Actualité > À la une

À la une

[ 26 septembre 2011 ] Imprimer

Droit de la responsabilité civile

Antennes relais : gare aux démantèlements !

Mots-clefs : Principe de précaution, Trouble du voisinage, Antennes relais, Démantèlement, Risque sanitaire, Téléphonie, Environnement, Trouble manifeste et danger imminent pour la santé

L’implantation d’une antenne relais de téléphonie mobile constitue un trouble anormal du voisinage pour les personnes qui habitent dans sa proximité immédiate. Ainsi, l’incertitude face à la dangerosité des ondes électromagnétiques justifie le démantèlement d’une antenne relais même si les seuils légaux d’émission ont été respectés a décidé la cour d’appel de Montpellier dans une ordonnance en date 15 septembre 2011.

À la suite de l’installation par la société SFR d’une station relais sur une parcelle appartenant à la commune de Montesquieu des Albères, des riverains ont saisi le juge des référés du TGI de Perpignan afin de faire cesser un trouble manifestement illicite et un dommage imminent caractérisés par la diffusion d’ondes électromagnétiques présentant un risque grave pour leur santé et celle de leurs enfants et que soit ordonnée la démolition de cette station. Le TGI s’est déclaré incompétent au profit du TA de Montpellier. Les requérants ont alors fait appel de l’ordonnance de référés devant la cour d’appel de Montpellier qui a reconnu la compétence de la juridiction judiciaire et a statué sur ce litige en condamnant la société SFR à procéder à l’enlèvement de la station litigieuse dans un délai de 6 mois et à défaut, d’une astreinte de 500 euros par jour de retard constaté.

Dans ce litige, la cour d’appel de Montpellier se reconnaît compétente en constatant que les demandeurs sont des tiers par rapport aux contrats conclus et aux autorisations accordées à la société SFR aux fins d’occuper le domaine public hertzien, lesquelles autorisations le sont toujours sous réserve des droits des tiers. Par ailleurs, les demandes des riverains de l’antenne relais visent à faire cesser un trouble anormal de voisinage. Le juge des référés considère que l’appréciation de l’existence de ce trouble n’est pas liée directement au respect ou non de normes réglementaires. Ainsi, il estime qu’un trouble anormal de voisinage peut être constaté alors même que les normes prescrites en matière d’urbanisme ou de santé publique ont été respectées.

La station litigieuse est, en l’espèce, caractérisée par l’installation d’un pylône de 12 mètres destiné à recevoir une antenne relais GSM et à acheminer les appels émis et/ou reçus par les abonnées aux services de téléphonie mobile. Cette installation est située à moins de 100 mètres de certaines habitations. La cour d’appel relève que la crainte dont font état les demandeurs qui se sont vu imposer une telle installation peut légitimement résulter de ce qu’ils n’ont aucune garantie de l’absence d’un risque sanitaire généré par l’antenne relais et par les ondes électromagnétiques auxquelles eux et leurs enfants sont désormais exposés. Se référant à différents textes (rapport Zmirou du 16 janv. 2011, Décr. du 2 mai 2002, rapport Bio Initiative d’août 2007 sur les champs électromagnétiques, communications du 17 sept. 2007 de l’Agence européenne de l’environnement, résolution du Parlement européen du 4 sept. 2008….), la cour d’appel considère que la société SFR se devait de respecter le principe de précaution édicté par l’article L. 110-1 du Code de l’environnement. Principe que l’on retrouve par ailleurs à l’article 5 de la Charte de l’environnement de 2004. Ainsi le juge des référés de la cour d’appel reconnait que la société SFR a fait naitre chez les demandeurs la crainte légitime qu’en demeurant dans leur habitation, ils courent et font courir à leurs enfants un risque sanitaire particulièrement grave si celui-ci devait se réaliser, il n’existe, par ailleurs, aucune garantie d’absence d’un tel risque. Cette crainte constitue un trouble manifeste et un danger imminent que seul le démantèlement de la station relais est en mesure de faire cesser. Ainsi le problème de l’impact (impact qu’il ait impossible d’évaluer en l’état actuel des connaissances scientifiques) sur la santé humaine des émissions d’ondes électromagnétiques fait naitre une crainte qui nécessite que soit appliqué en l’espèce le principe de précaution. On notera notamment un précédent concernant les antennes relais : l’affaire dite de « Tassin la Demi-Lune » (TGI Nanterre, 18 sept. 2008, M. Lagouge c. Société Bouygues Telecom ; Versailles, 4 févr. 2009 : démantèlement d'une antenne relais de téléphonie mobile appartenant à la société Bouygues Télécom, à la demande de riverains de l'installation qui estimaient subir un trouble anormal de voisinage). Il est important de signaler que, pour le moment, la Cour de cassation ne s’est pas encore prononcée dans ce domaine.

