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Droit pénal général
Assassinat ou violences mortelles? Tout est dans l’intention !
Mots-clefs : Infraction, Élément moral, Animus necandi, Contradiction de motifs, Meurtre, Intention de tuer
La chambre criminelle censure de la décision de la chambre de l'instruction de la cour d'appel pour contradiction de motifs, les juges d’appel n’ayant pas tiré les conséquences de leurs propres constatations.
L’affaire soumise à la chambre criminelle prend naissance dans un règlement de compte entre adolescents. Une jeune fille avait demandé à son cousin d'intervenir à la suite d'une altercation qui l'avait opposée à l’un de ses camarades lors d'un cours de sport. Ledit cousin s’est donc rendu en compagnie d’un ami devant le lycée pour agresser l’adolescent âgé de seize ans. À la suite du décès de ce dernier consécutif aux violences exercées notamment, à l'aide d'un couteau, les deux individus ont été interpellés puis mis en examen du chef d'assassinat. La jeune fille, qui avait sollicité leur intervention, a été mise en examen du chef de complicité de ce crime. À l’issue de l'information, le juge d'instruction, a renvoyé les intéressés devant la cour d'assises des mineurs, des chefs d'assassinat et complicité d'assassinat. Infirmant partiellement la première décision, la chambre de l'instruction les a renvoyés devant la juridiction de jugement, non sous la qualification d’assassinat et complicité d’assassinat mais sous la qualification de coups mortels aggravés, et complicité de ce crime, déniant la caractérisation de l’intention homicide, nécessaire pour qualifier le meurtre avec préméditation.
La décision est censurée par la chambre criminelle pour contradiction de motifs. Elle reproche aux juges d’appel de n’avoir pas tiré les conséquences de leurs propres constatations. En effet, ils ne pouvaient écarter l’homicide volontaire et qualifier de coups de mortels les faits en retenant d’une part, que le prévenu « a utilisé un couteau dont la lame, par sa longueur, pouvait provoquer la mort », et a frappé sciemment au niveau du thorax, qui constitue une zone vitale », tout admettant d’autre part, que « l'intention d’homicide, contestée par les mis en examen, ne résultait d'aucun élément du dossier ».
Comme le rappelle avec évidence le professeur Mayaud, « l'auteur d'un meurtre se défendra toujours de ne pas avoir voulu la mort de la victime, même s'il avait l'intention d'attenter à son intégrité physique » (Mayaud, rép. pén, meurtre n° 64). Au-delà de la volonté des actes violences, la présence ou l’absence d’une intention homicide, comprise comme la volonté de tuer (Crim. 8 janv. 1991, n° 90-80.075), permet notamment de distinguer le meurtre d'autres infractions ayant également la mort pour résultat tel que les violences mortelles. Dans ce dernier cas, les coups et de blessures volontairement exercés ont pour résultat la mort alors qu'elle n'a pas été voulue par l'auteur de l'infraction.
La preuve directe de l’animus necandi, est complexe à établir en soi, voire impossible. La jurisprudence a donc établi une méthode inductive, basée sur le comportement de l’auteur. Ainsi, « la Cour de cassation veille à ce que l'intention meurtrière soit restituée à partir de circonstances suffisamment expressives de sa réalité » (Mayaud, préc.). Dans cette perspective, elle reconnaît que l’utilisation d’une arme dangereuse et l’atteinte dans un endroit particulièrement vulnérable du corps constituent des charges suffisantes de l'existence de l'animus necandi (Crim. 5 févr. 1957. Crim. 13 nov. 1990, n° 90-85.438. Crim. 18 juin 1991, n° 91-82.033.Crim. 6 janv. 1993, n° 92-83.316).
En l’espèce, les juges du fond relevaient deux éléments significatifs d’une volonté meurtrière : l’usage d’un couteau dont la lame, par sa longueur, pouvait provoquer la mort, et la zone vitale frappée sciemment. Ces éléments permettent de présumer cette intention. Les juges du fond ne pouvaient donc pas dans le même temps affirmer que cette intention ne résultait d'aucun élément du dossier sans se contredire !
La Cour suprême n'affirme pas l'intention meurtrière dans cet arrêt. Loin de là. La présomption d’animus necandi établie par les juridictions d’instruction ne préjuge pas de la décision relevant de la souveraineté de la cour de renvoi, à qui reviendra de dire si, oui ou non, une telle intention peut être retenue.
Crim. 15 mars 2017, n° 16-87.694
Références
■ V. fiche d’orientation Dalloz : Élément moral de l’infraction
■ Crim. 8 janv. 1991, n° 90-80.075 P, RSC 1991. 760, obs. G. Levasseur ; ibid. 1992. 748, obs. G. Levasseur ; ibid. 1993. 100, obs. G. Levasseur.
■ Crim. 5 févr. 1957, Bull. crim., n° 110.
■ Crim. 13 nov. 1990, n° 90-85.438 P, RSC 1991. 345, obs. G. Levasseur.
■ Crim. 18 juin 1991, n° 91-82.033, RSC 1992. 73, obs. G. Levasseur.
■ Crim. 6 janv. 1993, n° 92-83.316, RSC 1993. 773, obs. G. Levasseur.
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