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Droit des assurances
Assurance-vie : la modification du bénéficiaire peut s’effectuer par lettre simple
Mots-clefs : Assurance sur la vie, Désignation du bénéficiaire, Acte unilatéral de changement de bénéficiaire, Forme, Article 1328 du Code civil, Applicabilité (non)
L'article 1328 du Code civil, selon lequel les actes sous seing privé n'ont date certaine contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, n'est pas applicable aux contrats d'assurance et à leurs actes modificatifs.
L’assurance sur la vie se définit comme l’assurance de personne par laquelle, en échange de prime (unique, périodique ou viagère), l’assureur s’engage à verser au souscripteur ou au tiers qu’il aura désigné une somme déterminée (capital ou rente) en cas de décès de la personne assurée ou de sa survie, fixée à une date déterminée à partir de laquelle un capital ou une rente seront versés en cas de vie à échéance du contrat. Ce qui communément est appelé « assurance-vie », est un contrat d'assurance décès (capital versé en cas de décès avant le terme du contrat) avec « contre-assurance », c'est-à-dire le remboursement des primes versées pendant la durée du contrat en cas de vie de l'assuré au terme du contrat. Quasi-produit d'épargne, l'assurance-vie permet aussi de faire fructifier des fonds tout en poursuivant un objectif à long terme : la retraite, un investissement immobilier, etc. Elle offre aussi d'importants avantages fiscaux en matière de succession.
Le problème ici soulevé portait, plus techniquement, sur la forme de la désignation du bénéficiaire.
Un contrat d’assurance sur la vie avait, en l’espèce, été souscrit par un époux au profit de sa femme, avant que, par une simple lettre manuscrite, rédigée plus de dix ans plus tard, le souscripteur désignât ses enfants, et non plus son épouse, en qualité de bénéficiaires du contrat. L’épouse contestait la modification intervenue, se prévalant de son acceptation préalable de la clause bénéficiaire initiale la désignant. Invoquant la lettre, les enfants du couple avaient assigné leur mère aux fins de voir juger qu’elle ne pouvait plus prétendre au bénéfice du contrat. La cour d’appel fit droit à la demande des enfants, sur le fondement de l’article L. 132-9 du Code des assurances et au motif de la validité de la révocation opérée par le souscripteur de la clause bénéficiaire initiale au profit de ses enfants.
La mère forma un pourvoi en cassation. Elle invoquait l’applicabilité à l’acte modificatif de l’article 1328 du Code civil, selon lequel les actes sous seing privé n'ont de date certaine contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l'un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur substance est constatée dans les actes dressés par des officiers publics, tels que des procès-verbaux de scellé ou d'inventaire. Selon elle, l'acte unilatéral par lequel le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie modifie son bénéficiaire est soumis aux dispositions de cet article à l'égard des tiers non-signataires dudit acte, qualité qu’elle recouvrait, contrairement à ce qu’avaient jugé les juges du fond par refus d’application du texte, puisqu’elle n’avait pas signé l'acte de révocation, comme elle n'y avait souscrit d’aucune manière.
La Cour de cassation rejette son pourvoi au motif de pur droit que l'article 1328 du Code civil, selon lequel les actes sous seing privé n'ont date certaine contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, n'est pas applicable aux contrats d'assurance et à leurs actes modificatifs.
La désignation du bénéficiaire d’une assurance-vie se présente comme un acte unilatéral de volonté. Parce qu’elle n’influence pas le contenu ni la mesure des obligations des parties du contrat, elle se détache du contrat d'assurance. Sans caractère contractuel, la désignation est ainsi jugée valable en dehors de tout concours du bénéficiaire, quoique celui-ci doive accepter la stipulation pour lui faire produire ses effets (Civ., 25 avr. 1903). Aussi l'article L. 132-9-1 du Code des assurances est-il rédigé dans les termes les plus larges, indiquant que la clause bénéficiaire peut tant faire l'objet d'un acte authentique que d’un acte sous seing privé, l'article L. 132-8 du Code des assurances ouvrant encore davantage les supports possibles de la désignation, celle-ci pouvant être contenue dans une police d’assurance comme s'effectuer par avenant, par testament, ou encore par l’accomplissement des formalités édictées par l'article 1690 du Code civil relatif à la cession de créance soit, enfin, par testament.
De surcroît, les procédés de désignation prévus par le législateur n’étant pas limitatifs, d’autres ont été admis en jurisprudence, de manière parfois contraire aux intentions du législateur. Ainsi, alors qu’à s'en tenir aux travaux préparatoires de la loi d'origine (13 juill. 1930), la désignation ou la modification du bénéficiaire par simple lettre semblait devoir être écartée, la jurisprudence en a très tôt admis la validité (Cass. req., 1er juill. 1941). Ainsi la désignation du bénéficiaire peut-elle s'effectuer au moyen d'un courrier ordinaire adressé à l’assureur, à la seule condition d’être signé par le souscripteur. La modification du bénéficiaire peut également s'opérer de n'importe quelle manière. Ainsi la rédaction d'un avenant n’est-elle pas nécessaire à sa validité (Civ. 1re, 13 mai 1980; Civ. 1re, 6 mai 1997; Civ. 1re, 30 oct. 2008).
