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[ 4 décembre 2015 ] Imprimer

Droit des obligations

Annulation d’une vente immobilière pour réticence dolosive

Mots-clefs : Contrats, Vices du consentement, Réticence dolosive, Notion, Aspects, Eléments constitutifs

La venderesse dissimulant à son acheteuse que le bien vendu n’est pas un appartement et qu’elle y a fait réaliser des travaux non autorisés aux conséquences défectueuses commet une réticence dolosive sanctionnée par la nullité de la vente.

L’acheteuse d’un lot appartenant à la copropriété d’un immeuble avait appris, après la vente, que ce lot ne correspondait pas à un appartement mais à des combles aménagés en appartement par la venderesse, sans autorisation de la copropriété. L’acheteuse l’avait alors assignée, ainsi que le notaire rédacteur de l'acte de vente, en annulation de la vente, restitution du prix payé et dommages-intérêts. La Cour d’appel accueillit sa demande, retenant la réticence dolosive de la venderesse qui lui avait vendu un bien immobilier désigné à tort comme un appartement, lui avait dissimulé qu’elle avait fait réaliser des travaux dans ce local sans autorisation de la copropriété et que ceux-ci étaient défectueux. La venderesse forma un pourvoi en cassation pour soutenir, tout d’abord, une fois rappelé que la réticence dolosive est constituée par le silence d'une partie dissimulant intentionnellement à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter, que chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot et use et jouit librement des parties privatives et des parties communes, sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ; or en l’espèce, selon la venderesse, le règlement de copropriété prohibait l'affectation de ce local à un usage autre que l'habitation, ce dont il résultait que son aménagement intérieur en appartement ne nécessitait aucune autorisation et que le silence gardé sur ce point ne constituait pas un dol par réticence. Elle invoqua ensuite le fait que si les travaux relatifs à la pose des velux et au percement de la toiture avaient été mal réalisés, ils avaient néanmoins, contrairement à ce qu’ont retenu les juges du fond, été autorisés par le règlement de copropriété. Enfin, elle contesta avoir eu connaissance au moment de la vente, n’ayant pas fait réaliser personnellement ces travaux, des désordres qui en résulteraient. 

Son pourvoi est rejeté par la Cour, les juges du fond ayant retenu que « la venderesse s'était abstenue d'aviser l’acheteuse de ce que le bien vendu n'était pas un appartement selon le règlement de copropriété, ce dont elle avait conscience puisqu'elle avait saisi plusieurs fois l'assemblée générale des copropriétaires qui avait à chaque fois refusé le changement d'affectation des locaux, qu'elle avait procédé à des travaux sans autorisation ni étude de leurs conséquences au sein de l'immeuble et au risque d'une action du syndicat des copropriétaires aux fins de remise en état et dommages-intérêts, la Cour d'appel, qui a souverainement apprécié la réticence dolosive, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision d'annuler la vente ». 

Selon l’article 1109 du Code civil, il n’y a point de consentement valable, notamment s’il a été surpris par dol. Défini à l’article 1116 du Code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident qu’elles ont conduit, indûment, l’autre partie à contracter, laquelle, si elle avait connu la réalité de la chose vendue, n’aurait pas contracté, du moins dans ces termes-là. 

Le dol comporte deux aspects : un aspect délictuel, c’est-à-dire l’acte de déloyauté, de malhonnêteté, réalisé au moment de la conclusion du contrat, et un aspect psychologique, à savoir que l’acte délictuel a dû provoquer chez la victime une erreur déterminante de son consentement. En l’espèce, la Cour retient la conjonction de ces deux aspects en sanctionnant la dissimulation volontaire par la venderesse d’éléments se révélant déterminants du consentement à la vente. 

En plus de ces deux aspects, le dol doit également présenter quatre caractères, cumulatifs: outre l’élément déterminant, il est également constitué d’un élément personnel, d’un élément matériel et d’un élément intentionnel. Tout d’abord, un élément personnel doit exister. Les manœuvres ne peuvent provenir que de l’une des parties, donc du cocontractant de la victime du dol. Les manœuvres qui proviennent d’un tiers ne sont pas prises en compte. Le comportement dolosif est sanctionné mais dans la limite de la sphère contractuelle. En l’espèce cependant, ce point ne posait pas de difficultés. Ensuite, l’élément matériel, relevant de l’aspect délictuel du dol ne peut être constitué selon l’article 1116 du Code civil que par des manœuvres dolosives, c’est-à-dire l’emploi de procédés consistant en une mise en scène pour abuser, tromper l’autre partie, machinations, artifices, stratagèmes, mensonges, bref, à un acte positif de tromperie. Cependant, la jurisprudence a étendu la notion à un acte négatif, l’élément matériel du dol pouvant ainsi, comme en l’espèce, être caractérisé par le silence (depuis Civ. 3e, 15 janv. 1971, n° 69-12.180). Enfin, il doit s’agir d’un silence intentionnel, d’une rétention volontaire d’information, une situation dans laquelle on détient une information qu’une autre partie ignore et qu’on s’abstient de révéler. Le dol, même s’il n’a plus son caractère pénal originel, demeure un acte illicite volontaire, qui implique la mauvaise foi de son auteur.

Or en l’espèce, la venderesse avait bien intentionnellement tu que le bien vendu n’était pas un appartement, comme le souhaitait l’acheteuse, ce que prouvaient les multiples demandes de changement d’affectation du bien auprès de l’assemblée générale des copropriétaires, et qu’il avait subi des travaux non autorisés et ayant dégradé le bien vendu.  

Civ.3e, 22 oct. 2015, n°14-19.655

 

Auteur :M. H.

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