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Appel : irrecevabilité de la demande nouvelle
Procédure civile
Appel : irrecevabilité de la demande nouvelle
Mots-clefs : Appel civil, Demande nouvelle, Recevabilité, Action en exécution, Action en résolution
La demande de résolution qui vise à mettre à néant le contrat ne tend pas aux mêmes fins que la demande d’exécution sous astreinte qui le laisse subsister.
Un maître de l’ouvrage avait obtenu en première instance la condamnation d’un entrepreneur à achever sous astreinte l’exécution d’un ouvrage dont il lui avait confié la réalisation. L’entrepreneur ayant interjeté appel de cette condamnation, le maître de l’ouvrage a reconventionnellement sollicité la résolution du contrat. La cour d’appel a déclaré cette demande recevable, au motif que « l’action en résolution et l’action en exécution d’une convention constituent sous deux formes différentes l’exercice du même droit et tendent aux mêmes fins ».
L’entrepreneur s’est alors pourvu en cassation. Dans un moyen unique, il a notamment invoqué la violation de l’article 565 du Code de procédure civile, aux termes duquel « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».
Pour comprendre cet article, il convient de rappeler que les demandes nouvelles sont en principe interdites en appel. Cette interdiction de principe se justifie par la règle de l’immutabilité du litige et celle du double degré de juridiction (v. I. Pétel-Teyssié). En l’espèce, la recevabilité de la demande de résolution du contrat était donc conditionnée à l’appréciation de sa nouveauté : qualifiée de demande nouvelle, elle était irrecevable, et les juges d’appel n’avaient par conséquent pas à en examiner le bien-fondé. Au contraire, la cour d’appel avait ici estimé que la demande de résolution n’était pas nouvelle car elle tenait « aux mêmes fins » que la demande d’exécution sous astreinte.
La Cour de cassation devait ainsi se prononcer sur l’interprétation faite par les juges du fond de l’article 565. Plus précisément, elle devait se prononcer sur la notion d’identité de fins. Or, en la matière, la tendance jurisprudentielle est à une appréciation large (v. I. Pétel-Teyssié, préc., n° 40). Par le passé, la Cour de cassation avait d’ailleurs admis que l’action en exécution et l’action en résolution étaient deux formes différentes de l’exercice d’un même droit et tendaient donc aux mêmes fins (Civ. 3e, 2 mai 1979 ; Com. 16 janv. 2001). En l’espèce, les juges du fond s’étaient donc conformés à cette jurisprudence.
Ils sont pourtant censurés par la Cour de cassation qui énonce, au visa de l’article 565, que « la demande de résolution qui vise à mettre à néant le contrat ne tend pas aux mêmes fins que la demande d’exécution sous astreinte qui le laisse subsister ». Pour apprécier l'identité de fins, la Cour de cassation se réfère donc à l'objectif poursuivi par le demandeur: le maintien du contrat ou, au contraire, sa disparition. La demande de résolution, présentée pour la première fois devant la cour d’appel, doit dès lors être qualifiée de demande nouvelle et, par voie de conséquence, déclarée irrecevable.
Il faudrait toutefois se garder de voir dans cette solution un revirement de jurisprudence. En effet, les décisions en sens contraire n’émanaient pas de la deuxième chambre civile mais d’autres formations de la Cour de cassation. Il faudrait donc plutôt y déceler l’expression d’une divergence jurisprudentielle sur l’interprétation de la notion d’identité de fins.
On sera donc attentifs aux prochains arrêts rendus sur cette question.
Civ. 2e, 8 sept. 2011, n° 09-13.086, FS-P+B
Références
■ I. Pétel-Teyssié, V° « Demandes nouvelles », Rep. pr. civ. Dalloz, n° 35 et s.
[Droit civil/Procédure civile]
« Condamnation à une somme d’argent, à raison de tant par jour (ou semaine, ou mois) de retard, prononcée par le juge du fond ou le juge des référés, contre un débiteur récalcitrant, en vue de l’amener à exécuter en nature son obligation.
En principe provisoire, c’est-à-dire sujette à révision, l’astreinte peut être définitive si le tribunal en a ainsi expressément décidé. Mais une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine.
Tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision.
Le juge de l’exécution a reçu des pouvoirs spéciaux en ce domaine. »
■ Immutabilité du litige (Principe de l’)
[Procédure civile]
« Principe destiné à favoriser la loyauté des débats, en vertu duquel les éléments d’un litige ne devraient pas être modifiés, dès l’instant que l’instance a été liée.
Ce principe tombe progressivement en désuétude. Formulé pour écarter les demandes nouvelles en appel, il n’empêche pas, s’il y a connexité, la présentation de demandes additionnelles, reconventionnelles, en intervention. »
[Procédure (principes généraux)]
« Caractère d’une demande en justice rendant possible son examen au fond par la juridiction saisie, parce que les conditions de l’action sont remplies et qu’il n’existe aucune fin de non-recevoir. »
[Droit civil]
« Sanction consistant dans l’effacement rétroactif des obligations nées d’un contrat synallagmatique, lorsque l’une des parties n’exécute pas ses prestations.
Comme la nullité, la résolution a un effet rétroactif, mais, à la différence de la première, elle sanctionne un défaut d’exécution et non pas un vice existant lors de la formation du contrat.
En cas d’inexécution partielle, les juges du fond apprécient souverainement si cette inexécution a assez d’importance pour entraîner la résolution ou si elle ne sera pas suffisamment réparée par l’allocation de dommages-intérêts.
La résolution est en principe judiciaire. Toutefois, la gravité du comportement d’une partie au contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Article 565 du Code de procédure civile
« Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. »
■ Civ. 3e, 2 mai 1979, n° 77-14.445.
■ Com. 16 janv. 2001, n° 97-14.104, D. 2001. 775.
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