Selon la même logique, la décision rapportée vient préciser qu’une telle modification n’est pas soumise à l’article 1328 du Code civil, lequel prévoit, parmi les cas où l’acte sous signature privée acquiert date certaine à l’égard des tiers, l’hypothèse d’un enregistrement de l’acte auprès de l’administration. En revanche, une simple intention exprimée verbalement demeure inopérante si elle n'est pas confirmée par un écrit, même ordinaire (Civ. 1re, 19 mai 1999), dans la mesure où la volonté de modification du stipulant ne peut être ainsi exprimée d'une manière certaine et non équivoque.
Civ. 2e, 26 mars 2015, n°14-11.206
Références
■ Code des assurances
« Le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l'assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés.
Est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la stipulation par laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à une ou plusieurs personnes qui, sans être nommément désignées, sont suffisamment définies dans cette stipulation pour pouvoir être identifiées au moment de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis.
Est notamment considérée comme remplissant cette condition la désignation comme bénéficiaires des personnes suivantes :
-les enfants nés ou à naître du contractant, de l'assuré ou de toute autre personne désignée ;
-les héritiers ou ayants droit de l'assuré ou d'un bénéficiaire prédécédé.
L'assurance faite au profit du conjoint profite à la personne qui a cette qualité au moment de l'exigibilité.
Les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l'assurance en proportion de leurs parts héréditaires. Ils conservent ce droit en cas de renonciation à la succession.
En l'absence de désignation d'un bénéficiaire dans la police ou à défaut d'acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre. Cette désignation ou cette substitution ne peut être opérée, à peine de nullité, qu'avec l'accord de l'assuré, lorsque celui-ci n'est pas le contractant. Cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire.
Lorsque l'assureur est informé du décès de l'assuré, l'assureur est tenu de rechercher le bénéficiaire, et, si cette recherche aboutit, de l'aviser de la stipulation effectuée à son profit. »
« I.-Sous réserve des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 132-4-1, la stipulation en vertu de laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à un bénéficiaire déterminé devient irrévocable par l'acceptation de celui-ci, effectuée dans les conditions prévues au II du présent article. Pendant la durée du contrat, après acceptation du bénéficiaire, le stipulant ne peut exercer sa faculté de rachat et l'entreprise d'assurance ne peut lui consentir d'avance sans l'accord du bénéficiaire.
Tant que l'acceptation n'a pas eu lieu, le droit de révoquer cette stipulation n'appartient qu'au stipulant et ne peut être exercé de son vivant ni par ses créanciers ni par ses représentants légaux. Lorsqu'une tutelle a été ouverte à l'égard du stipulant, la révocation ne peut intervenir qu'avec l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s'il a été constitué.
Ce droit de révocation ne peut être exercé, après la mort du stipulant, par ses héritiers, qu'après l'exigibilité de la somme assurée et au plus tôt trois mois après que le bénéficiaire de l'assurance a été mis en demeure par acte extrajudiciaire, d'avoir à déclarer s'il accepte.
L'attribution à titre gratuit du bénéfice d'une assurance sur la vie à une personne déterminée est présumée faite sous la condition de l'existence du bénéficiaire à l'époque de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis, à moins que le contraire ne résulte des termes de la stipulation.
II.-Tant que l'assuré et le stipulant sont en vie, l'acceptation est faite par un avenant signé de l'entreprise d'assurance, du stipulant et du bénéficiaire. Elle peut également être faite par un acte authentique ou sous seing privé, signé du stipulant et du bénéficiaire, et n'a alors d'effet à l'égard de l'entreprise d'assurance que lorsqu'elle lui est notifiée par écrit.
Lorsque la désignation du bénéficiaire est faite à titre gratuit, l'acceptation ne peut intervenir que trente jours au moins à compter du moment où le stipulant est informé que le contrat d'assurance est conclu.
Après le décès de l'assuré ou du stipulant, l'acceptation est libre. »
« Le contrat comporte une information sur les conséquences de la désignation du ou des bénéficiaires et sur les modalités de cette désignation. Il précise que la clause bénéficiaire peut faire l'objet d'un acte sous seing privé ou d'un acte authentique. »
■ Code civil
« Les actes sous seing privé n'ont de date contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l'un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur substance est constatée dans les actes dressés par des officiers publics, tels que procès-verbaux de scellé ou d'inventaire. »
« Le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur.
Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique. »
■ Civ., 25 avr. 1903, DP 1904, 1, p. 150.
■ Cass. req., 1er juill. 1941 ; S. 1941, 1, p. 238.
■ Civ. 1re, 13 mai 1980, n° 79-10.053, Bull. civ. I, n° 146.
■ Civ. 1re, 6 mai 1997, n° 95-15.319, Bull. civ. I, n° 136, RCA 1997, comm. 278.
■ Civ. 1re, 30 oct. 2008, n°07-20.001.
■ Civ. 1re, 19 mai 1999, n° 96-20.156, Bull. civ. I, n° 161.
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