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Droit administratif général
Autorité de la chose jugée au pénal et décision administrative
Mots-clefs : Autorité de la chose jugée au pénal, Décision administrative, Préfet de police, Débit de boissons, Fermeture administrative, Infractions
Si, en principe, les jugements répressifs ont autorité à l’égard du juge administratif pour les constatations de faits certaines qui sont le support nécessaire de leur dispositif, encore faut-il que les décisions pénales et administratives aient été prises sur le même fondement.
Par arrêté du 31 mai 2006, le préfet de police a prononcé la fermeture d’un débit de boisson, le Madison, pour une durée de six mois sur le fondement des dispositions 3 et 4 de l’article L. 3332-15 du Code de la santé publique aux motifs que « ce débit de boissons était régulièrement utilisé comme un lieu de rencontre et de rabattage de la clientèle en vue de relations sexuelles tarifées dans les hôtels proches ». La société Le Madison demande alors l’annulation de la décision de fermeture administrative de l’établissement. Le Conseil d’État, comme les juges du fond n’ont pas fait droit à cette demande.
Ainsi, le Conseil d’État rappelle dans un premier temps la nature de la décision prise par le préfet « en cas de commission d'un crime ou d'un délit en relation avec l'exploitation d'un débit de boissons, la fermeture de ce débit a pour objet de prévenir la continuation ou le retour de désordres liés au fonctionnement de l'établissement, indépendamment de toute responsabilité de l'exploitant (v. également : CE 28 févr. 1996, Min. de l'intérieur et de l'aménagement du territoire c/ Baudry) … une telle mesure doit être regardée en conséquence, non comme une sanction présentant le caractère d'une punition, mais comme une mesure de police (Crim. 17 mai 1993) ». En l’espèce, les juges du Palais Royal considèrent l’arrêté du préfet, pris sur le fondement de l’article L. 3332-1 du Code de la santé publique, comme suffisamment motivé.
Dans un second temps, le Conseil d’État, applique sa jurisprudence Ministre de l'Intérieur c/ Dame Desamis (CE, Ass., 8 janv. 1971) selon laquelle « si en principe, l’autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose aux autorités et juridictions administratives qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire de leurs décisions, il en est autrement lorsque la légalité d'une décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale ; dans cette dernière hypothèse, l'autorité de la chose jugée s'étend exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal». Le Conseil d’État précise qu’il en va ainsi des mesures prononcées sur le fondement de la disposition 3 de l’article L. 3332-15 du Code de la santé publique. À la suite d’un jugement du TGI, les dirigeants du Madison ont été relaxés. Les faits qui leur étaient reprochés, tolérance habituelle de la prostitution dans un lieu ouvert au public (C. pén., art. 225-10, 2°), n’étaient pas suffisamment caractérisés. La société Le Madison avait alors invoqué devant le juge administratif l’autorité de la chose jugée qui s’attachait au jugement du TGI afin de demander l’annulation de l’arrêté de fermeture. Mais la motivation de cet arrêté ne reposait pas sur les mêmes fondements. En effet, le préfet avait motivé sa décision en considérant l’établissement de débit de boissons comme un lieu de rabattage de la clientèle en vue de relations sexuelles tarifées dans les hôtels proches ; ces agissements constituaient le fait de procéder publiquement au racolage d’autrui en vu de l’inciter à des relations sexuelles en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération (C. pén., art. 225-10-1). Ainsi, les deux infractions étant distinctes (C. pén., art. 225-10, 2° et art. 225-10-1), le Conseil d’État, à la suite de la Cour administrative d’appel, en déduit que la décision de la juridiction pénale était sans incidence sur la légalité de la mesure de fermeture attaquée.
CE 10 oct. 2012, Sté Le Madison, n° 345903
Références
■ CE 28 févr. 1996, n° 150878, Min. de l'intérieur et de l'aménagement du territoire c/ Baudry, Lebon T. 1060.
■ Crim. 17 mai 1993, n°92-84.172, Bull. crim. n° 178.
■ CE, Ass., 8 janv. 1971, n° 77800, Lebon 19 ; AJDA 1971. 297.
■ Code de la santé publique
« Un débit de boissons à consommer sur place de 2e ou de 3e catégorie ne peut être ouvert dans les communes où le total des établissements de cette nature et des établissements de 4e catégorie atteint ou dépasse la proportion d'un débit pour 450 habitants, ou fraction de ce nombre. La population prise pour base de cette estimation est la population municipale totale, non comprise la population comptée à part, telle qu'elle résulte du dernier recensement.
Toutefois, cette interdiction ne s'applique pas aux établissements dont l'ouverture intervient à la suite d'un transfert réalisé dans les conditions fixées par l'article L. 3332-11. »
« 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'État dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements.
Cette fermeture doit être précédée d'un avertissement qui peut, le cas échéant, s'y substituer, lorsque les faits susceptibles de justifier cette fermeture résultent d'une défaillance exceptionnelle de l'exploitant ou à laquelle il lui est aisé de remédier.
2. En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'État dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois. Le représentant de l'État dans le département peut réduire la durée de cette fermeture lorsque l'exploitant s'engage à suivre la formation donnant lieu à la délivrance d'un permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1.
3. Lorsque la fermeture est motivée par des actes criminels ou délictueux prévus par les dispositions pénales en vigueur, à l'exception des infractions visées au 1, la fermeture peut être prononcée pour six mois. Dans ce cas, la fermeture entraîne l'annulation du permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1.
4. Les crimes et délits ou les atteintes à l'ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation.
5. Les mesures prises en application du présent article sont soumises aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ainsi qu'aux dispositions de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
6. A Paris, les compétences dévolues au représentant de l'État dans le département par le présent article sont exercées par le préfet de police. »
■ Code pénal
« Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende le fait, par quiconque, agissant directement ou par personne interposée :
1° De détenir, gérer, exploiter, diriger, faire fonctionner, financer ou contribuer à financer un établissement de prostitution ;
2° Détenant, gérant, exploitant, dirigeant, faisant fonctionner, finançant ou contribuant à financer un établissement quelconque ouvert au public ou utilisé par le public, d'accepter ou de tolérer habituellement qu'une ou plusieurs personnes se livrent à la prostitution à l'intérieur de l'établissement ou de ses annexes ou y recherchent des clients en vue de la prostitution ;
3° De vendre ou de tenir à la disposition d'une ou de plusieurs personnes des locaux ou emplacements non utilisés par le public, en sachant qu'elles s'y livreront à la prostitution ;
4° De vendre, de louer ou de tenir à la disposition, de quelque manière que ce soit, d'une ou plusieurs personnes, des véhicules de toute nature en sachant qu'elles s'y livreront à la prostitution.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux infractions prévues par les 1° et 2° du présent article. »
« Le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération est puni de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 Euros d'amende. »
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