Actualité > À la une
À la une
Droit des personnes
Assurance-vie du majeur protégé : seul le tuteur peut demander le changement de bénéficiaire
Mots-clefs : Droit des personnes, Incapacités, Majeurs protégés, Tutelle, Représentation, Assurance-vie, Actes soumis à autorisation, Demande d’autorisation, Qualité pour agir
Il résulte des articles 496, 502 et 505 du Code civil que le tuteur a seul qualité pour représenter la personne protégée dans la gestion de son patrimoine et, à cette fin, solliciter les autorisations du juge des tutelles pour les actes qu’il ne peut accomplir seul.
Seul le tuteur est autorisé à demander au juge des tutelles de modifier les clauses de désignation des contrats d’assurance-vie souscrits par le tutélaire, tel est l’enseignement de la décision rapportée.
En l’espèce, la souscriptrice de deux contrats d’assurance-vie avait été placée d’abord sous sauvegarde de justice, depuis septembre 2008, ensuite sous curatelle et enfin, à partir de mars 2010, sous tutelle. Avant la mise en œuvre de ces mesures, elle avait désigné deux bénéficiaires pour les contrats d’assurance-vie, également institués légataires universels par testament. En octobre 2008, son compagnon avait à son tour été institué légataire universel, en révocation des dispositions antérieures. Trois ans plus tard, ce dernier demanda au juge des tutelles d’autoriser le tuteur à intervenir auprès des établissements financiers afin de faire modifier la clause bénéficiaire des deux contrats d’assurance-vie à son profit.
La cour d’appel le débouta de sa demande au motif que laisser la situation inchangée se révélait conforme à l’intérêt de la tutélaire quoique celle-ci fut privée, dès l’époque de la souscription des contrats litigieux, de toutes ses facultés mentales.
Au soutien de son pourvoi en cassation, le demandeur invoqua précisément ce fait pour contester le rejet de sa demande.
Par substitution de motif, la Haute cour rejette pourtant son pourvoi au visa des articles 496, 502 et 505 du Code civil, dont elle déduit le principe selon lequel le tuteur a seul qualité pour représenter la personne protégée dans la gestion de son patrimoine et, à cette fin, pour solliciter les autorisations du juge des tutelles pour les actes qu’il ne peut accomplir seul. En conséquence de cette règle, le demandeur devait donc être reconnu comme n’ayant pas qualité pour saisir le juge des tutelles d’une demande tendant à la modification, à son profit, de la clause bénéficiaire des contrats d’assurance-vie litigieux.
La capacité de souscrire une assurance est régie par les dispositions de droit commun de l'article 1123 du Code civil. En principe, un majeur est capable et peut donc valablement consentir à la conclusion d'un contrat d'assurance. Seul le majeur protégé est soumis à un régime protecteur, variable selon les différentes mesures de protection prévues qu’illustre l’espèce rapportée.
Ainsi, un majeur placé sous sauvegarde de justice, dans la mesure où il conserve l'exercice de ses droits, est reconnu apte à souscrire une police d'assurance. Toutefois, son engagement est susceptible d’être rescindé en cas d'excès (C. civ., art. 1304).
Concernant le régime de la curatelle, l'assistance du curateur est requise par principe pour l'emploi des capitaux (C. civ., art. 510) ; dès lors, le curatélaire ne peut envisager de souscrire une police d'assurance-vie sans le concours de son curateur. En revanche, une assurance-dommages, parce qu'elle entre dans la catégorie des actes d'administration accomplis pour couvrir une éventuelle perte patrimoniale, peut valablement être conclue sans l’assistance du curateur (C. civ., art. 456).
Enfin, le majeur sous tutelle doit être représenté par son tuteur dans tous les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine. Toutefois, ce dernier accomplit seul tous les actes d'administration. Sauf à remettre en cause l’appartenance des contrats d’assurance à cette catégorie, le tuteur est donc le seul interlocuteur possible de l'assureur au cours du processus de conclusion du contrat. Mais c’est précisément là que se situe la difficulté, le législateur n'ayant pas jugé nécessaire de définir la notion d’acte conservatoire à l'article 496, alinéa 3 du Code civil, par lequel il se contente de déléguer au pouvoir réglementaire le soin d’établir une liste de ce type d’actes. Il convient donc de se référer au décret du 22 décembre 2008, désignant comme conservatoires les actes « qui permettent de sauvegarder le patrimoine ou de soustraire un bien à un péril imminent ou à une dépréciation inévitable sans compromettre aucune prérogative du propriétaire »(Décr. n° 2008-1484, 22 déc. 2008, art. 3, 1°).
Or, selon ce décret, si la conclusion d’un contrat d’assurance relève bien de cette catégorie, le changement de bénéficiaire d’une assurance-vie constitue un acte de disposition, défini comme celui qui engage le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire. La jurisprudence avait d’ailleurs, antérieurement à la réforme de 2007, déjà retenu cette qualification (Civ. 1re, 31 mars 1992 : la signature d'avenants modificatifs de la liste des bénéficiaires d'une assurance-vie ne constitue pas un acte conservatoire, même lorsqu’elle correspond à la volonté de la personne protégée, mais doit être qualifié d’acte de disposition).
En conséquence de cette qualification, la modification de la clause de désignation d’un contrat d’assurance-vie ne peut être opérée seul par le tuteur. Elle requiert, selon l’article 505 alinéa 1er du Code civil, l’autorisation du juge des tutelles. Et il ressort des termes de l’article 496 alinéa 1er du Code civil que le tuteur est le seul à pouvoir la solliciter, d’où l’irrecevabilité de la requête déposée, en l’espèce, par le compagnon de la personne protégée, lequel n’avait jamais été désigné comme le tuteur de celle-ci. Seul le tuteur est donc supposé être un ange…tutélaire !
