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Droit de la responsabilité civile
Autonomie de l’action directe
L’action directe ouverte au tiers lésé pour obtenir directement réparation auprès de l’assureur de l’auteur du dommage se distingue de l’action en responsabilité contre ce dernier, notamment pour déterminer l’ordre de juridiction compétent.
La victime de plusieurs dommages subis à la suite de soins reçus au sein d’un hôpital avait assigné en indemnisation l'assureur de cet établissement public de santé ; celui-ci avait alors soulevé une exception d'incompétence de la juridiction judiciaire saisie au profit de la juridiction administrative.
Après que la cour d’appel se fut déclarée incompétente, la victime forma un pourvoi en cassation au moyen que les juridictions de l'ordre judiciaire sont seules compétentes pour connaître de l'action directe intentée par la victime d'un accident médical contre l'assureur du responsable, peu important que ce contrat d'assurance soit de droit public, ce que les juges du fond auraient à tort pris en compte pour décliner leur compétence.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle énonce que si l'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du Code des assurances à la victime d'un dommage, ou à l'assureur de celle-ci subrogé dans ses droits, contre l'assureur de l'auteur responsable du sinistre, tend à la réparation du préjudice subi par la victime, elle se distingue de l'action en responsabilité contre l'auteur du dommage en ce qu'elle poursuit l'exécution de l'obligation de réparer qui pèse sur l'assureur en vertu du contrat d'assurance, dont le caractère administratif ou privé détermine l'ordre de juridiction compétent. Elle juge en conséquence que le contrat d'assurance liant l’assureur au centre hospitalier ayant été passé en application du code des marchés publics, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que, conformément à l'article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, ce contrat avait un caractère administratif, et exactement déduit que l'action directe exercée par la victime relevait de la compétence de la juridiction administrative.
En principe, la victime d'un dommage qui souhaite en obtenir réparation agit directement contre son auteur. Elle peut toutefois, également, agir directement contre son assureur. En effet, la victime dispose depuis longtemps d’un droit d’action directe que la jurisprudence (Civ., 14 juin 1926) lui a conféré sur le fondement de deux lois, une première loi du 28 mai 1913, puis une seconde du 13 juillet 1930 ayant reconnu à l’indemnité d’assurance la nature d’une créance privilégiée pour pallier le risque encouru par la victime, qui ne pouvait à l’époque agir contre l’assureur du responsable que par le biais de l’action oblique, de voir sa créance profiter à l’ensemble des créanciers de l’auteur du dommage. Sur cette base légale, la jurisprudence a reconnu à la victime la possibilité de demander directement à l'assureur du responsable, sans même engager la responsabilité de celui-ci, le montant de la garantie. Cette action directe ne fut en revanche légalement reconnue qu’il y a dix ans. L'article L. 124-3 du Code des assurances (issu de la loi n° 2007-1774 du 17 déc. 2007 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier) prévoit en ce sens que « le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ».
La victime a ainsi la possibilité de demander directement à l'assureur du responsable le montant de la garantie qui lui est due, sans même avoir à engager la responsabilité de celui-ci. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’action n’est pas subordonnée à l’appel en la cause de l’assuré par la victime (Civ. 1re, 7 nov. 2000, n° 97-22.582 ; V. aussi Civ. 1re, 27 janv. 2004, n° 02-12.972 ; Civ. 1re, 27 avr. 2017, n° 16-15.525).
Certes, l’action en responsabilité contre l’auteur du dommage est un préalable nécessaire à l’exercice de l’action directe reconnue à la victime : la responsabilité de l’assuré doit être acquise pour justifier la mise en œuvre par le tiers lésé d’un droit propre à percevoir sa créance indemnitaire directement auprès de l'assureur.
Toutefois, ces deux actions ne se confondent pas : bien qu'elles soient exercées à l'occasion du même fait dommageable, leurs finalités divergent : l’une tend à engager la responsabilité de l'assuré, alors que l’autre vise à obtenir la garantie de l'assureur.
Partant, l’objet des deux actions est également distinct, un droit à réparation dans un cas, un droit à indemnité dans l’autre.
L’absence d’identité des deux actions est encore révélée par celle des parties engagées, la victime et l’auteur du dommage dans l’action en responsabilité, la victime et l’assureur de l’auteur du dommage pour l’action directe.
Elle se traduit enfin, comme en témoigne la décision rapportée, par la détermination de la juridiction compétente pour connaître de l’action directe : celle-ci dépend seulement de la nature, privée ou administrative, du contrat qui lie l'assureur à l'auteur du dommage, et non de la juridiction compétente pour connaître d'une action sur la responsabilité.
En effet, l’action directe trouve son unique fondement dans le contrat d'assurance de responsabilité civile, c’est-à-dire celui qui garantit aux tiers, et non à l’assuré lui-même, les conséquences pécuniaires des dommages susceptibles de leur être causés par l’assuré.
Déterminant dans son existence l’effectivité de l’action directe, le contrat d’assurance détermine également, selon sa nature privée ou administrative, la juridiction compétente, ce qui explique que la cour d’appel, qui avait dans cette affaire fait droit à l’exception d’incompétence soulevée, méritait confirmation. En effet, les contrats d'assurance passés en application du code des marchés publics sont des contrats administratifs en application de l'article 2 de la loi MURCEF. Dans la mesure où l'action avait été introduite postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi, ce qui était le cas en l'espèce, seule la juridiction administrative était compétente pour connaître des litiges relatifs à leur exécution.
Moralité, en matière de santé, on peut se demander ce qui couvre le moins, les vêtements d’hôpitaux ou sa compagnie d’assurances ?
Civ. 1re, 24 oct. 2018, n° 17-31.306
Références
■ Fiches d’orientation Dalloz : Action directe ; Assurance de dommage
■ Civ. 1re, 7 nov. 2000, n° 97-22.582 P : D. 2001. 3320, obs. H. Groutel ; ibid. 2002. 2115, obs. J. Bonnard
■ Civ. 1re, 27 janv. 2004, n° 02-12.972
■ Civ. 1re, 27 avr. 2017, n° 16-15.525 P : D. 2017. 979
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