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[ 19 novembre 2018 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Avec ou sans porc ?

Une collectivité territoriale ne peut invoquer les principes de laïcité et de neutralité du service public pour mettre un terme aux menus de substitution dans les cantines scolaires de la ville.

Pendant plus de 30 ans, entre 1984 et 2015, les cantines scolaires des écoles élémentaires publiques de la ville de Chalon-sur-Saône proposaient des menus de substitution lorsque des plats contenant du porc étaient servis.

En 2015, estimant cette pratique contraire aux principes de laïcité et de neutralité du service public, le maire de la commune et son conseil municipal ont pris la décision d’arrêter cette solution alternative.

L’association Ligue de défense judiciaire des musulmans a alors demandé l’annulation de cette décision. 

Dans un premier temps, le tribunal administratif de Dijon (28 août 2017, n° 1502100) avait rendu son jugement en se fondant sur la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE). Il avait estimé que la décision de la ville de Chalon-sur-Saône n’était pas conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant. Toutefois, les requérants n’avaient pas soulevé ce moyen tiré de l’article 3 de la CIDE qui avait seulement été évoqué par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, dans ses observations produites en réponse à l’invitation adressée par le tribunal. 

La cour administrative d’appel estime qu’en retenant ce moyen, qui n’était pas d’ordre public, le tribunal a entaché son jugement d’irrégularité et décide de se fonder sur le droit national.

Dans un premier temps, la cour rappelle, d’une part, que si le gestionnaire d’un service public administratif facultatif comme cela est le cas pour les cantines scolaires, dispose de larges pouvoirs d’organisation, il ne peut pas décider d’en modifier les modalités d’organisation et de fonctionnement sauf pour des motifs en rapport avec les nécessités de ce service. D’autre part, les principes de laïcité et de neutralité auxquels est soumis le service public de restauration scolaire ne font, par eux-mêmes, pas obstacle à ce que, les usagers de ce service se voient offrir un choix leur permettant de bénéficier d’un menu équilibré sans avoir à consommer des aliments proscrits par leurs convictions religieuses ou philosophiques.

Dans cette affaire, pendant 31 années, les restaurants scolaires des écoles publiques de la ville ont proposé à leurs usagers des menus alternatifs leur permettant de bénéficier de repas répondant aux bonnes pratiques nutritionnelles sans être contraints de consommer des aliments prohibés par leurs convictions religieuses. Cette pratique n’a pas provoqué des troubles à l’ordre public ou été à l’origine de difficultés particulières en ce qui concerne l’organisation et la gestion du service public de la restauration scolaire. 

Ainsi, en se fondant exclusivement sur les principes de laïcité et de neutralité du service public pour décider de mettre un terme à une telle pratique, le maire de Chalon-sur-Saône et le conseil municipal de Chalon-sur-Saône ont entaché leur décision et délibération attaquées d’erreur de droit.

CAA Lyon, 23 oct. 2018, n° 17LY03323 et 17LY03328

Références

■ Fiches d'orientation Dalloz:  Laïcité

■ Convention internationale relative aux droits de l’enfant

Article 3

« 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.

2. Les Etats parties s’engagent à assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées.

3. Les Etats parties veillent à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l’existence d’un contrôle approprié. »

■ V. également Dalloz Actu Étudiant, Le Billet de Mustapha Mekki, Faites un effort, mangez du porc !, 3 nov. 2014

■ TA Dijon, 28 août 2017, n° 1502100 : AJDA 2017. 1638 ; ibid. 2207, note D. Roman ; AJCT 2018. 35, obs. François-Julien Defert ; ibid. 20, étude François-Julien Defert

 

Auteur :Christelle de Gaudemont

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