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[ 21 avril 2010 ] Imprimer

Procédure pénale

Annulation de deux condamnations par la Cour de révision

Mots-clefs : Révision, Cour de révision, Annulation, Cour d’assises, Fait nouveau, Doute

La Cour de révision annule deux arrêts de condamnation rendus en matière criminelle tout en refusant de se prononcer sur l’innocence des condamnés, les deux affaires étant renvoyées devant les assises de Paris, pour que de nouveaux procès aient lieu.

La Cour de révision de la chambre criminelle de la Cour de cassation, par deux arrêts du 13 avril 2010, a pris en compte des « faits nouveaux ou éléments de nature à faire naître un doute sur les éléments constitutifs des infractions retenues » pour annuler les condamnations de deux individus. Ces derniers avaient saisi la commission de révision de la Cour de cassation, conformément à la procédure prévue à l’article 623 du Code de procédure pénale.

Cette commission est constituée de cinq magistrats de la Cour de cassation, dont le président est obligatoirement issu de la chambre criminelle. Son originalité vient de ce qu’elle est compétente sur le fond, alors que la Cour de cassation est en principe un juge du droit (v. art. L 411-2 du Code de l’organisation judiciaire). En effet, aux termes de l’avant-dernier alinéa de l’article 623 C. pr. p., elle peut procéder ou faire procéder à toutes les recherches qu’elle estime « utiles », mais également à l’interrogatoire des personnes concernées par l’affaire. Elle statue en dernier ressort, c'est-à-dire que ses arrêts ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours.

Dans la première affaire (n° 1437), l’auteur du pourvoi avait été condamné en 2005 par la cour d’assises des Yvelines, pour le meurtre et le viol d’une femme, découverte poignardée sur le pont de Neuilly. La police, au cours de l’enquête de voisinage, avait recueilli le témoignage d’une femme ayant fait l’objet, le jour même, de propositions à caractère sexuel d’un inconnu. Se basant sur la description physique rapportée par la témoin, les policiers avaient interpellé le suspect dans les environs ; ce dernier avait avoué le meurtre au cours de la garde à vue, sans donner plus de détails quant à sa réalisation.

En mars 2008, un homme s’est présenté au commissariat de La Défense, et a avoué être l’auteur du meurtre, en détaillant précisément la commission des faits. Son ADN fut par ailleurs retrouvé sur des affaires de la victime. L’avocat du premier condamné avait, par la suite, déposé une requête en révision, et la commission avait ensuite saisi la Cour le 14 décembre 2009.

Dans la seconde affaire (n° 2118), un homme avait été condamné pour agression sexuelle sur mineure. Cette dernière avait consigné dans son journal intime le déroulement des agressions qu’elle prétendait subir, ce que la cour d’assises d’Ille-et-Vilaine avait souverainement considéré comme constituant une preuve de la commission des faits. Peu de temps après la condamnation en appel du prévenu, la victime était revenue sur ses accusations. Saisie, la commission de révision avait ordonné — comme elle en a le pouvoir aux termes de l’article 624 C. pr. p. — la suspension de l’exécution de la condamnation, et transmis le dossier à la Cour de révision le 29 juin 2009.

Cette dernière a annulé les deux condamnations, ainsi que les arrêts se prononçant sur les intérêts civils. Dans ces deux affaires, il y avait bien eu des « éléments nouveaux, inconnus de la juridiction au jour du procès », qui instituaient un doute important sur la culpabilité des individus. Cependant, elle n’a pas pris l’initiative de « blanchir » totalement les demandeurs, au motif qu’elle n’était « pas en possession de l’intégralité des éléments lui permettant de déclarer [leur] innocence ».

Conformément à une jurisprudence bien établie (v. Crim. 3 avril 2001), la Cour de révision décide donc de renvoyer les deux affaires devant la cour d’assise de Paris, « dès lors qu’il peut être procédé à de nouveaux débats contradictoires » (lorsque le condamné est toujours vivant) et qu’il n’y a pas de « cause d’extinction de l’action publique ». Elle refuse de trancher l’affaire au fond, comme le lui permet l’article 625 C. pr. p., qui pose le principe de l’annulation avec renvoi des arrêts de révision.

Dans un arrêt de 1998, la Cour de révision avait prononcé une annulation sans renvoi, dans le cas où une décision judiciaire de relaxe, inconnue au jour de la condamnation, avait fait disparaître un des éléments constitutifs de l’infraction.