Civ. 1re, 19 mars 2014, n°13-12.016
Références
■ Civ. 1re, 31 mars 1992, n° 90-20.385.
■ Code civil
« Le juge peut organiser la tutelle avec un conseil de famille si les nécessités de la protection de la personne ou la consistance de son patrimoine le justifient et si la composition de sa famille et de son entourage le permet.
Le juge désigne les membres du conseil de famille en considération des sentiments exprimés par la personne protégée, de ses relations habituelles, de l'intérêt porté à son égard et des recommandations éventuelles de ses parents et alliés ainsi que de son entourage.
Le conseil de famille désigne le tuteur, le subrogé tuteur et, le cas échéant, le tuteur ad hoc conformément aux articles 446 à 455.
Il est fait application des règles prescrites pour le conseil de famille des mineurs, à l'exclusion de celles prévues à l'article 398, au quatrième alinéa de l'article 399 et au premier alinéa de l'article 401. Pour l'application du troisième alinéa de l'article 402, le délai court, lorsque l'action est exercée par le majeur protégé, à compter du jour où la mesure de protection prend fin. »
« Le tuteur représente la personne protégée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine.
Il est tenu d'apporter, dans celle-ci, des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt de la personne protégée.
La liste des actes qui sont regardés, pour l'application du présent titre, comme des actes d'administration relatifs à la gestion courante du patrimoine et comme des actes de disposition qui engagent celui-ci de manière durable et substantielle est fixée par décret en Conseil d'État. »
« Le conseil de famille ou, à défaut, le juge statue sur les autorisations que le tuteur sollicite pour les actes qu'il ne peut accomplir seul.
Toutefois, les autorisations du conseil de famille peuvent être suppléées par celles du juge si les actes portent sur des biens dont la valeur en capital n'excède pas une somme fixée par décret. »
« Le tuteur ne peut, sans y être autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, le juge, faire des actes de disposition au nom de la personne protégée.
L'autorisation détermine les stipulations et, le cas échéant, le prix ou la mise à prix pour lequel l'acte est passé. L'autorisation n'est pas exigée en cas de vente forcée sur décision judiciaire ou en cas de vente amiable sur autorisation du juge.
L'autorisation de vendre ou d'apporter en société un immeuble, un fonds de commerce ou des instruments financiers non admis à la négociation sur un marché réglementé ne peut être donnée qu'après la réalisation d'une mesure d'instruction exécutée par un technicien ou le recueil de l'avis d'au moins deux professionnels qualifiés.
En cas d'urgence, le juge peut, par décision spécialement motivée prise à la requête du tuteur, autoriser, en lieu et place du conseil de famille, la vente d'instruments financiers à charge qu'il en soit rendu compte sans délai au conseil qui décide du remploi. »
« Le tuteur établit chaque année un compte de sa gestion auquel sont annexées toutes les pièces justificatives utiles.
A cette fin, il sollicite des établissements auprès desquels un ou plusieurs comptes sont ouverts au nom de la personne protégée un relevé annuel de ceux-ci, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou le secret bancaire.
Le tuteur est tenu d'assurer la confidentialité du compte de gestion. Toutefois, une copie du compte et des pièces justificatives est remise chaque année par le tuteur à la personne protégée lorsqu'elle est âgée d'au moins seize ans, ainsi qu'au subrogé tuteur s'il a été nommé et, si le tuteur l'estime utile, aux autres personnes chargées de la protection de l'intéressé.
En outre, le juge peut, après avoir entendu la personne protégée et recueilli son accord, si elle a atteint l'âge précité et si son état le permet, autoriser le conjoint, le partenaire du pacte civil de solidarité qu'elle a conclu, un parent, un allié de celle-ci ou un de ses proches, s'ils justifient d'un intérêt légitime, à se faire communiquer à leur charge par le tuteur une copie du compte et des pièces justificatives ou une partie de ces documents. »
« Toute personne peut contracter, si elle n'en est pas déclarée incapable par la loi. »
« Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.
Le temps ne court, à l'égard des actes faits par un mineur, que du jour de la majorité ou de l'émancipation ; et à l'égard des actes faits par un majeur protégé, que du jour où il en a eu connaissance, alors qu'il était en situation de les refaire valablement. Il ne court contre les héritiers de la personne en tutelle ou en curatelle que du jour du décès, s'il n'a commencé à courir auparavant. »
■ Article 3 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, et pris en application des articles 452, 496 et 502 du Code civil
« Les actes pour l'accomplissement desquels le curateur et le tuteur peuvent s'adjoindre le concours de tiers sont :
1° Les actes conservatoires qui permettent de sauvegarder le patrimoine ou de soustraire un bien à un péril imminent ou à une dépréciation inévitable sans compromettre aucune prérogative du propriétaire ;
2° Les actes d'administration énumérés dans la colonne 1 des tableaux constituant les annexes 1 et 2 du présent décret, sous réserve qu'ils n'emportent ni paiement ni encaissement de sommes d'argent par ou pour la personne protégée. »
Autres À la une
-
Introduction au droit
[ 14 janvier 2025 ]
Point sur le fait juridique
-
Introduction au droit
[ 13 janvier 2025 ]
Point sur les présomptions en droit de la preuve
-
[ 20 décembre 2024 ]
À l’année prochaine !
-
Droit du travail - relations collectives
[ 20 décembre 2024 ]
Salariés des TPE : à vous de voter !
-
Droit du travail - relations individuelles
[ 19 décembre 2024 ]
Point sur la protection de la maternité
- >> Toutes les actualités À la une