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Droit de la responsabilité civile
Applicabilité de la loi de 1985 : circulation d’un tramway sur une « voie propre »
Mots-clefs : Accident de la circulation, Victime, Indemnisation, Tramway, Force majeur (non), Voir propre, Loi 5 juillet 1985
Un tramway qui traverse un carrefour ouvert aux autres usagers de la route ne circule pas sur une voie qui lui est propre.
Un camion de pompier a franchi la voie réservée au tramway sans respecter le feu rouge qui lui en interdisait le passage et coupé brusquement la trajectoire d’un tramway au moment où celui-ci arrivait à sa hauteur. L’assurance des sapeurs-pompiers, après avoir indemnisé le conducteur du camion, grièvement blessé dans l’accident, a tenté d’obtenir le remboursement des prestations versées. Appliquant l’article 1384, alinéa 1er du Code civil, les juges du fond l’ont déboutée de sa demande. Ils ont en effet considéré que le comportement de la victime était constitutif d’un cas de force majeure. Dans son pourvoi dirigé contre cet arrêt, l’assureur a fait valoir que la faute de la victime ne revêtait pas les caractères de la force majeure, à défaut d’imprévisibilité.
La question de l’applicabilité de la loi du 5 juillet 1985 n’avait ainsi pas été envisagée, les juges du fond comme les parties estimant manifestement qu’elle était exclue. C’est donc sur un moyen relevé d’office qu’elle est entrée dans le débat.
Selon l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985, celle-ci ne s’applique pas, notamment, aux tramways circulant sur des voies qui leur sont propres. Cette notion de « voies propres » n’étant pas définie par la loi, la jurisprudence a tenté de la délimiter.
C’est ainsi qu’elle considère qu’une voie matériellement séparée de la voie normale de circulation est une voie propre. L’application de la loi de 1985 ne régit donc pas l’accident impliquant un tramway circulant sur une voie ferrée implantée sur la chaussée qui lui était réservée, délimitée d’un côté par un trottoir et de l’autre par une ligne blanche (Civ. 2e, 18 oct. 1995).
Qu’en est-il cependant lorsque le tramway traverse un carrefour ouvert aux autres usagers de la route ?
C’est à cette question que répond la Cour de cassation dans cet arrêt du 16 juin 2011.
Ainsi, c’est au visa de l’article 1er de la loi de 1985 que la Cour de cassation censure les juges du fond au motif « qu’un tramway qui traverse un carrefour ouvert aux autres usagers de la route ne circule pas sur une voie qui lui est propre ».
Le partage, ne serait-ce que brièvement, de la même aire de circulation entre les tramways et les « autres usagers de la route » (voitures, camions, vélos, piétons…) emporte donc application de la loi de 1985.
L’indemnisation des victimes d’accidents survenus dans ces conditions est par conséquent régie par celle-ci. Sur ce point, on rappellera simplement que, si le sort réservé aux victimes non conductrices est enviable, l’article 3 disposant que seule leur faute inexcusable, cause exclusive de l’accident, peut leur être opposée, tel n’est pas le cas des victimes conductrices dont la (simple) faute a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages subis (art. 4).
En l’espèce, où la victime était le conducteur du camion accidenté, il n’y avait donc pas lieu de s’interroger sur le point de savoir si sa faute était ou non constitutive d’un cas de force majeure, puisque son indemnisation n’était pas soumise au droit commun de l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil. Statuant sur le fondement de la loi de 1985, il appartiendra en revanche à la cour de renvoi de qualifier son comportement de fautif et de réduire (voire d’exclure) son indemnisation à hauteur de la gravité de sa faute.
Civ. 2e, 16 juin 2011, n° 10-19.491, FS-P+B
Références
« Au sens large, tout événement imprévisible et insurmontable empêchant le débiteur d’exécuter son obligation; la force majeure est exonératoire.
Au sens étroit, la force majeure s’oppose au cas fortuit; elle est un événement non seulement imprévisible et insurmontable mais encore d’origine externe, absolument étranger à la personne du débiteur (force de la nature, fait du prince, fait d’un tiers).
La Cour de cassation n’exige plus la condition d’extériorité, en matière contractuelle du moins; elle admet qu’il y a force majeure lorsque le débiteur a été empêché d’exécuter par la maladie, dès lors que cet événement présentait un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et était irrésistible dans son exécution. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
« On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.
Cette disposition ne s'applique pas aux rapports entre propriétaires et locataires, qui demeurent régis par les articles 1733 et 1734 du code civil.
Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.
Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ;
Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.
La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère et les artisans ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur, à l'instance. »
■ Loi n°85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation : extraits du chapitre Ier « Indemnisation des victimes d'accidents de la circulation »
« Les dispositions du présent chapitre s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres. »
« Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident.
Les victimes désignées à l'alinéa précédent, lorsqu'elles sont âgées de moins de seize ans ou de plus de soixante-dix ans, ou lorsque, quel que soit leur âge, elles sont titulaires, au moment de l'accident, d'un titre leur reconnaissant un taux d'incapacité permanente ou d'invalidité au moins égal à 80 p. 100, sont, dans tous les cas, indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis.
Toutefois, dans les cas visés aux deux alinéas précédents, la victime n'est pas indemnisée par l'auteur de l'accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu'elle a volontairement recherché le dommage qu'elle a subi. »
« La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis. »
■ Civ. 2e, 18 oct. 1995, n° 93-19.146.
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