Crim. Cour de révision, 13 avril 2010, arrêt n° 1473 (09-84.531) et n° 2118 (10-80.196/10-80.619)

 

Références

■ Article L 411-2 du Code de l’organisation judiciaire

« La Cour de cassation statue sur les pourvois en cassation formés contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les juridictions de l'ordre judiciaire.

La Cour de cassation ne connaît pas du fond des affaires, sauf disposition législative contraire. »

■ Code de procédure pénale

Article 622

« La révision d'une décision pénale définitive peut être demandée au bénéfice de toute personne reconnue coupable d'un crime ou d'un délit lorsque :

1° Après une condamnation pour homicide, sont représentées des pièces propres à faire naître de suffisants indices sur l'existence de la prétendue victime de l'homicide ;

2° Après une condamnation pour crime ou délit, un nouvel arrêt ou jugement a condamné pour le même fait un autre accusé ou prévenu et que, les deux condamnations ne pouvant se concilier, leur contradiction est la preuve de l'innocence de l'un ou de l'autre condamné ;

3° Un des témoins entendus a été, postérieurement à la condamnation, poursuivi et condamné pour faux témoignage contre l'accusé ou le prévenu ; le témoin ainsi condamné ne peut pas être entendu dans les nouveaux débats ;

4° Après une condamnation, vient à se produire ou à se révéler un fait nouveau ou un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné. »

Article 623

« La révision peut être demandée :

1° Par le ministre de la justice ;

2° Par le condamné ou, en cas d'incapacité, par son représentant légal ;

3° Après la mort ou l'absence déclarée du condamné, par son conjoint, ses enfants, ses parents, ses légataires universels ou à titre universel ou par ceux qui en ont reçu de lui la mission expresse.

La demande en révision est adressée à une commission composée de cinq magistrats de la Cour de cassation, désignés par l'assemblée générale de cette juridiction et dont l'un, choisi parmi les membres de la chambre criminelle, en assure la présidence. Cinq magistrats suppléants sont désignés selon les mêmes formes. Les fonctions du ministère public sont exercées par le parquet général de la Cour de cassation.

Après avoir procédé, directement ou par commission rogatoire, à toutes recherches, auditions, confrontations et vérifications utiles et recueilli les observations écrites ou orales du requérant ou de son avocat et celles du ministère public, cette commission saisit la chambre criminelle, qui statue comme cour de révision, des demandes qui lui paraissent pouvoir être admises. La commission statue par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours ; cette décision, sur demande du requérant ou de son avocat, est rendue en séance publique.

La commission prend en compte, dans le cas où la requête est fondée sur le dernier alinéa (4°) de l'article 622, l'ensemble des faits nouveaux ou éléments inconnus sur lesquels ont pu s'appuyer une ou des requêtes précédemment rejetées. »

Article 624

« La commission saisie d'une demande de révision peut, à tout moment, ordonner la suspension de l'exécution de la condamnation.

Il en est de même pour la cour de révision lorsqu'elle est saisie.

La commission ou la cour de révision qui ordonne la suspension de l'exécution de la condamnation peut décider que cette suspension est assortie de l'obligation de respecter tout ou partie des conditions d'une libération conditionnelle prévues par les articles 731 et 731-1, y compris, le cas échéant, celles résultant d'un placement sous surveillance électronique mobile.

Elle précise dans sa décision les obligations et interdictions auxquelles est soumis le condamné, en désignant le juge de l'application des peines sous le contrôle duquel celui-ci sera placé. Le juge de l'application des peines peut modifier les obligations et interdictions auxquelles est soumis le condamné, dans les conditions prévues par l'article 712-6.

Ces obligations et interdictions s'appliquent pendant une durée d'un an, qui peut être prolongée, pour la même durée, par la commission ou la cour de révision.

En cas de violation par le condamné des obligations et interdictions auxquelles il est soumis, le juge de l'application des peines peut saisir la commission ou la cour de révision pour qu'elle mette fin à la suspension de l'exécution de la condamnation. Il peut décerner les mandats prévus par l'article 712-17 et ordonner l'incarcération provisoire du condamné conformément à l'article 712-19. La commission ou la cour doit alors se prononcer dans un délai d'un mois. Si elle ne met pas fin à la suspension de l'exécution de la condamnation, la commission ou la cour de révision peut modifier les obligations et interdictions auxquelles le condamné est soumis. »

Article 625

« Si la cour de révision estime que l'affaire n'est pas en état, elle procède comme il est dit à l'avant-dernier alinéa de l'article 623.

