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Voies d'exécution
Astreinte : privée de l’autorité de la chose jugée, elle peut être supprimée !
La décision prononçant une astreinte étant dépourvue de l’autorité de la chose jugée, le juge peut décider de la supprimer pour l’avenir sans avoir à relever l’existence d’une cause étrangère.
Une cour d’appel avait condamné sous astreinte un débiteur à fournir divers documents à son créancier, lequel avait ensuite saisi un juge de l’exécution à l’effet de liquider l’astreinte provisoire prononcée pour la rendre définitive. Un appel contre cette décision avait été interjeté, et la cour saisie avait non seulement fait droit à la demande de liquidation de l’astreinte, étalant celle-ci sur une période définie, mais également décidé de la supprimer pour l’avenir, tout en précisant que celle-ci continuerait à courir entre la fin de la période prévue pour sa liquidation et le prononcé de sa décision, sur la base d’un montant toutefois réduit.
Le créancier forma un pourvoi en cassation au moyen, d’une part, que le juge saisi de la liquidation d’une astreinte ne pourrait modifier les obligations mises à la charge du débiteur sans porter atteinte à l’autorité de la chose jugée attachée à la décision l’ayant prononcée, en sorte que la cour d’appel n’aurait pas pu supprimer l’astreinte en cause pour l’avenir sans méconnaître l’autorité de la chose jugée attachée à la décision ayant définitivement condamné son débiteur à la communication des documents litigieux ; d’autre part, elle reprochait à la cour d’appel d’avoir retenu l’existence d’une cause étrangère pour justifier la suppression de l’astreinte, alors que celle-ci ne peut procéder que d’un fait irrésistible et imprévisible auquel son débiteur, qui avait détruit ou n’avait en tout cas jamais établi les documents ordonnés antérieurement à sa condamnation, n’avait en conséquence jamais été confronté.
Son pourvoi est rejeté, au motif que la décision prononçant une astreinte étant dépourvue de l’autorité de la chose jugée, le juge peut décider, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, de la supprimer pour l’avenir sans avoir à relever l’existence d’une cause étrangère, l’article L. 131-4, alinéa 3 du Code des procédures civiles d’exécution n’ayant vocation à s’appliquer qu’à la liquidation d’une astreinte ayant déjà couru.
Outil préventif des difficultés d’exécution pouvant affecter une décision de justice, l’astreinte correspond à la somme d’argent que le juge peut contraindre le débiteur à verser au cas où il ne se soumettrait pas à sa décision. Ainsi l'astreinte se présente-t-elle comme une pénalité, indépendante des dommages-intérêts (C. pr. exéc., art. 131-2), généralement ordonnée à l’occasion d’une décision qui condamne le débiteur à une obligation de faire, ou de ne pas faire. Elle est soit provisoire soit définitive : l'astreinte est cependant considérée par principe comme provisoire, à moins que le juge n'ait précisé son caractère définitif (C. pr. exéc., art. L. 131-2, al. 2). Dans un premier temps, le juge va donc fixer le montant de l’astreinte, demeurant à ce stade provisoire, que le débiteur devra verser en cas d’inexécution des obligations judiciairement mises à sa charge, soit par jour de retard dans le cas, qui est celui de l’espèce rapportée, d’une obligation de faire, soit à chaque violation de l’obligation constatée, s’il s’agit d’une obligation de ne pas faire.
Dans l’hypothèse où le créancier constate que l’astreinte provisoire n’a pas suffi à obliger le débiteur à s’exécuter, il devra saisir le juge de l’exécution afin de rendre l’astreinte définitive et en obtenir la liquidation. Or lorsqu’il liquide une astreinte provisoire, le juge n’est jamais tenu par le montant fixé : il peut le modifier pour tenir compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour s’exécuter (C. pr. exéc., art. L. 131-4). L’attitude du débiteur et les circonstances qui l’entourent peuvent conduire le juge à diminuer ou au contraire à augmenter le montant initialement fixé (Civ. 3e, 29 avr. 2009, n° 08-12.952). En revanche, une fois l’astreinte devenue définitive, son montant ne peut plus être révisé : la décision de liquidation constitue ainsi un titre exécutoire grâce auquel le créancier va pouvoir condamner son débiteur au paiement de l’astreinte.
L’astreinte peut également être supprimée. En l’absence d’autorité de la chose jugée attachée à la disposition de la décision prononçant une astreinte (Civ. 2e, 29 janv. 2015, n° 14-10.544; Civ. 2e, 13 oct. 2016, n° 15-24.454), qui s’explique sans doute par le fait que celle-ci est étrangère à l’office naturel du juge, celui de trancher une contestation, le juge en charge de sa liquidation peut librement, c’est-à-dire sans motifs particuliers, diminuer comme supprimer l’astreinte pour l’avenir. Une limite à ce pouvoir discrétionnaire est toutefois posée à l’article L 131-4, alinéa 3, du Code des procédures civiles d’exécution, qui dispose que « l’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère ». Le demandeur au pourvoi en invoquait l’application au litige, à tort dès lors que ce dernier se trouvait hors du champ d’application de ce texte, circonscrit à la liquidation d’une astreinte ayant déjà couru, puisqu’il portait, non pas sur la liquidation de l’astreinte ordonnée sur une période qui avait déjà expiré, mais sur l’éventualité de sa suppression pour l’avenir.
Civ. 2e, 21 févr. 2019, n° 17-27.900
Références
■ Civ. 3e, 29 avr. 2009, n° 08-12.952 P: D. 2009. 1424 ; ibid. 2010. 1307, obs. A. Leborgne ; AJDI 2009. 732, obs. F. de La Vaissière ; RTD civ. 2009. 575, obs. R. Perrot
■ Civ. 2e, 29 janv. 2015, n° 14-10.544: RTD civ. 2015. 458, obs. N. Cayrol
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