Enfin, le juge judiciaire et le juge administratif ne considèrent pas ce risque sanitaire de la même façon. En effet, le Conseil d’État estime qu’en l’état des connaissances scientifiques l’existence de risques pour la santé n’est pas démontrée (CE 22 août 2002, Société SFR ; CE 2 juill. 2008, Société SFR).

Le contentieux des antennes relais met en jeu divers intérêts économiques, sanitaires, pratiques (utilisation des téléphones mobiles) qu’il est difficile de concilier.

Montpellier, 15 septembre 2011, 10/04612

Références

Principe de précaution

« Principe, issu du droit de l’environnement, selon lequel “ l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ”. Il a accédé au rang de règle obligatoire, mais sa nature juridique exacte et sa portée sont encore incertaines.

Dans une conception plus large il représente un principe d’orientation des décisions publiques, spécialement en matière de santé humaine, animale ou végétale, selon lequel l’absence de certitudes scientifiques sur la réalité d’un risque ne doit pas empêcher de prendre des mesures de prévention raisonnables en vue d’en prévenir la réalisation, comme l’interdiction d’importer certains produits suspectés d’être porteurs d’un risque (organismes génétiquement modifiés, par ex.). Beaucoup de partenaires commerciaux de l’Union européenne, et l’Organisation mondiale du commerce, s’opposent à cette conception dans laquelle ils voient un moyen de protectionnisme commercial déguisé.

À propos du prétendu danger du fait des ondes émises par les antennes relais de téléphonie mobile, plusieurs juges des référés ont fait interdiction d’implanter de telles antennes (ou ordonner de les enlever) sur le fondement du principe de précaution. »

Trouble anormal de voisinage

« Désagrément causé par un voisin, auteur de nuisances diverses (bruits, odeurs, fumées, privation de vue, privation de lumière…), devant dépasser la mesure coutumière des obligations ordinaires du voisinage pour être source de responsabilité. Cette responsabilité est engagée sans faute et alors même que le trouble proviendrait d’une exploitation licite. »

Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.

Article L. 110-1 du Code de l’environnement

« I. - Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation.

II. - Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants :

1° Le principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ;

2° Le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ;

3° Le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur ;

4° Le principe de participation, selon lequel chacun a accès aux informations relatives à l'environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses, et le public est associé au processus d'élaboration des projets ayant une incidence importante sur l'environnement ou l'aménagement du territoire.

III. - L'objectif de développement durable, tel qu'indiqué au II, répond, de façon concomitante et cohérente, à cinq finalités :

1° La lutte contre le changement climatique ;

2° La préservation de la biodiversité, des milieux et des ressources ;

3° La cohésion sociale et la solidarité entre les territoires et les générations ;

4° L'épanouissement de tous les êtres humains ;

5° Une dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation responsables.

IV. - L'Agenda 21 est un projet territorial de développement durable. »

Article 5 de la Charte de l’environnement de 2004

« Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »

TGI Nanterre, 18 sept. 2008, M. Lagouge c. Société Bouygues Telecom, D. 2008. 2916, note Boutonnet.

Versailles, 4 févr. 2009, n° 08/08775, AJDA 2009. 712, note Bourillon.

CE 22 août 2002, Société SFR, AJDA 2002. 1300, note Binczak.

CE 2 juill. 2008, Société SFR, AJDA 2008. 1359.

 

Auteur :C. G.


  • Rédaction

    Directeur de la publication-Président : Ketty de Falco

    Directrice des éditions : 
    Caroline Sordet
    N° CPPAP : 0122 W 91226

    Rédacteur en chef :
    Maëlle Harscouët de Keravel

    Rédacteur en chef adjoint :
    Elisabeth Autier

    Chefs de rubriques :

    Le Billet : 
    Elisabeth Autier

    Droit privé : 
    Sabrina Lavric, Maëlle Harscouët de Keravel, Merryl Hervieu, Caroline Lacroix, Chantal Mathieu

    Droit public :
    Christelle de Gaudemont

    Focus sur ... : 
    Marina Brillié-Champaux

    Le Saviez-vous  :
    Sylvia Fernandes

    Illustrations : utilisation de la banque d'images Getty images.

    Nous écrire :
    actu-etudiant@dalloz.fr