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Droit du travail - relations individuelles
Appréciation de la faute grave au vu de la personnalité du salarié dans l’entreprise
Mots-clefs : Salarié, Ébriété, Santé, Sécurité, Faute grave, Appréciation, Ancienneté, Précédent (non), Répercussion (non)
La faute grave n’est pas caractérisée lorsque les faits reprochés au salarié, appréciés en tenant compte de son ancienneté, n’ont fait l’objet d’aucun précédent et n’ont eu aucune répercussion sur la qualité du travail ni sur le fonctionnement normal de l'entreprise.
Un responsable hiérarchique et un responsable sécurité d’une entreprise constatent qu’à son retour de pause déjeuner un salarié, qui occupe un poste requérant l’utilisation de machines dangereuses, présente toutes les caractéristiques d’une personne sous l’emprise d’un état alcoolique.
Conformément au règlement intérieur de l’établissement qui prévoit la possibilité d’imposer des contrôles d’alcoolémie sur les employés occupés à des travaux dangereux « dans les cas où l’imprégnation alcoolique peut constituer un danger », l’homme se soumet à un contrôle qui s’avère positif et est, de ce fait, licencié pour faute grave.
La faute grave était-elle caractérisée en l’espèce ?
La notion de faute grave est définie par la Haute cour comme celle « qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise » (Soc. 27 sept. 2007). La qualification de faute grave relève de l’appréciation du juge et nécessite que soit reprochée au salarié une violation de ses obligations contractuelles.
Sur le fondement de l’article L. 4122-1 du Code du travail, qui dispose qu’ « il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail », l’employeur soulignait que l’état d’ébriété du salarié avait mis en danger la santé des autres salariés et constituait un manquement grave à la discipline et à la sécurité de l’entreprise. Son maintien dans l’entreprise n’était donc plus possible (v. faute grave caractérisée en cas de non-respect des consignes de sécurité : Soc. 23 mars 2005 ; Soc. 1er juill. 2008).
À la vue de ces éléments, les juges du fond estimèrent que si les faits constituaient bien une cause réelle et sérieuse de licenciement, la qualification de faute grave ne pouvait être retenue. Prenant en compte l’ancienneté du salarié dans l’entreprise, le fait qu’aucun événement similaire ne lui avait été reproché dans le passé et que cette faute n’avait eu aucune répercussion ni sur la qualité du travail ni sur le fonctionnement de l’entreprise, ils accueillirent alors les diverses demandes d’indemnités auxquelles un salarié peut avoir le droit lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave (art. L. 1234-1 et L. 1234-5 C. trav.).
Cette solution fut confirmée par la Haute cour qui rejeta le pourvoi formé par l’employeur. Elle illustre une fois de plus le principe selon lequel la qualification de faute grave qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise relève du pouvoir du juge (v. pour un contrôle de qualification effectué par la Cour de cassation : Soc. 18 juill. 2005) qui doit apprécier les faits en tenant compte de la personnalité du salarié dans l’établissement (v. déjà sur la prise en compte de l’ancienneté et l’absence de précédent : Soc. 13 juin 1990 ; de même, ne constitue pas une faute grave le fait isolé dans quatorze ans de carrière d’une veilleuse de nuit de s’endormir pendant son service : Soc. 3 juin 1997).
Soc. 8 juin 2011, n° 10-30.171 (second moyen) joint au pourvoi n°10-30. 162
Références
« • Faute grave : la faute grave du salarié, appréciée par les tribunaux et contrôlée par la Cour de cassation, est, selon cette dernière, un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié pendant la durée du préavis. Elle permet à l’employeur de renvoyer le salarié sans préavis et sans indemnités de licenciement.
• Faute lourde : la faute lourde est celle qui traduit la volonté du salarié de nuire à l’employeur. Elle emporte les mêmes effets que la faute grave dans le domaine du licenciement et est en outre privative de l’indemnité compensatrice de congés payés. Seule la faute lourde expose un gréviste qui l’aurait commise à un licenciement pour motif disciplinaire. D’après la Cour de cassation, elle est aussi la seule qui mette en jeu la responsabilité pécuniaire du salarié qui s’en est rendu coupable dans l’exécution de ses obligations. »
« Document écrit, émanant du chef d’entreprise, qui contient exclusivement les mesures d’application de la réglementation en matière d’hygiène et de sécurité, les règles générales et permanentes relatives à la discipline et notamment la nature et l’échelle des sanctions, les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés susceptibles d’être sanctionnés, les dispositions légales du Code du travail relatives au harcèlement sexuel et au harcèlement moral. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Code du travail
« Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :
1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;
2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;
3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié. »
« Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.
L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2. »
« Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.
Les instructions de l'employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir.
Les dispositions du premier alinéa sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l'employeur. »
■ Soc. 27 sept. 2007, RDT 2007. 650, obs. Auzero.
■ Soc. 23 mars 2005, D. 2005. 1758, note Gaba.
■ Soc. 1er juill. 2008, RDT 2008. 750, obs. Véricel.
■ Soc. 18 juill. 2005, n°03-46.504.
■ Soc. 13 juin 1990, n°88-42.919.
■ Soc. 3 juin 1997, n°95-41.226.
■ E. Dockès, J. Pélissier, G. Auzero, Droit du travail, 25e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2010, n°555 et s.
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