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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Autorisation par le Conseil d’État d’une insémination post-mortem à l’étranger
Mots-clefs : Gamètes, Insémination post-mortem, Procréation médicalement assistée, Référé
Dans un arrêt du 31 mai 2016, le Conseil d’État a autorisé un transfert de gamètes à l’étranger en vue d’une insémination post-mortem.
Un couple avait décidé, en raison de la maladie grave de l’époux qui risquait de le rendre stérile, d’effectuer préventivement un dépôt de gamètes afin de recourir à une éventuelle assistance médicale à la procréation. En outre, le mari avait donné son consentement à une insémination post-mortem en Espagne, pays d’origine de sa femme, dans l’hypothèse d’un échec de la procréation médicalement assistée en France. L’état de santé de l’époux s’étant détérioré, entrainant son décès, le couple n’avait pas pu procéder à un dépôt de gamètes en Espagne. La femme étant retournée y vivre après le décès de son mari, elle avait demandé le transfert dans ce pays des gamètes déposés en France en vue de la procréation médicalement assistée. L’insémination artificielle post-mortem est en effet autorisée par la législation espagnole dans les douze mois suivant le décès.
L’Agence de la biomédecine ayant refusé le transfert de gamètes, l’épouse a saisi le juge des référés du tribunal administratif sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative. Cependant celui-ci a rejeté la demande au motif qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer sur l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée tel que garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. La requérante a donc formé un pourvoi en cassation.
Le juge des référés du Conseil d’État a rappelé qu’aux termes de l’article L. 2141-2 du Code de la santé publique, l’homme et la femme formant le couple ayant recours à la procréation médicalement assistée devaient être vivants au moment de l’insémination et que par ailleurs l’article L. 2141-11-1 du même Code subordonnait l’importation et l’exportation de gamètes à une autorisation de l’Agence de biomédecine. L’exportation de gamètes en vue d’une utilisation prohibée par le droit national est en outre interdite par ce dernier article. En outre, le Conseil d’État a rappelé qu’une telle interdiction ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale tel que garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, cette interdiction relevant de la marge d’appréciation dont chaque état dispose pour l’application de la Convention.
Le Conseil d’État a cependant souligné que dans certaines circonstances les lois nationales pouvaient entraîner une ingérence disproportionnée aux droits et libertés protégés par la Convention. Il s’agissait en l’espèce de savoir si, bien que conforme en soi à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’article L. 2141-11-1 du Code de la santé publique ne portait pas dans cette situation particulière une atteinte disproportionnée à la vie privée de la requérante, au regard des finalités initialement prévues par le législateur français. Les juges ont relevé que la prohibition du transfert de gamètes avait pour but d’empêcher un détournement frauduleux de la loi française. Mais en l’espèce le transfert de gamètes n’avait pas pu être effectué uniquement en raison de la dégradation brutale de l’état de santé de l’époux, lequel avait donné son accord pour une insémination artificielle post-mortem en Espagne. La requérante étant partie rejoindre sa famille dans ce pays où l’insémination post-mortem est autorisée sous réserve du consentement de l’époux décédé, elle demandait logiquement le transfert des gamètes de son défunt époux. Le Conseil d’État a ainsi pu constater l’absence d’intention frauduleuse de la requérante, partie vivre dans son pays d’origine non pour contourner les dispositions législatives françaises mais pour demeurer auprès de sa famille et y réaliser son projet familial.
Il résulte de ces circonstances particulières que le refus opposé à l’épouse constituait une « atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale », en l’occurrence le droit au respect de sa vie privée et familiale. L’insémination post-mortem n’étant autorisée que dans les douze mois suivant le décès, la condition d’urgence prévue par l’article L. 521-2 du Code de justice administrative se trouve remplie.
Le Conseil d’État a donc enjoint l’Agence de biomédecine et l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris d’effectuer le transfert de gamètes.
CE, ass., ord., 31 mai 2016, n° 396848
Référence
■ Convention européenne des droits de l’homme
Article 8
« Droit au respect de la vie privée et familiale. 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
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