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Droit de la consommation
Assuré sinistré : son assureur peut être rassuré…
La clause d’un contrat d’assurance obligeant l’emprunteur à régler les échéances du prêt après la survenance du sinistre garanti tant que l’assureur n’a pas admis sa prise en charge et celle stipulant que la garantie prend fin à la déchéance du terme ne sont pas abusives.
Un emprunteur avait souscrit un prêt immobilier ; en garantie de son remboursement, il s’était porté caution solidaire en même temps qu’un établissement de crédit, et avait adhéré par l’intermédiaire d’un courtier à l’assurance de groupe de la banque. À la suite d’incidents de paiement, la banque avait prononcé la déchéance du terme, et vainement mis en demeure l’emprunteur et la caution de payer la somme restant due au titre du prêt. Après avoir désintéressé la banque, l’établissement de crédit avait assigné l’emprunteur en remboursement d’une partie des sommes versées que ce dernier, confronté à des difficultés financières causées par plusieurs arrêts de travail suivis d’une déclaration d’invalidité, n’était pas en mesure de payer. Après que son assureur lui eut refusé sa garantie et que sa banque, faute d’être remboursée, eut prononcé la déchéance du terme du prêt, l’emprunteur avait assigné la banque, l’assureur et le courtier en responsabilité.
Sa demande fut, en cause d’appel, rejetée. Au soutien de son pourvoi en cassation, l’emprunteur dénonça le caractère abusif des deux clauses litigieuses, d’une part, celle stipulant qu’en cas de sinistre, l’emprunteur reste tenu des échéances de son prêt tant que la société d’assurance n’a pas accepté de les prendre en charge, d’autre part, celle prévoyant que la garantie prend fin à la déchéance du terme. Selon le demandeur au pourvoi, le caractère abusif de la première réside dans le fait qu’elle décharge l’assureur de son obligation de garantie en contraignant l’assuré, qui subit le sinistre pour lequel il est assuré, à l’exécuter à sa place alors même que dans un tel cas, l’assuré n’est plus en mesure de satisfaire son obligation de paiement, raison pour laquelle il s’était précisément assuré ; quant à la seconde, son caractère abusif viendrait du fait qu’elle permet à l’assureur de se libérer de son obligation en raison de la survenance d’un événement, la déchéance du terme, qu’il peut lui-même provoquer, notamment dans le cas survenu en l’espèce, parce que l’assureur a tardé à accepter de prendre en charge le sinistre de son assuré alors que lui n’aura pas été en mesure de continuer à honorer ses engagements en raison du sinistre garanti.
Rejetant le pourvoi, la Cour de cassation confirme en tous points l’analyse des juges du fond. Elle juge, tout d’abord, qu’il résulte des éléments de fait et de droit débattus devant eux que l’obligation faite à l’emprunteur de continuer à payer les échéances du prêt en cas de sinistre ne crée aucun déséquilibre significatif à son détriment dès lors que l’assureur doit pouvoir vérifier que sont réunies les conditions d’application de la garantie avant de l’accorder. Ensuite, elle exclut également l’abus de la clause prévoyant la cessation de la garantie à la date de la déchéance du terme : rédigée de façon claire et compréhensible, définissant l’objet principal du contrat en ce qu’elle délimite le risque garanti, elle échappe à double titre à l’appréciation du caractère abusif des clauses, au sens de l’article L. 132-1, alinéa 7, devenu l’article L. 212-1, alinéa 3 du Code de la consommation. Enfin, ayant relevé que l’emprunteur n’avait fait l’objet d’une décision de classement en invalidité qu’en septembre 2011, qu’il n’avait sollicité la prise en charge de ses arrêts de travail, pourtant prononcés huit mois auparavant, que postérieurement à cette date, la première chambre civile approuve la cour d’appel d’avoir déduit de cette négligence de l’emprunteur, ayant omis de fournir à son assureur et au courtier l’ensemble des pièces nécessaires à l’examen de sa demande en garantie, une faute de sa part excluant celle des professionnels dont il recherchait à engager la responsabilité.
Rappelons que selon l’article L. 132-1, devenu L. 212-1, du Code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et que selon le troisième alinéa du même texte, qui en circonscrit le domaine, « (l)’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ».
En conséquence de cette dernière disposition, la Cour de cassation confirme la validité de la clause prévoyant la fin de la garantie en cas de déchéance du terme (V. déjà, Civ. 1re, 26 avr. 2000, n° 97-20.238). Certes, la déchéance du terme d’un prêt garanti par un contrat d’assurance n’emporte pas, du seul fait de l’exigibilité immédiate de ce prêt, l’extinction de la garantie, mais une stipulation contraire est admise au motif essentiel qu’une telle clause « définit l’objet principal en ce qu’elle délimite le risque garanti ». L’argument est contestable dès lors que comme le dit (se contredit ?) la Cour, cette clause définit moins l’objet principal de la garantie que les limites apportées à celle-ci, lesquelles ne relèvent pas des dispositions de l’alinéa 3 de l’article L. 212-1 du Code de la consommation. En effet, la date de fin du contrat, quel que soit l’événement retenu pour y mettre un terme, ne devrait pas pouvoir constituer l’objet principal dudit contrat qui, en matière d’assurance, réside logiquement dans la détermination du risque garanti (vieillesse, décès, invalidité, etc.). Toutefois, la cour fait le choix favorable aux assureurs de le faire reposer, en matière d’assurance groupe, sur la délimitation temporelle du risque garanti, à la condition supplémentaire, au demeurant essentielle, d’être rédigée de manière claire et compréhensible. Dans cette mesure, elle échappe, en vertu de la loi consumériste, au contrôle judiciaire de l’abus.
Et la Cour de consacrer également, pour la première fois à notre connaissance, la validité de la clause selon laquelle en cas de sinistre, l’emprunteur reste, après sa survenance, débiteur des échéances du prêt tant que l’assureur n’a pas admis sa prise en charge au titre du contrat d’assurance, c’est-à-dire tant que l’emprunteur n’a pas justifié remplir les conditions contractuellement requises pour la mise en œuvre de la garantie souscrite. L’affirmation n’est cependant pas surprenante, la Cour ayant déjà jugé licite une clause qualifiée « période d'attente » ayant pour objet de reporter dans le temps (un an) la prise d'effet des garanties au motif, transposable à la solution ici retenue, que cette clause « répondait à la volonté de l'assureur de se prémunir contre des déclarations d'adhérents fausses ou incomplètes » et, ainsi « destinée à préserver le caractère aléatoire du contrat d'assurance, ne créait pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l'assuré » (Civ. 1re, 20 mars 2013, n° 12-15314).
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