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Droit des obligations
Assurance-vie : la disparition du bénéficiaire rend sa désignation caduque
Mots-clefs : Assurance sur la vie, Désignation, Personne déterminée ; Acceptation, Irrévocabilité, Limite, Existence du bénéficiaire, Décès du bénéficiaire, Effets, Caducité de la désignation, Prestation assurée
Quoiqu’il ait accepté le bénéfice d’une assurance-vie de son vivant, le constat du décès du bénéficiaire au moment où le contrat va produire effet rend sa désignation caduque et le profit du contrat doit être versé à l’actif successoral du souscripteur.
Une femme avait souscrit six contrats d’assurance sur la vie au bénéfice de son frère. Après le décès de ce dernier, elle avait, par plusieurs avenants, désigné en qualité de bénéficiaires, à parts égales, sa nièce, fille du premier bénéficiaire, et son neveu, fils de son autre frère, antérieurement décédé. En effet, l'article L. 132-8, alinéa 6 du Code des assurances autorise que le bénéficiaire d’une assurance-vie soit désigné après la conclusion du contrat, notamment au moyen d'un avenant (V. déjà, à propos de la stipulation pour autrui en général, Civ., 28 déc. 1927: « lorsque la loi permet de stipuler utilement en faveur d'un tiers, il faut qu'il s'agisse d'un tiers dont il soit possible de déterminer l'individualité au jour où la condition doit recevoir effet, sans qu'il soit nécessaire de le désigner nominativement »). Après le décès de la souscriptrice, qui laissa pour seuls héritiers les bénéficiaires de l’assurance, la nièce de celle-ci avait demandé à être reconnue comme étant la seule bénéficiaire des six contrats. En première instance, sa demande fut accueillie. Le second bénéficiaire avait interjeté appel du jugement à l’effet de voir dire que ces contrats devaient, faute de clause de représentation, revenir à la succession de la souscriptrice. La cour d’appel confirma le jugement au motif que la stipulation en vertu de laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à un bénéficiaire déterminé devient, du fait de son acceptation, irrévocable (C. assur., art. L. 132-9), le contrat litigieux devait, malgré l’antériorité du décès du bénéficiaire à celui de la stipulante, être considéré comme entré dans le patrimoine de la fille unique du bénéficiaire. En effet, le droit du bénéficiaire contre le souscripteur étant, dès avant son acceptation, considéré comme étant entré dans son patrimoine, ce droit est, par principe, transmissible à cause de mort aux héritiers du bénéficiaire. Au visa des articles L. 132-9 et L. 132-11 du Code des assurances, la décision des juges du fond est cassée. Selon la Cour, « (…) il résulte de ces textes que si l'attribution à titre gratuit du bénéfice d'une assurance sur la vie à une personne déterminée devient irrévocable par l'acceptation du bénéficiaire, cette attribution est présumée faite sous la condition de l'existence du bénéficiaire à l'époque de l'exigibilité du capital ou de la rente garantie, à moins que le contraire ne résulte des termes d'une clause de représentation, à défaut, elle est caduque et le capital ou la rente garantie font partie du patrimoine ou de la succession du contractant ». En conséquence, quand bien même le bénéficiaire avait accepté le bénéfice de sa désignation, celle-ci était devenue caduque à la suite de son décès, en sorte que le capital garanti faisait partie de la succession de la souscriptrice.
Conformément à l’article L. 132-9 du Code des assurances, la stipulation en vertu de laquelle le bénéfice de l’assurance est attribué à un bénéficiaire déterminé devient, par l’acceptation de ce dernier, irrévocable. Acte unilatéral émanant du bénéficiaire, l'acceptation d'une stipulation pour autrui, figure contractuelle sur laquelle repose l’assurance-vie, est tout à fait distincte de l'acception d'une offre de contracter: en effet, le promettant n'est pas à l'origine d'une offre que le bénéficiaire accepterait ; la stipulation pour autrui fait naître directement un droit au profit du bénéficiaire que ce dernier consolide par son acceptation. Or en l’espèce, le premier bénéficiaire avait régulièrement accepté le bénéfice de l’assurance. Cependant, l’attribution à titre gratuit du bénéfice d’une assurance sur la vie à une personne déterminée est présumée faite sous la condition de l’existence du bénéficiaire à l’époque de l’exigibilité du capital ou de la rente garantie, autrement dit, au décès du souscripteur, à moins que le contraire ne résulte des termes de la convention. Allant de soi a priori, cette règle permet en vérité de résoudre la difficulté posée par l’absence, notamment causée par le décès, ou l’indétermination du bénéficiaire, au moment de l'exigibilité de la somme assurée. Dans ce cas, la jurisprudence décide de prononcer, sur le fondement de l’article L. 132-11 du Code des assurances, la caducité de la désignation et la réintégration du capital ou de la rente garantie dans l’actif successoral du souscripteur. En effet, la disposition précitée, expressément visée par la Cour, dispose que « lorsque l'assurance en cas de décès a été conclue sans désignation d'un bénéficiaire, le capital ou la rente garantis font partie du patrimoine ou de la succession du contractant », ce texte transposant à l’assurance-vie la règle générale posée par l'article 1122 du Code civil aux termes duquel « on est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et ayants cause, à moins que le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention ». C’est pourquoi s’il est admis qu'un bénéficiaire soit désigné au plus tard au moment où l’assurance-vie doit produire effet, le contrat doit, en l’absence de bénéficiaire, être considéré comme caduc et son bénéfice doit revenir au souscripteur. Il résulte en conséquence de ces textes que les actifs du contrat font partie de l'actif successoral du souscripteur. D’où l’intérêt de prévoir soit une clause de représentation soit un ou des bénéficiaires subsidiaires.
