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Application de la loi du 5 juillet 1985 à l'incendie provoqué par un véhicule en stationnement
Mots-clefs : Accident de la circulation, Loi du 5 juillet 1985, Responsabilité, Incendie, Véhicule à l'arrêt
La loi du 5 juillet 1985 s'applique à l'incendie provoqué par un véhicule en stationnement, moteur arrêté, dont l'origine résulte d'une défectuosité des organes nécessaires ou utiles à son déplacement.
La loi no 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation doit-elle s'appliquer à la réparation des dommages causés par l'incendie d'un camion en stationnement, moteur arrêté ?
D'instinct, le néophyte serait tenté de répondre négativement, tant cette hypothèse paraît éloignée de l'imagerie de tôle froissée que l'esprit attache spontanément à l'expression « accident de la circulation » au sens courant. L'apprenti juriste doit néanmoins se méfier du fossé qui sépare le langage courant du langage juridique. La délimitation du champ d'application de la loi précitée en offre l'une des illustrations les plus symptomatiques. En effet, après avoir refusé, dans un premier temps, d'appliquer ce texte en présence de dommages provoqués par l'incendie d'un véhicule terrestre à moteur en stationnement (Civ. 2e, 26 mai 1992), la Cour de cassation a nettement adopté la position opposée en décidant que « l'incendie provoqué par un véhicule terrestre à moteur, ce dernier fût-il en stationnement, est régi par les dispositions de la loi du 5 juillet 1985, et non par celles de l'article 1384, alinéa 2, du code civil » (Civ. 2e, 22 nov. 1995 – V. depuis Civ. 2e, 8 janv. 2009).
En l'espèce, un incendie s'était déclaré dans un camion réfrigéré stationné, moteur arrêté, sur un quai de déchargement, et dont le groupe frigorifique était raccordé à l'installation électrique de l'entrepôt voisin. Le feu s'est propagé à un autre véhicule, puis au bâtiment lui-même abritant les locaux d'un centre de remise en forme. Les exploitants de ce dernier, ayant vu leur bail résilié en raison de la destruction de l'immeuble, ont cherché réparation de leur préjudice auprès de la société locataire de longue durée du camion dans lequel l'incendie s'était déclaré.
Condamnées par les juges du fond à indemniser les demandeurs de leur préjudice, la société défenderesse et son assureur se pourvoient en cassation, contestant l'application au litige des dispositions de la loi du 5 juillet 1985. Selon le moyen, l'incendie à l'origine de l'affaire ne pouvait relever du champ d'application de la loi de 1985 dès lors qu'il avait été causé par un accessoire simplement utile, et non pas nécessaire, à la circulation du véhicule immobile. L'expertise diligentée avait en effet abouti à la conclusion que le sinistre était résulté du dysfonctionnement d'un câble assurant la distribution de l'éclairage interne du véhicule ou d'un fil relié au tableau de bord.
En portant le débat sur ce terrain, les demandeurs au pourvoi se référaient manifestement à une jurisprudence qui met un frein à l'extension du champ d'application de la loi de 1985 en l'écartant lorsque l'incendie a trouvé sa source dans un accessoire, un élément d'équipement étranger à la fonction de déplacement du véhicule (Civ. 2e, 3 mai 2006). L'analogie que prétendait exploiter le moyen n'était donc pas dénuée de toute pertinence : la simple « utilité » du matériel mis en cause par l'expertise au regard de la fonction de déplacement du camion devait exclure l'implication de ce dernier dans un accident de la circulation au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985.
La Cour de cassation refuse néanmoins de suivre le pourvoi dans le raffinement d'une telle distinction, et préfère se retrancher derrière le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond : en retenant que le sinistre avait trouvé son origine dans une défectuosité des organes nécessaires ou utiles au déplacement du véhicule, la cour d'appel déduit à bon droit de ces constatations que celui-ci était impliqué dans un accident de la circulation au sens de la loi de 1985.
Civ. 2e, 13 sept. 2012, no 11-13.139
Références
« On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.
Cette disposition ne s'applique pas aux rapports entre propriétaires et locataires, qui demeurent régis par les articles 1733 et 1734 du code civil.
Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.
Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés;
Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.
La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère et les artisans ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur, à l'instance.»
■ Article 1 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation
« Les dispositions du présent chapitre s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres. »
■ Civ. 2e, 26 mai 1992, no 90-21.545, Bull. civ. II, no 150, D. 1993. 375, 2e esp., note Dagorne-Labbe, RTD civ. 1992. 774, obs. Jourdain.
■ Civ. 2e, 22 nov. 1995, no 94-10.046, D. 1996. 163, note Jourdain ; JCP 1996. II. 22656, note Mouly.
■ Civ. 2e, 3 mai 2006, no 04-17.724, D. 2006. IR 1404 ; RTD civ. 2006. 575, obs. Jourdain.
■ Civ. 2e, 19 oct. 2006, RTD civ. 2007. 133, obs. Jourdain.
■ Paris, 4 avr. 2006, RG no 04/19628.
■ Civ. 2e, 8 janv. 2009, no 08-10.074, D. 2009. AJ 228, obs. Gallmeister ; LPA 18 juin 2009, note Ondo ; RCA 2009, comm. no 71, obs. Vignon-Barrault ; RLDC 2009/59, no 3377, obs. Bugnicourt.
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