Lorsque l'affaire est en état, la cour l'examine au fond et statue, par arrêt motivé non susceptible de voie de recours, à l'issue d'une audience publique au cours de laquelle sont recueillies les observations orales ou écrites du requérant ou de son avocat, celles du ministère public ainsi que, si elle intervient à l'instance, après en avoir été dûment avisée, celles de la partie civile constituée au procès dont la révision est demandée ou de son avocat. Elle rejette la demande si elle l'estime mal fondée. Si, au contraire, elle l'estime fondée, elle annule la condamnation prononcée. Elle apprécie s'il est possible de procéder à de nouveaux débats contradictoires. Dans l'affirmative, elle renvoie les accusés ou prévenus devant une juridiction de même ordre et de même degré, mais autre que celle dont émane la décision annulée.

S'il y a impossibilité de procéder à de nouveaux débats, notamment en cas d'amnistie, de décès, de démence, de contumace ou de défaut d'un ou plusieurs condamnés, d'irresponsabilité pénale ou d'excusabilité, en cas de prescription de l'action ou de la peine, la cour de révision, après l'avoir expressément constatée, statue au fond en présence des parties civiles, s'il y en a au procès, et des curateurs nommés par elle à la mémoire de chacun des morts ; en ce cas, elle annule seulement celles des condamnations qui lui paraissent non justifiées et décharge, s'il y a lieu, la mémoire des morts.

Si l'impossibilité de procéder à de nouveaux débats ne se révèle qu'après l'arrêt de la cour de révision annulant l'arrêt ou le jugement de condamnation et prononçant le renvoi, la cour, sur la réquisition du ministère public, rapporte la désignation par elle faite de la juridiction de renvoi et statue comme il est dit à l'alinéa précédent.

Si l'annulation du jugement ou de l'arrêt à l'égard d'un condamné vivant ne laisse rien subsister à sa charge qui puisse être qualifié crime ou délit, aucun renvoi n'est prononcé.

L'annulation de la condamnation entraîne la suppression de la fiche du casier judiciaire. »

Article 625-1

« Pour l'application des articles 623 et 625, le requérant peut être représenté ou assisté par un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ou par un avocat régulièrement inscrit à un barreau. »

Article 626

« Sans préjudice des dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire, un condamné reconnu innocent en application du présent titre a droit à réparation intégrale du préjudice matériel et moral que lui a causé la condamnation. Toutefois, aucune réparation n'est due lorsque la personne a été condamnée pour des faits dont elle s'est librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites.

Peut également demander une réparation, dans les mêmes conditions, toute personne justifiant du préjudice que lui a causé la condamnation.

A la demande de l'intéressé, le préjudice est évalué par expertise contradictoire réalisée dans les conditions des articles 156 et suivants.

La réparation est allouée par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle réside l'intéressé et suivant la procédure prévue par les articles 149-2 à 149-4. Si la personne en fait la demande, la réparation peut également être allouée par la décision d'où résulte son innocence. Devant la cour d'assises, la réparation est allouée par la cour statuant, comme en matière civile, sans l'assistance des jurés.

Cette réparation est à la charge de l'État, sauf son recours contre la partie civile, le dénonciateur ou le faux témoin par la faute desquels la condamnation a été prononcée. Elle est payée comme frais de justice criminelle, correctionnelle et de police.

Si le demandeur le requiert, l'arrêt ou le jugement de révision d'où résulte l'innocence du condamné est affiché dans la ville où a été prononcée la condamnation, dans la commune du lieu où le crime ou le délit a été commis, dans celle du domicile des demandeurs en révision, dans celles du lieu de naissance et du dernier domicile de la victime de l'erreur judiciaire, si elle est décédée ; dans les mêmes conditions, il est ordonné qu'il soit inséré au Journal officiel et publié par extraits dans cinq journaux au choix de la juridiction qui a prononcé la décision.

Les frais de la publicité ci-dessus prévue sont à la charge du Trésor. »

 Crim. Cour de révision, 3 avril 2001, n° 99-84.584, Bull. crim. n° 92.

■ Crim. Cour de révision, 17 juin 1998, n° 97-85.568, Bull. crim. n° 197.

 

Auteur :B. H.

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