Civ. 2e, 10 septembre 2015, n° 14-20.017.
Références
■ Code des assurances
Article L. 132-8
« Le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l'assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés.
Est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la stipulation par laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à une ou plusieurs personnes qui, sans être nommément désignées, sont suffisamment définies dans cette stipulation pour pouvoir être identifiées au moment de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis.
Est notamment considérée comme remplissant cette condition la désignation comme bénéficiaires des personnes suivantes :
-les enfants nés ou à naître du contractant, de l'assuré ou de toute autre personne désignée ;
-les héritiers ou ayants droit de l'assuré ou d'un bénéficiaire prédécédé.
L'assurance faite au profit du conjoint profite à la personne qui a cette qualité au moment de l'exigibilité.
Les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l'assurance en proportion de leurs parts héréditaires. Ils conservent ce droit en cas de renonciation à la succession.
En l'absence de désignation d'un bénéficiaire dans la police ou à défaut d'acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre. Cette désignation ou cette substitution ne peut être opérée, à peine de nullité, qu'avec l'accord de l'assuré, lorsque celui-ci n'est pas le contractant. Cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire.
Lorsque l'assureur est informé du décès de l'assuré, l'assureur est tenu de rechercher le bénéficiaire, et, si cette recherche aboutit, de l'aviser de la stipulation effectuée à son profit.
Article L. 132-9
I.-Sous réserve des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 132-4-1, la stipulation en vertu de laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à un bénéficiaire déterminé devient irrévocable par l'acceptation de celui-ci, effectuée dans les conditions prévues au II du présent article. Pendant la durée du contrat, après acceptation du bénéficiaire, le stipulant ne peut exercer sa faculté de rachat et l'entreprise d'assurance ne peut lui consentir d'avance sans l'accord du bénéficiaire.
Tant que l'acceptation n'a pas eu lieu, le droit de révoquer cette stipulation n'appartient qu'au stipulant et ne peut être exercé de son vivant ni par ses créanciers ni par ses représentants légaux. Lorsqu'une tutelle a été ouverte à l'égard du stipulant, la révocation ne peut intervenir qu'avec l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s'il a été constitué.
Ce droit de révocation ne peut être exercé, après la mort du stipulant, par ses héritiers, qu'après l'exigibilité de la somme assurée et au plus tôt trois mois après que le bénéficiaire de l'assurance a été mis en demeure par acte extrajudiciaire, d'avoir à déclarer s'il accepte.
L'attribution à titre gratuit du bénéfice d'une assurance sur la vie à une personne déterminée est présumée faite sous la condition de l'existence du bénéficiaire à l'époque de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis, à moins que le contraire ne résulte des termes de la stipulation.
II.-Tant que l'assuré et le stipulant sont en vie, l'acceptation est faite par un avenant signé de l'entreprise d'assurance, du stipulant et du bénéficiaire. Elle peut également être faite par un acte authentique ou sous seing privé, signé du stipulant et du bénéficiaire, et n'a alors d'effet à l'égard de l'entreprise d'assurance que lorsqu'elle lui est notifiée par écrit.
Lorsque la désignation du bénéficiaire est faite à titre gratuit, l'acceptation ne peut intervenir que trente jours au moins à compter du moment où le stipulant est informé que le contrat d'assurance est conclu.
Après le décès de l'assuré ou du stipulant, l'acceptation est libre. »
Article L. 132-11
« Lorsque l'assurance en cas de décès a été conclue sans désignation d'un bénéficiaire, le capital ou la rente garantis font partie du patrimoine ou de la succession du contractant. »
■ Code civil
Article 1122
« On est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et ayants cause, à moins que le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention. »
■ Civ., 28 déc. 1927, DH 1928, p. 135.
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