis lors de la conclusion du bail. La société assigne donc le bailleur, ainsi que l’agence immobilière, en nullité, subsidiairement en résolution, du bail, et en indemnisation de son préjudice. 

La cour d’appel prononce la résiliation du bail, et condamne le bailleur, ainsi que l’agence immobilière in solidum, à indemniser le preneur de son préjudice économique. Elle relève en effet que l’activité commerciale du preneur induisait des percements dans la structure de l’immeuble, et qu’il appartenait ainsi au bailleur et à l’agence, qui connaissait ces intentions, de faire établir ou mettre à jour un diagnostic amiante. Elle en conclut que le manque d’information de la part de l’agent immobilier n’a pas permis au preneur d’exploiter normalement les locaux. 

Au visa de l’article 1382 devenu 1240 du Code civil, ainsi que de diverses dispositions du Code de la santé publique, la Cour de cassation censure cette décision, considérant qu’aucune obligation légale n’impose la remise au locataire d’un « dossier technique amiante », et que l’agent immobilier ne peut être tenu des obligations relatives au repérage de l’amiante, qui incombent au propriétaire.

S’il est de jurisprudence constante que l’agent immobilier, en sa qualité d’intermédiaire, est responsable du dommage subi par toutes les personnes parties à l’opération dont l’échec était imputable à ses fautes professionnelles, le fondement de cette responsabilité étant contractuel à l’égard de ses clients et délictuel à l’égard des autres parties (Civ. 1re, 16 déc. 1992, n° 90-18.151), la décision commentée permet d’appréhender les limites de cette responsabilité. En effet, en constatant qu’il incombe au propriétaire des locaux, et non à l’agent immobilier, de signaler la présence d’amiante dans la toiture, la Haute juridiction marque sa volonté de ne pas faire reposer sur ce dernier, simple intermédiaire, la charge d’une information dont la connaissance nécessite des investigations techniques. Il s’agit là de distinguer l’agent immobilier, du constructeur ou de l’assistant technique. Seules peuvent ainsi être légitimement attendues de ce professionnel des vérifications relevant de ses compétences, et aisément réalisables. 

Cette décision s’inscrit en toute cohérence dans la jurisprudence relative à l’obligation d’information pesant sur l’agent immobilier, laquelle semble ainsi se limiter aux vices apparents, ou dont il est démontré que l’agent immobilier a eu connaissance. Ainsi, il a pu être jugé que l’agent doit attirer l’attention des acquéreurs sur l’affaissement visible de la toiture (Civ. 3e, 7 sept. 2011, n° 10-10.596) ou encore sur l’existence d’insectes ayant attaqué la charpente et le plancher du grenier (Cass. 1re, 18 avr. 1989, n° 87-12.053), mais que sa responsabilité ne pouvait être engagée pour ne pas avoir signalé l’existence d’infiltrations, puisqu’il s’agissait là d’un vice caché, et qu’il n’était pas démontré qu’il avait eu connaissance de l’information litigieuse (Civ. 3e, 21 janv. 2015, n° 13-17.982).

Civ. 3e, 17 mai 2018, n° 17-11.760

Références

■ Civ. 1re, 16 déc. 1992, n° 90-18.151 P : RDI 1993. 236, obs. D. Tomasin ; RTD civ. 1993. 362, obs. P. Jourdain.

■ Civ. 3e, 7 sept. 2011, n° 10-10.596 P : D. 2011. 2201 ; AJDI 2012. 294, obs. M. Thioye ; RDI 2011. 573, obs. P. Malinvaud ; RTD civ. 2011. 778, obs. P.-Y. Gautier

■ Cass. 1re, 18 avr. 1989, n° 87-12.053 P : RTD civ. 1990. 267, obs. J. Mestre.

■ Civ. 3e, 21 janv. 2015, n° 13-17.982 : AJDI 2015. 380.

 

Auteur :Violette Laville

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