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Droit du travail - relations individuelles
Avis d’aptitude avec réserves et harcèlement moral
Mots-clefs : Accident du travail, Médecin du travail, Avis d'aptitude avec réserves, Obligation de l'employeur, Harcèlement moral, Caractère répétitif, Dégradation des conditions de travail
L’avis d’aptitude assorti de contre-indications médicales émanant du médecin du travail s’impose à l’employeur qui ne peut passer outre ni envisager un reclassement de la salariée à des postes d’un niveau inférieur à celui d’origine, sous peine de se voir condamner pour harcèlement moral.
Ayant fait l’objet de plusieurs arrêts en relation avec un premier accident du travail, une responsable de rayon d’un magasin de bricolage a toujours été déclarée, après chaque visite de reprise, apte par le médecin du travail à reprendre son poste initial. Les avis successifs étaient toutefois tous assortis de restrictions croissantes allant notamment jusqu’à prohiber toutes tâches de manutention (v. propositions par le praticien de mesures individuelles : art. L. 4624-1 C. trav.). Devant le refus de la salariée d’occuper un poste plus « administratif », l’employeur licencia cette dernière qui saisit la juridiction prud’homale d’une demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour harcèlement moral.
La chambre sociale est venue confirmer la décision d’appel prononçant d’une part le licenciement comme contraire aux dispositions de l’article L. 1226-8 du Code du travail puis caractérisant d’autre part le harcèlement moral dont la salariée avait été victime (art. L. 1152-1 C. trav.).
En effet, malgré les réserves formulées par le médecin du travail, aucun avis d’inaptitude n’avait été rendu. La salariée devait donc retrouver à l’issue des périodes de suspension de son contrat de travail, conformément aux dispositions de l’alinéa 1er de l’article L. 1226-8 du Code du travail, son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération équivalente. La recherche de reclassement engagée par l’employeur n’avait donc pas lieu d’être au regard des avis rendus sur l’aptitude de la salariée à son poste d’origine.
De plus, est constitutif de harcèlement moral altérant la santé et la dignité de la salariée (art. L. 1152-1 C. trav.) le fait pour l’employeur d’imposer à plusieurs reprises à cette dernière d’effectuer des tâches de manutention (qui ne rentraient pas dans ses fonctions) dans le mépris des prescriptions médicales, ayant entraîné les arrêts successifs et la volonté de celui-ci de la reclasser à des postes d’un niveau inférieur au sien, incompatibles avec les préconisations du médecin du travail.
Cet arrêt est un nouvel exemple des conséquences juridiques que peut engendrer cette catégorie hybride d’avis quant à la modification ou non du contrat de travail du salarié. Les réserves, en l’espèce, n’étaient pas de nature à être interprétées comme un avis d’inaptitude.
Soc. 28 janvier 2010, 08-42.616
Références
■ Harcèlement moral
« Constitutif d’un délit, le harcèlement moral est prohibé par le Code du travail depuis la loi no 2002-73 du 17 janvier 2002. Le législateur n’a pas défini son contenu mais stigmatise les comportements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel. La loi désigne implicitement ce comportement comme constitutif d’une faute disciplinaire. Afin de surmonter les problèmes très délicats liés à la preuve de ces actes, le régime de celle-ci a été aménagé, en dehors des poursuites pénales, le salarié n’ayant qu’à établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. À noter que tout salarié est protégé par ce texte, sans distinction de sexe ou de fonctions, et que le harcèlement peut se manifester en dehors de tout rapport d’autorité ou de relation hiérarchique. »
■ Sur le contrôle de la qualification de « harcèlement moral »
G. Pignarre, « Petite cause, grands effets ; la Cour de cassation s’arroge le contrôle de la qualification de harcèlement moral », RDT 2008. 744.
■ Sur l’interprétation d’un avis d’aptitude avec réserves…
… comme un avis d’aptitude : Soc. 14 juin 2007, n°06-43.443, JCP S 2007. 1670, obs. P.-Y. Verkindt.
… comme un avis d’inaptitude : Soc. 14 juin 2007, n°06-40.474, JCP S 2007. 1671, obs. P.-Y. Verkindt.
■ Sur la prise en compte des recommandations du médecin par l’employeur
Soc. 19 décembre 2007, RDT 2008. 246, obs. M. Véricel.
■ Sur l’indemnité spéciale de licenciement
Soc. 8 avril 2009, RDT 2009. 444, obs. H. Guyader.
■ Code du travail
Article L. 1152-1
« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
Article L. 1226-8
« Lorsque, à l'issue des périodes de suspension définies à l'article L. 1226-7, le salarié est déclaré apte par le médecin du travail, il retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente.
Les conséquences de l'accident ou de la maladie professionnelle ne peuvent entraîner pour l'intéressé aucun retard de promotion ou d'avancement au sein de l'entreprise. »
Article L. 4624-1
« Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs.
L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.
En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. »
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