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Droit du travail - relations individuelles
Amiante : la Cour de cassation précise les contours du préjudice d’anxiété
Mots-clefs : Amiante, Préjudice d’anxiété, Bouleversement dans les conditions d’existence, Réparation intégrale du préjudice
La chambre sociale de la Cour de cassation considère que l’indemnisation accordée au titre du préjudice d’anxiété répare l’ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d’existence.
Avec une série de cinq arrêts, la chambre sociale de la Cour de cassation est venue préciser la notion récente de préjudice d’anxiété.
Elle avait eu recours pour la première fois à ce dommage dans un arrêt du 11 mai 2010. Les faits étaient similaires à ceux des arrêts ici rapportés : des salariés avaient été exposés à un risque de déclaration de maladie liée à l’amiante. La Cour de cassation leur avait reconnu la réparation d’un préjudice d’anxiété dès lors que trois conditions étaient réunies :
– l’établissement dans lequel les salariés travaillaient devait être répertorié à l’article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 et sur une liste établie par arrêté ministériel ;
– les employés devaient se trouver dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante ;
– enfin, l’inquiétude ressentie devait être aggravée par des examens médicaux réguliers.
La Cour de cassation a, par la suite, confirmé l’existence d’un préjudice d’anxiété mais a supprimé la condition relative aux examens médicaux (Soc. 4 déc. 2012).
Dans les arrêts ici rapportés, la chambre sociale vient ainsi confirmer l’abandon de cette condition tout en précisant les contours de la notion de « préjudice d’anxiété ».
Dans ces affaires, des salariés ont été exposés à un risque d’inhalation de poussières d’amiantes. À la suite de cela, ils ont présenté leur démission pour prétendre au bénéfice de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA), comme le prévoit la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998. Parallèlement, ils ont saisi la juridiction prud’homale afin d’engager la responsabilité de leur employeur et obtenir le versement de dommages-intérêts réparant leur préjudice d’anxiété du fait d’une exposition à l’amiante.
Les cours d’appel de Paris et Agen ont fait droit à leur demande et ont condamné les employeurs à verser aux salariés des dommages-intérêts afin de réparer leur préjudice d’anxiété et leur préjudice lié au bouleversement dans les conditions d’existence. La cour d’appel de Toulouse, quant à elle, a refusé d’indemniser ce poste de préjudice. Jusqu’ici la Cour de cassation considérait que les troubles ressentis dans les conditions d’existence devaient être réparés au titre du préjudice d’agrément (Ass. plén. 19 déc. 2003). Ils se définissaient alors comme les troubles ressentis du fait de la privation de certaines pratiques sportives ou de loisirs et étaient donc lié à un préjudice physique.
En l’espèce, la Cour de cassation était donc saisie de la question suivante : la réparation du préjudice d’anxiété se cumule-t-elle avec celle du préjudice lié aux bouleversements dans les conditions d’existence ?
La chambre sociale de la Cour de cassation répond de manière claire en fondant son raisonnement sur l’article 1147 du Code civil et sur le principe de réparation intégrale du préjudice : « l’indemnisation accordée au titre du préjudice d’anxiété répare l’ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d’existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante ». Le préjudice lié aux troubles dans les conditions d’existence ne peut ainsi donner lieu à une réparation distincte de celle du préjudice d’anxiété. Ainsi, le préjudice lié aux troubles ressentis dans les conditions d’existence, qui est compris dans le préjudice d’anxiété, est, désormais, indemnisable en l’absence même d’une atteinte corporelle dès lors que le risque est avéré.
La Cour poursuit en affirmant que l’AGS (l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés) garantie les dommages-intérêts liés au préjudice d’anxiété et que ces demandes relèvent de la compétence du Conseil de prud’hommes et non du Tribunal des affaires de la sécurité sociale.
En précisant la notion de préjudice d’anxiété, la Cour de cassation confirme l’émergence de ce nouveau chef de préjudice qui divise la doctrine. Pour certains, réparer l’exposition à un risque et non la concrétisation du risque lui-même va conduire à une saisine massive des juridictions (v. C. Bernard et P. Jourdain) Pour d’autres, il faut approuver l’automaticité de l’indemnisation du préjudice d’anxiété eu égard à la gravité des risques encourus par les travailleurs du fait de leur exposition à l’amiante (v. P. Brun et O. Gout).
Soc. 25 sept. 2013, n° 12-20.157, FP-P+B+R
Soc. 25 sept. 2013, n°11-20.948, FP-P+B
Soc. 25 sept.2013, n° 12-12.883 et 12-13.307, FP-P+B
Soc. 25 sept. 2013, n°12-12.110, FP-P+B+R
Soc. 25 sept.2013, n°12-20.912, FP-P+B+R
Références
■ Soc. 11 mai 2010, n° 09-42.241, Bull. civ. V, n° 106 ; Dalloz actualité 4 juin 2010, obs. B. Ines ; D. 2011. 35, obs. P. Brun et O. Gout.
■ C. Bernard, « La recherche des préjudices des salariés “ préretraités amiante ” à l'aune du droit commun de la responsabilité civile », D. 2010. 2048.
■ P. Jourdain, « Les anciens salariés qui perçoivent l'allocation de préretraite amiante (ACAATA) peuvent-ils solliciter la réparation de leurs pertes de revenus ? », RTD civ. 2010. 564.
■ Soc. 4 déc. 2012, n° 11-26.294, Dalloz actualité, 16 janv. 2013, obs. M. Peyronnet.
■ Ass. plén. 19 déc. 2003, n°02-14.783, D. 2004. 161, obs. Y. Lambert-Faivre.
« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
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