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Droit civil
Autopsie : les prélèvements humains ne peuvent être restitués
Mots-clefs : Corps humain (organes, tissus, prélèvements), Patrimonialité, Autopsie judiciaire (restitution des organes, non), Droit civil (personne)
Les prélèvements effectués sur le corps humain à des fins de recherches médico-légales pour les nécessités d’une enquête ou d’une information, qui ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial aux termes de l’article 16-1 du Code civil, ne constituent pas des objets susceptibles de restitution au sens de l’article 41-4 du Code de procédure pénale.
Des prélèvements humains ne peuvent être traités comme des objets ordinaires. C’est le message délivré par la chambre criminelle dans un arrêt du 3 février 2010. En l’espèce, des parents avaient, sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et du droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale notamment, formé, après le jugement de condamnation de l’auteur des faits, une demande de restitution d'organes et de fragments d'organes prélevés lors des opérations d'autopsie du corps de leur fils. Le procureur général refusa de faire droit à cette demande aux motifs que les organes prélevés sur le corps humain devaient être traités dans des conditions adaptées à la fois à la recherche de la vérité et aux règles de santé publique, et qu'en l'état actuel de la loi (absence de disposition légale précise sur la façon dont doivent être traités les prélèvements faits pendant une autopsie judiciaire), il n'avait pas été possible de concilier la nécessaire recherche de la vérité et le souhait des demandeurs de donner une sépulture décente au corps de leur fils.
La chambre criminelle rejette le pourvoi, considérant que la cour d'appel a justifié sa décision. La Haute cour énonce qu'« en effet, les prélèvements effectués sur le corps humain à des fins de recherches médico-légales pour les nécessités d'une enquête ou d'une information, qui ne peuvent pas faire l'objet d'un droit patrimonial aux termes de l'article 16-1 du Code civil, ne constituent pas des objets susceptibles de restitution au sens de l'article 41-4 du Code de procédure pénale ».
La chambre criminelle avait déjà conclu à l’impossibilité de restituer des prélèvements effectués aux fins d’analyse dans le cadre d’une procédure judiciaire, sur le corps d’une personne vivante ou décédée, en estimant qu’ils ne constituaient pas des « objets » au sens de l’alinéa 1er de l’article 99 du Code de procédure pénale qui donne compétence au juge d’instruction pour décider, au cours de l’information, de la restitution des objets placés sous main de justice (Crim. 3 avr. 2002).
L’arrêt commenté se fonde, pour sa part, sur l’article 41-4 du Code de procédure pénale qui accorde au procureur de la République ou au procureur général une compétence subsidiaire (« lorsqu’aucune juridiction n’a été saisie ou lorsque la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets » ; al. 1er) pour décider d’office ou sur requête de la restitution des objets lorsque leur propriété n’est pas sérieusement contestée. Dans un alinéa 2, le texte dispose : « Il n'y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction des objets placés sous main de justice ; la décision de non-restitution prise pour l'un de ces motifs ou pour tout autre motif […] peut être contestée dans le mois de sa notification par requête de l'intéressé devant le tribunal correctionnel ou la chambre des appels correctionnels, qui statue en chambre du conseil ». La haute cour invoque subsidiairement l'article 16-1 du Code civil et le principe d'indisponibilité du corps humain, de ses éléments et de ses produits. Des prélèvements humains ne sont donc pas des objets susceptibles de restitution. Dont acte.
Crim. 3 févr. 2010, n° 09-83.468, FS-P+B
Références
« État d’un bien, d’un droit ou d’une action qui échappe au libre pouvoir de la volonté individuelle par interdiction ou restriction du droit d’en disposer. Par exemple, la saisie d’un bien fait perdre au propriétaire le droit de l’aliéner, les actions d’état ne peuvent faire l’objet d’une quelconque négociation. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Art. 8 Conv. EDH — Droit au respect de la vie privée et familiale
« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
« Chacun a droit au respect de son corps
Le corps humain est inviolable.
Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial. »
■ Code de procédure pénale
« Lorsqu'aucune juridiction n'a été saisie ou lorsque la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets, le procureur de la République ou le procureur général est compétent pour décider, d'office ou sur requête, de la restitution de ces objets lorsque la propriété n'en est pas sérieusement contestée.
Il n'y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction des objets placés sous main de justice ; la décision de non-restitution prise pour l'un de ces motifs ou pour tout autre motif, même d'office, par le procureur de la République ou le procureur général peut être contestée dans le mois de sa notification par requête de l'intéressé devant le tribunal correctionnel ou la chambre des appels correctionnels, qui statue en chambre du conseil.
Si la restitution n'a pas été demandée ou décidée dans un délai de six mois à compter de la décision de classement ou de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence, les objets non restitués deviennent propriété de l'État, sous réserve des droits des tiers. Il en est de même lorsque le propriétaire ou la personne à laquelle la restitution a été accordée ne réclame pas l'objet dans un délai de deux mois à compter d'une mise en demeure adressée à son domicile. Les objets dont la restitution est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens deviennent propriété de l'État, sous réserve des droits des tiers, dès que la décision de non-restitution ne peut plus être contestée, ou dès que le jugement ou l'arrêt de non-restitution est devenu définitif.
Le procureur de la République peut ordonner la destruction des biens meubles saisis dont la conservation n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, lorsqu'il s'agit d'objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles, ou dont la détention est illicite. »
« Au cours de l'information, le juge d'instruction est compétent pour décider de la restitution des objets placés sous main de justice »
■ Crim. 3 avr. 2002, Bull. crim<//i>. no 75 ; D. 2002. IR. 1809 ; RSC 2002. 842, obs. Commaret ; JCP 2002. IV. 1898.
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