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[ 27 septembre 2010 ] Imprimer

Procédure civile

Autorité de chose jugée et identité d’objet du jugement

Mots-clefs : Article 1351 C. civ., Chose jugée, identité d'objet

L’autorité de la chose jugée attachée à un arrêt procédant à la reconduction d’un bail et au descriptif sommaire du bien loué ne peut être opposée à une demande portant sur la consistance d’une cave, élément du bail, notamment quant à sa superficie, les deux actions n’ayant pas le même objet.

Des époux, locataires de locaux à usage d’habitation, ont reçu congé avec offre de vente. La société en nom collectif, propriétaire des lieux loués, a vendu en 2003 l’immeuble dont dépendaient les locaux à trois acquéreurs qui ont procédé ensuite au partage du bien vendu. Le congé pour vendre ayant été déclaré nul par un arrêt du 8 novembre 2005, les époux ont, notamment, réclamé sous astreinte à leur nouveau propriétaire la délivrance d’une cave double située sous l’appartement loué à l’emplacement des anciennes caves qu’ils occupaient.

 Pour rejeter la demande des locataires, la cour d’appel a retenu que l’arrêt de 2005 procédait au descriptif du bail reconduit pour six ans à savoir : « un appartement en duplex au rez-de-chaussée et au premier étage ainsi qu’un débarras au 6e et une cave » et que l’arrêt de cassation intervenu en novembre 2007 n’avait aucune incidence sur cet inventaire.

La troisième chambre civile casse au visa de l’article 1351 du Code civil en précisant que « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement » et que l’arrêt de 2005 ne s’était pas prononcé sur la consistance de la cave objet du bail reconduit.

Cet arrêt est une application classique (Civ. 3e, 10 nov. 2009) d’un des trois critères d’identité exigés par l’article 1351 du Code civil à savoir : identité de parties, d’objet et de cause. Il n’y a pas identité d’objet si la seconde demande vise à obtenir une précision quant à la consistance d’un élément constitutif du bien loué, même si au cours de la reconduction du bail il a déjà été procédé à un descriptif.

 

Civ. 3e, 15 sept. 2010, n°09-68.452, sur le second moyen

 

 

Références

■ Chose jugée

« Autorité attachée à un acte juridictionnel, qui en interdit la remise en cause en dehors des voies de recours légalement ouvertes. Elle crée une présomption de vérité légale au profit du jugement et sert de fondement à l’exécution forcée du droit judiciairement établi.

Il y a chose jugée lorsque la même demande, entre les mêmes parties, agissant en les mêmes qualités, portant sur le même objet, soutenue par la même cause, est à nouveau portée devant une juridiction. S’agissant de la cause, une évolution considérable s’est produite. En vertu du principe de concentration des moyens, on ne peut plus invoquer, dans une instance postérieure, un fondement juridique qu’on s’est abstenu de soulever en temps utile; la différence de cause ne suffit donc plus à faire obstacle à l’irrecevabilité de l’autorité de la chose jugée; cette autorité joue dès lors que la même chose est demandée au sujet des mêmes faits, quoique prenant appui sur un autre fondement juridique.

Le jugement a non seulement autorité de chose jugée, mais aussi force de chose jugée, lorsqu’une voie de recours suspensive de l’exécution (opposition, appel, pourvoi dans les rares cas où il est suspensif) ne peut pas ou plus être exercée contre lui, soit parce que le jugement a été rendu en dernier ressort, soit parce que le délai pour agir est expiré ou encore parce que les voies de recours ont déjà été exercées; en outre, le jugement est dit irrévocable, lorsque les voies de recours extraordinaires ont été utilisées ou ne peuvent plus l’être.

L’autorité de chose jugée est relative ou absolue. Elle est le plus souvent relative en droit civil et dans certaines formes du contentieux administratif notamment, ce qui signifie que la chose jugée ne crée de droits ou d’obligations qu’en faveur ou à l’encontre de ceux qui ont été parties ou représentés à l’instance. Pour autant, la décision ayant autorité de chose jugée est opposable aux tiers, qui doivent la respecter, sauf à former une tierce opposition.

Elle est invoquée par les parties au moyen d’une fin de non-recevoir (dite faussement exception de chose jugée), par les tiers à l’aide de l’exception de relativité de chose jugée. Elle peut être relevée d’office par le juge.

L’autorité est dite absolue ou erga omnes lorsque les effets juridiques de la décision rendue s’imposent à tous, non seulement aux parties à l’instance, mais également à l’ensemble des tiers lato sensu (individus, juges, administration…). Il en va ainsi, parfois, des jugements administratifs (ex. : décisions prononçant une annulation pour excès de pouvoir). Cela a été longtemps le cas en procédure pénale, mais ce principe y est aujourd’hui en déclin.

Enfin, les décisions provisoires, si elles sont dépourvues de l’autorité de chose jugée au principal (elles ne lient pas le juge du fond), possèdent l’autorité de chose jugée au provisoire : elles ne peuvent être modifiées par le juge du provisoire qu’en cas de circonstances nouvelles. »

Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

 

Article 1351 du Code civil

« L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »

Civ. 3e, 10 nov. 2009, n°08-19.756, Bull. civ. III, n°249.

 


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