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Droit des obligations
Appréciation de la date de connaissance d’un vice caché dans une chaîne de contrats : la première chambre civile s’aligne sur la chambre commerciale
Il se déduit des articles 1641, 1642 et 1645 du Code civil que la garantie des vices cachés accompagne, en tant qu’accessoire, la chose vendue et que lorsque l’action en garantie des vices cachés est exercée à l’encontre du vendeur originaire à raison d’un vice antérieur à la première vente, la connaissance de ce vice s’apprécie à la date de cette vente dans la personne du premier acquéreur qui, s’il est professionnel, est présumé connaître le vice, cette présomption étant irréfragable. Encourt la cassation pour défaut de base légale la cour d’appel qui, examinant l’action en garantie des vices cachés du sous-acquéreur contre le vendeur originaire, n’a pas recherché, comme il le lui incombait, si le premier acquéreur avait connaissance du vice affectant le bien en cause lors de son achat.
Civ. 1re, 3 sept. 2025, n° 24-11.383
Bien qu’elle repose sur la théorie classique de l’accessoire, la mise en œuvre de la garantie des vices cachés dans les chaînes de contrats continue de poser des difficultés à certaines juridictions du fond, comme en témoigne la présente décision qui précise, dans le prolongement d’un arrêt rendu l’année dernière par la chambre commerciale (Com. 16 oct. 2024, n° 23-13.318), l’office du juge concernant la date d’appréciation du vice caché en cas de ventes successives.
Pour simplifier les faits, un véhicule neuf est acheté par A auprès d’un fabricant. A le vend à B. Puis A reprend le véhicule et le revend à C. C le revend finalement à D.
À la suite d'une fuite d'huile, une expertise judiciaire est ordonnée à la demande de D, au contradictoire de C et A, lesquels sont assignés au fond au titre de la garantie des vices cachés.
Le tribunal judiciaire prononce la résolution de la vente entre A et C et la restitution du véhicule par D à A, qui est condamné à verser à D la restitution du prix de vente.
A (vendeur originaire) interjette appel du jugement.
La Cour d’appel le condamne à indemniser D (sous-acquéreur), après avoir constaté l'existence d'un vice caché antérieur à la vente conclue entre A et C, tenant dans la dégradation du moteur imputable à un défaut d'entretien qu'un acheteur non professionnel (D) n’est pas en mesure de déceler en sorte que D « ne pouvait imaginer le défaut de fiabilité du moteur » (pt n°10).
A forme un pourvoi en cassation pour soutenir que dans une chaîne de ventes successives, le caractère caché du vice doit être apprécié dans la relation contractuelle entre le vendeur originaire et le vendeur intermédiaire, peu important que l'action en garantie soit exercée par le sous-acquéreur.
La première chambre civile devait ainsi déterminer celui des acquéreurs à l’égard duquel apprécier la connaissance d’un vice caché antérieur à la vente initiale.
Au triple visa des articles 1641, 1642, 1645 du Code civil, les Hauts magistrats cassent la décision rendue au fond. Après avoir rappelé que la garantie des vices cachés accompagne, en tant qu'accessoire, la chose vendue, ils affirment que lorsque l'action en garantie des vices cachés est exercée à l'encontre du vendeur originaire (A) à raison d'un vice antérieur à la première vente, la connaissance de ce vice s'apprécie à la date de cette vente dans la personne du premier acquéreur (C) qui, s'il est un professionnel, est présumé connaître le vice. La Cour d’appel aurait donc dû rechercher si le premier acquéreur (C) avait connaissance du vice au moment de son achat, étant précisé que lorsque ce dernier a la qualité de professionnel, cette connaissance est présumée irréfragablement.
La solution se fonde sans surprise sur la théorie de l’accessoire. Il est acquis, en effet, que l’action en garantie des vices cachés constitue un accessoire de la chose vendue en sorte que dans une chaîne de ventes, cette action se transmet avec la chose d’acquéreur en acquéreur.
Partant, l’acquéreur final (D) exerce contre le vendeur initial (A) une action qui lui a été transmise avec le bien vendu par l'acquéreur initial (C). Ce qui justifie la cassation de la décision des juges du fond, prononcée aux termes d’un ferme attendu de principe : « lorsque l’action en garantie des vices cachés est exercée à l’encontre du vendeur originaire à raison d’un vice antérieur à la première vente, la connaissance de ce vice s’apprécie à la date de cette vente dans la personne du premier acquéreur ». (pt n°9). Ainsi, le sous-acquéreur ayant reçu l’action en garantie, accessoire de la chose, exerce cette action comme le ferait son auteur, le premier acquéreur, si bien qu’en l’espèce, malgré sa qualité de profane et son ignorance du vice lors de sa propre acquisition, le sous-acquéreur du véhicule ne pouvait prétendre au caractère caché du vice en raison de son apparence aux yeux de l’acquéreur initial, irréfragablement présumé, par sa qualité de professionnel de l’automobile, connaître le vice.
À noter que la première chambre civile s’aligne ainsi sur la solution retenue par la Chambre commerciale le 16 octobre 2024 (Com., 16 oct.2024, préc.) pour aboutir à la même conclusion : peu importe que l'acquéreur final (profane ou professionnel) ait connaissance ou non du vice lors de son acquisition.
Référence :
■ Com. 16 oct. 2024, n° 23-13.318 : DAE, 21 nov.2024, note Merryl Hervieu ; D. 2025. 283, note H. Gourdy ; RTD civ. 2025. 110, obs. P.-Y. Gautier ; RTD com. 2024. 991, obs. B. Bouloc
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