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[ 8 avril 2015 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Apologie de crimes d'atteintes volontaires à la vie : un tee-shirt litigieux

Mots-clefs : Apologie, Presse, Atteinte volontaire à la vie, Liberté d’expression

On présente habituellement l'apologie comme l'éloge, l’approbation expressément donnée à un crime ou à son auteur, mais aussi la glorification de ceux qui imiteraient ce dernier. De surcroît, l’infraction suppose que l'approbation à l'acte illicite soit de nature à faire naître dans l'esprit du public un jugement positif sur cet acte. 

Cette affaire avait largement alimenté les médias : un petit garçon de 3 ans, prénommé Jihad, était venu à l’école maternelle portant un tee-shirt pour le moins expressif avec les inscriptions suivantes : sur le devant, « Je suis une bombe » ; au dos, « Jihad né le 11 septembre » ! La directrice de l’école, identifiant la subtile référence aux attentats terroristes commis à New York le 11 septembre 2001, signalait ces faits à l’inspection académique et parallèlement, le maire de la commune saisissait le procureur de la République. L’oncle de l’enfant, ayant offert le tee-shirt, et la mère de ce dernier, ont été cités devant le tribunal correctionnel du chef d’apologie de crimes d’atteintes volontaires à la vie, au visa de l’article 24, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1881. Infirmant le premier jugement rendu, la cour d’appel de Nîmes a condamné les deux adultes.

Dans le cadre du pourvoi formé par l’oncle, la chambre criminelle contrôle, comme elle le fait classiquement pour cette infraction (Crim. 28 avr. 2009), la bonne appréciation du sens et de la portée des propos imprimés. Elle admet, en l’espèce, que « la cour d’appel, qui, analysant le contexte dans lequel les mentions incriminées ont été imprimées et rendues publiques, a exactement apprécié leur sens et leur portée, et (…) a caractérisé en tous ses éléments le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision ».

Pour caractériser le délit d’apologie de crime, les juges d’appel avaient en effet relevé que les différentes mentions inscrites de part et d’autre du vêtement, ne peuvent être dissociées, s’agissant d’un unique support, et que l’association délibérée de ces termes, alors qu’aucune référence n’est faite à l’année de naissance de l’enfant, renvoie, pour toute personne qui en prend connaissance, au meurtre de masse commis le 11 septembre 2001.

Ils ajoutent, en ce qui concerne l’oncle, que la commande qu’il avait passée des inscriptions devant figurer sur ce tee-shirt, son insistance auprès de la mère de l’enfant pour qu’elle en revête celui-ci lorsqu’elle l’enverrait à l’école, lieu public par destination, traduisent sa volonté, non de faire une plaisanterie, comme il le soutient, mais de présenter sous un jour favorable les crimes évoqués, auprès des personnes qui, dans l’enceinte de l’établissement scolaire, seraient amenées à voir ce vêtement.

Selon les juges, ces comportements dépassent les limites admissibles de la liberté d’expression, au sens de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, soulignant que l’oncle a utilisé un très jeune enfant comme support d’un jugement bienveillant sur des actes criminels.

Crim. 17 mars 2015, n°13-87.358 FS-P+B+I

 

Références

 Crim. 2 nov. 1978, n°78-90.571.

 Crim. 28 avr. 2009, n°08-82.136, Dalloz actualité 22 juin 2009, note S. Lavric

■ Article 24  de la loi du 29 juillet 1881

« Seront punis de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n'aurait pas été suivie d'effet, à commettre l'une des infractions suivantes :

1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ;

2° Les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal.

Ceux qui, par les mêmes moyens, auront directement provoqué à l'un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus par le titre Ier du livre IV du code pénal, seront punis des mêmes peines.

Seront punis de la même peine ceux qui, par l'un des moyens énoncés en l'article 23, auront fait l'apologie des crimes visés au premier alinéa, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes et délits de collaboration avec l'ennemi.

Seront punis des peines prévues par l'alinéa 1er ceux qui, par les mêmes moyens, auront provoqué directement aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou qui en auront fait l'apologie.

Tous cris ou chants séditieux proférés dans les lieux ou réunions publics seront punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 5° classe.

Ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement.

Seront punis des peines prévues à l'alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap ou auront provoqué, à l'égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal.

En cas de condamnation pour l'un des faits prévus par les deux alinéas précédents, le tribunal pourra en outre ordonner :

1° Sauf lorsque la responsabilité de l'auteur de l'infraction est retenue sur le fondement de l'article 42 et du premier alinéa de l'article 43 de la présente loi ou des trois premiers alinéas de l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, la privation des droits énumérés aux 2° et 3° de l'article 131-26 du code pénal pour une durée de cinq ans au plus ;

2° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal. »

 Article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme - Liberté d’expression

« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »

 

 

Auteur :C. .L

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