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[ 21 novembre 2024 ] Imprimer

Droit des obligations

Appréciation de la date de connaissance d’un vice caché dans une chaîne de contrats

Dans une chaîne de contrats translative de propriété, la connaissance qu’a le sous-acquéreur du vice de la chose au moment de son acquisition est indifférente pour apprécier le bien-fondé de son action en garantie des vices cachés contre le vendeur originaire.

Com. 16 oct. 2024, n° 23-13.318 P

Nul n’ignore que par définition, la garantie des vices cachés ne peut couvrir les vices apparents de la chose vendue. Sur ce point, la loi ne laisse guère de place au doute : en effet, l’article 1642 du Code civil dispose expressément que « (l)e vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ». Cette limite légale posée à la garantie du vendeur revêt une importance cardinale en présence d’une chaîne de contrats, comme en témoigne la décision rapportée.

Au cas d’espèce, un véhicule automobile avait fait l’objet de plusieurs contrats : une première vente conclue entre Land Rover France et une société Grim, une seconde entre les sociétés Grim et Cofica Bail, puis un crédit-bail avec option d’achat entre les sociétés Cofica et BF1. En raison de désordres constatés sur le véhicule, un expert judiciaire avait conclu, le 26 juin 2019, à l’existence d’un vice caché du véhicule. Informé de cette conclusion, le crédit-preneur avait néanmoins, à l’expiration de son crédit-bail, levé l’option d’achat du véhicule, le 6 septembre 2019. Par la suite, les 18 octobre et 26 décembre suivants, il avait assigné les sociétés Grim et Land Rover sur le fondement de la garantie des vices cachés. Il ne pouvait en revanche invoquer cette garantie contre son vendeur immédiat (Cofica), ayant connu le vice lors de la levée de l’option.

Cette impossibilité d’agir en garantie contre son cocontractant laissait toutefois en suspens la question de savoir si, malgré sa connaissance du vice, il gardait la possibilité d’agir en garantie contre les deux autres vendeurs du véhicule litigieux. La Cour d’appel y avait répondu par la négative ; pour les juges du fond, le fait que le sous-acquéreur ait acquis le véhicule en connaissance de cause excluait la garantie des vices cachés. C’était faire, dans ce contexte contractuel, une lecture trop rapide de l’article 1642 du Code civil, hâte qui présentait deux inconvénients : le premier, d’ordre pratique, tient dans ce que le vendeur initial se voit ainsi soustrait à la garantie des vices cachés au seul motif que le bien a été revendu, ce qui contredit l’effet translatif du contrat de vente en vertu duquel la revente du bien laisse en principe inchangée la situation du vendeur originaire ; le second, d’ordre théorique, tient dans la méconnaissance de la théorie de l’accessoire, selon laquelle l’action en garantie des vices cachés constitue un accessoire de la chose et se transmet avec elle d’acquéreur en acquéreur. En vertu de cette théorie, l’acheteur final exerce contre le vendeur initial une action qu’il emprunte à l’acheteur initial. Partant, dès lors que l’acheteur initial peut exercer l’action en garantie des vices cachés, il transmet nécessairement cette action à l’acheteur final.

Ce qui justifie la cassation de la décision des juges du fond : « lorsque l’action en garantie des vices cachés est exercée à l’encontre du vendeur originaire à raison d’un vice antérieur à la première vente, la connaissance de ce vice s’apprécie donc à la date de cette vente dans la personne du premier acquéreur ». Le sous-acquéreur qui a reçu l’action en garantie, attachée à la chose, l’exerce comme son auteur si bien qu’en l’espèce, malgré sa connaissance du vice lors de sa propre acquisition, le sous-acquéreur du véhicule pouvait exciper de l’action rédhibitoire à l’encontre du vendeur initial, l’action en garantie des vices cachés ayant suivi le bien en tant qu’accessoire de la chose vendue.

La théorie de l’accessoire permet ainsi de lever l’obstacle de l’apparence du vice pour le sous-acquéreur qui, bien qu’ayant connu le vice au moment de l’achat, peut agir en garantie contre le vendeur initial du bien.

 

Auteur :Merryl Hervieu

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