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[ 3 février 2022 ] Imprimer

Procédure pénale

Audience sur la détention provisoire : modalités d’« e-convocation » de l’avocat

Un demandeur ne saurait se faire un grief de ce que la notification à son avocat de l'avis d'audience devant la chambre de l'instruction pour examiner l'appel de l'ordonnance le plaçant en détention provisoire, a été réalisée par l'envoi d'un courriel indiquant le dépôt de la convocation sur la plateforme d'échanges externes (PLEX) pour l'utilisation de laquelle le conseil n'a pas donné d'accord exprès et ne dispose pas de preuve de réception.

Crim. 12 janv. 2022, no 21-86.075

Mis en examen pour différentes infractions en matière de stupéfiants et association de malfaiteurs, le mis en cause fut placé en détention provisoire par ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 21 septembre 2021. Cette ordonnance fut confirmée par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Fort-de-France par un arrêt rendu le 5 octobre 2021. Dans son pourvoi, l’intéressé invoquait une violation de l’article 803-1 du code de procédure pénale, estimant que son conseil n’avait pas été convoqué pour l’assister devant cette juridiction, l’avocat ayant été convoqué par le biais d’une plateforme numérique pour l’utilisation de laquelle il n’avait pas donné son consentement exprès.

Pouvait-on considérer, dans ces conditions, que l’avocat avait été dûment convoqué ? La réponse apportée par la Cour de cassation est positive. 

Dans sa décision, la Haute Cour rappelle l’origine et la finalité de la plateforme : elle résulte d’une convention, signée entre la Chancellerie et le Conseil National des Barreaux le 5 février 2021, concernant la communication électronique en matière pénale entre les juridictions ordinaires du premier et second degré et les avocats, et « permet la transmission de copies de procédure pénale ainsi que des notifications prévues à l'article 803-1 du code de procédure pénale ».

Pour rappel, l’article 803-1, relatif à la dématérialisation des procédures, prévoit dans un I que « dans les cas où, en vertu des dispositions du présent code, il est prévu de procéder aux notifications à un avocat par lettre recommandée ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la notification peut aussi être faite sous la forme d'une télécopie avec récépissé ou par un envoi adressé par un moyen de télécommunication à l'adresse électronique de l'avocat et dont il est conservé une trace écrite. » (dispositions issues de la L. n2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale).

Concrètement, la plateforme PLEX constitue un outil du programme « Procédure pénale numérique » (PPN) initié en 2018 par la Chancellerie et actuellement en cours de déploiement (v. P. Januel, « La procédure pénale numérique : une révolution en cours », D. actu., 9 févr. 2021). Elle offre un service de messagerie et de téléchargement, en permettant notamment l’envoi de fichiers (et donc de dossiers) très volumineux (G. Thierry, « Crise sanitaire : un coup de pouces aux échanges numériques entre avocats et juridictions », D. actu., 26 mai 2020).

L’avis d’audience devant la chambre de l’instruction ayant, en l’espèce, été déposé sur PLEX en application de la convention précitée, se posait la question de la preuve de ce dépôt (et de la réception de la convocation par le conseil du demandeur, selon le moyen). Sur ce point, la Haute cour énonce que « constitue une trace écrite d'un envoi par un moyen de télécommunication au sens de l'article 803-1, I, du code de procédure pénale, le document figurant au dossier indiquant qu'un fichier, dont le titre mentionne qu'il s'agit d'un avis d'audience devant la chambre de l'instruction […] a été déposé sur PLEX pour l'avocat de l'intéressé ». Et elle constate que « ce dernier a été averti de ce dépôt par un courriel adressé le 30 septembre 2021, qu'il indique n'avoir découvert qu'après avoir reçu notification de l'arrêt ». Ainsi, preuve est faite du dépôt et de l’envoi sur la messagerie de l’avocat de la convocation litigieuse. Pour précision, l’article 6.2.3 de la Convention du 5 février 2021 dispose lui-même que « le dépôt sur la plateforme par l’émetteur entraîne la transmission d’un courrier électronique au destinataire, l’informant de la mise à disposition dudit fichier et l’invitant à le télécharger » et précise que « le fichier est réputé transmis à la date de l’envoi dudit courrier électronique ».

Pour la chambre criminelle, la question de la preuve s’arrête là dès lors que « l'existence d'un justificatif de réception de ce message et l'accord exprès du destinataire pour qu'il puisse être procédé aux notifications par ce moyen de communication électronique ne sont pas des conditions requises par l'article 803-1, I, du code de procédure pénale ». Par cet arrêt, la Cour confirme donc, par une interprétation étroite de la loi (l’art. 803-1, I, in fine, visant la trace écrite du seul envoi adressé à l’avocat), que la preuve d’un avis de remise de la convocation à son destinataire n’est pas requise (v. déjà en ce sens, Crim. 24 juill. 2019, n° 19-83.412, pour l’envoi par mail d’une convocation à un avocat).

Par une interprétation tout aussi stricte des dispositions légales (seul le II de l’art. 803-1, qui permet de convoquer ou de notifier par la voie électronique « toute personne », exigeant que celle-ci « y ait préalablement consenti par une déclaration expresse recueillie au cours de la procédure »), elle estime que le consentement exprès de l’avocat à l’utilisation du procédé numérique en question n’était pas nécessaire. La solution, pragmatique, responsabilise l’avocat, dont l’effectivité de la convocation dématérialisée dépendra, finalement, de sa diligence à consulter sa messagerie électronique.

On précisera que pour accéder au fichier mis à disposition sur la plateforme, l’avocat doit accéder à e-barreau et s’y authentifier, et ensuite cliquer sur le lien hypertexte indiqué dans le message reçu, le téléchargement du fichier donnant lieu à l’émission et à la transmission d’un accusé de téléchargement à destination de l’émetteur de la transmission (art. 6.2.3 de la conv. préc.). Tous les actes visés aux articles D. 591 et D. 592 du code de procédure pénale peuvent être formés par voie électronique en application de la convention du 5 février 2021. La Convention précise encore que l’inscription de l’avocat aux services de communications électroniques avec les juridictions emporte consentement à la dématérialisation des échanges avec la juridiction (art. 8.1).

Références :

■ Crim. 24 juill. 2019, n° 19-83.412 P : D. 2019. 1607 ; AJ pénal 2019. 505, obs. J. Chapelle ; D. actu 11 sept. 2019, obs. L. Priou-Alibert.

■ V. C. Guéry, Rép. Pén. Dalloz, vo Instruction préparatoire, no 575.

 

Auteur :Sabrina Lavric


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