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[ 19 octobre 2009 ] Imprimer

Procédure pénale

Appel des arrêts d'acquittement : pouvoir exclusif du procureur général

Mots-clefs : Ministère public (caractères), Appel, Acquittement, Procureur général (pouvoir exclusif)

L'appel interjeté par le procureur de la République contre un arrêt d'acquittement est irrecevable, même lorsque celui-ci agit sur instructions du procureur général.

 

Saisie d'une demande de désignation de cour d'assises d'appel dans une affaire où l'accusé, poursuivi des chefs de viols et agressions sexuelles aggravées, avait été acquitté, la chambre criminelle rappelle, dans un arrêt du 2 septembre 2009, que, selon les termes de l'article 380-2 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002, seul le procureur général peut interjeter appel des arrêts d'acquittement. La solution n'est pas nouvelle (Crim. 26 juin 2002) mais elle est ici réaffirmée dans une hypothèse particulière — le procureur de la République ayant agi sur instructions du procureur général — dans laquelle on aurait pu se demander dans quelles mesures les principes d'indivisibilité et de subordination hiérarchique du parquet pouvaient être invoqués.

En vertu du principe d'indivisibilité, les magistrats du ministère public sont considérés juridiquement comme ne formant qu'une seule et même personne et l'acte d'un seul engage le parquet dans son ensemble. Cela dit, l'indivisibilité est limitée aux membres d'un même parquet (art. 34 et 39 C. pr. pén.), ce qui permet bien à un avocat général d'interjeter appel au nom du procureur général, mais pas à un procureur de la République (Crim. 26 nov. 2003 ; Crim. 31 mai 2007).

En vertu du principe de subordination hiérarchique, les membres du parquet, dont le corps est placé sous la dépendance du gouvernement, reçoivent des ordres de leurs supérieurs hiérarchiques auxquels ils doivent obéir (art. 5 de l'ord. 58-1270 du 22 déc. 1958).

Au sommet de la pyramide, le garde des Sceaux conduit la politique d'action publique et veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République, par le biais d'instructions générales d'action publique mais aussi d'instructions individuelles écrites et versées au dossier (art. 30 C. pr. pén.). De son côté, le procureur général près la cour d'appel veille à l'application de la loi pénale et au bon fonctionnement des parquets dans l'étendue de son ressort ; il anime et coordonne l'action des procureurs « en ce qui concerne tant la prévention que la répression des infractions à la loi pénale », ainsi que la conduite de la politique de l'action publique (art. 35 C. pr. pén.) ; il peut également enjoindre aux procureurs de la République, par instructions écrites et versées au dossier, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions (art. 36 C. pr. pén.).

En dépit de ces éléments, la Cour de cassation préfère s'en tenir à une interprétation littérale de l'article 380-2 du Code de procédure pénale, a priori conforme à l'intention du législateur qui était de réserver la possibilité de remettre en cause l'acquittement prononcé par un jury d'assises non seulement aux cas particulièrement graves mais encore à une Haute autorité du ministère public.

 

Crim. 2 septembre 2009

 

Références

 

Avocat général

« Membre du ministère public institué auprès d’une cour d’appel et de la Cour de cassation, auxiliaire du procureur général ».

Ministère public

« Ensemble des magistrats de carrière qui sont chargés, devant certaines juridictions, de requérir l’application de la loi et de veiller aux intérêts généraux de la société.

Indépendants des juges du siège, les magistrats du parquet sont hiérarchisés et ne bénéficient pas de l’inamovibilité.

En matière civile, le ministère public peut être partie principale ou partie jointe. En matière pénale, il est toujours partie principale. »

Parquet

« Magistrats composant le ministère public dans chaque tribunal de grande instance, placés sous l’autorité d’un procureur de la République. Il est tenu une liste de rang des membres du parquet (procureur, procureur-adjoint, vice-procureur, substitut) déterminant la place de chacun dans les cérémonies publiques, les assemblées générales et les formations de la juridiction. »

Procureur général

« Magistrat placé à la tête du ministère public d’une cour. À la Cour de cassation, il est assisté de premiers avocats généraux, d’avocats généraux et d’avocats généraux référendaires. À la cour d’appel, il est assisté d’avocats généraux et de substituts généraux. »

Procureur de la République

« Magistrat placé à la tête du ministère public prés le tribunal de grande instance.

En toutes matières, le ministère public est exercé devant les juridictions du premier degré du ressort du tribunal de grande instance par le procureur de la République. »

Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.

Code de procédure pénale

Article 380-2 (rédaction loi du 4 mars 2002)

« La faculté d'appeler appartient :
1° À l'accusé ;
2° Au ministère public ;
3° À la personne civilement responsable, quant à ses intérêts civils ;
4° À la partie civile, quant à ses intérêts civils ;
5° En cas d'appel du ministère public, aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l'action publique.
Le procureur général peut également faire appel des arrêts d'acquittement. »

Article 30

« Le ministre de la justice conduit la politique d'action publique déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République.
A cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales d'action publique.
Il peut dénoncer au procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance et lui enjoindre, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportunes. »

Article 34

« Le procureur général représente en personne ou par ses substituts le ministère public auprès la cour d'appel et auprès de la cour d'assises instituée au siège de la cour d'appel, sans préjudice des dispositions de l'article 105 du code forestier et de l'article 446 du code rural. Il peut, dans les mêmes conditions, représenter le ministère public auprès des autres cours d'assises du ressort de la cour d'appel. »

Article 35

« Le procureur général veille à l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du ressort de la cour d'appel et au bon fonctionnement des parquets de son ressort.
A cette fin, il anime et coordonne l'action des procureurs de République, en ce qui concerne tant la prévention que la répression des infractions à la loi pénale, ainsi que la conduite de la politique d'action publique par les parquets de son ressort.
Sans préjudice des rapports particuliers qu'il établit soit d'initiative, soit sur demande du procureur général, le procureur de la République adresse à ce dernier un rapport annuel sur l'activité et la gestion de son parquet ainsi que sur l'application de la loi.
Le procureur général a, dans l'exercice de ses fonctions, le droit de requérir directement la force publique. »

Article 36

« Le procureur général peut enjoindre aux procureurs de la République, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le procureur général juge opportunes. »

Article 39

« Le procureur de la République représente en personne ou par ses substituts le ministère public près le tribunal de grande instance, sans préjudice des dispositions de l'article 105 du code forestier et de l'article 446 du code rural.
Il représente également en personne ou par ses substituts le ministère public auprès de la cour d'assises instituée au siège du tribunal.
Il représente de même, en personne ou par ses substituts, le ministère public auprès du tribunal de police ou de la juridiction de proximité dans les conditions fixées par l'article 45 du présent code. »

Article 5 de l'ordonnance 58-1270 du 22 décembre 1958

« Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice. À l'audience, leur parole est libre. »

Jurisprudence

Crim. 26 juin 2002, Bull. crim. n° 145.

Crim. 23 juill. 2003, Bull. crim n° 140 ; AJ pénal 2003. 68 ; JCP 2003. IV. 2663.

Crim. 26 nov. 2003, Bull. crim. n° 223 ; D. 2004. IR. 108 ; JCP 2004. IV. 1097.

Crim. 31 mai 2007, Bull. crim. n° 147 ; D. 2007. AJ. 1874 ; AJ pénal 2007. 388.

■ B. Bouloc, Procédure pénale, 21e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2008, nos 171 et 175.

 

Auteur :S. L.


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