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Droit de la consommation
Avocat : son client peut être un consommateur
Mots-clefs : Avocat, Honoraires, Client, Consommateur, C. consom., art. L. 137-2, Prescription, Délai
La prescription des honoraires d’avocat est soumise aux dispositions du Code de la consommation.
À la suite d’un désaccord avec un client, un avocat avait saisi le bâtonnier d’une demande en fixation de ses honoraires. Exigeant le règlement d’un solde, l’avocat s’était vu opposer, par ordonnance, la fin de non-recevoir tirée de la prescription, que l’article L. 137-2 du Code de la consommation, jugée applicable à l’espèce, rendait acquise (le délai étant de deux ans). L’avocat avait alors formé un pourvoi en cassation, réclamant à son bénéfice le jeu de la prescription de droit commun.
La deuxième chambre civile rejette toutefois ce dernier, jugeant qu'est soumise à la prescription biennale de l'article L. 137-2 du Code de la consommation la demande d'un avocat en fixation de ses honoraires dirigée contre une personne physique ayant eu recours à ses services à des fins n'entrant pas dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ; son client ayant bien, dans ce cadre légal, la qualité de consommateur.
La même chambre confirme sa solution par un arrêt rendu le même jour (Civ. 2e, 26 mars 2015), au visa du même texte consumériste, mais aussi de l’article 2224 du Code civil, selon lequel la procédure en recouvrement d'honoraires est en principe soumise à la prescription quinquennale de droit commun (à l'exception de la prescription quadriennale acquisitive au profit de l'État, par exemple, Civ. 2e, 7 avr. 2011).
Il ressort de ces deux décisions que si l'action en paiement d'un avocat est exercée à l’encontre d’une personne physique ayant eu recours à ses services à des fins entrant dans un cadre non professionnel, elle est impérativement soumise au délai de prescription biennale de l'article L. 137-2 du Code de la consommation, selon lequel « l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans », étant précisé que la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, ayant introduit un article préliminaire au Code de la consommation, définit le consommateur comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale », nouvelle définition à laquelle la Cour fait ici expressément référence.
Alors que les juges du fond étaient partagés quant à l'application de cette prescription spéciale à la procédure de taxation des honoraires de l'avocat (Nîmes, 5 févr. 2015. - Contra, Aix-en Provence, 15 janv. 2015), l’hésitation n’est désormais plus permise, la Cour venant clairement affirmer par deux fois qu' « est soumise à la prescription biennale de l'article L. 137-2 du Code de la consommation la demande d'un avocat en fixation de ses honoraires dirigée contre une personne physique ayant eu recours à ses services à des fins n'entrant pas dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale », par dérogation au délai quinquennal de droit commun, normalement applicable.
Clarificatrice, cette solution prolonge la jurisprudence déjà rendue en la matière : les dispositions de l’article L. 137-2 du Code de la consommation étant d’application générale dans les rapports entre un professionnel et un consommateur, la Cour avait, récemment et à plusieurs reprises, étendu son champ d’application aux crédits immobiliers consentis à des consommateurs par des organismes financiers (Civ. 1re , 28 nov. 2012 ; Civ. 1re, 9 avr. 2014; Civ. 1re, 10 juill. 2014) comme aux contrats de fourniture d'eau également passés avec des consommateurs (Civ. 1re, 2 juill. 2014).
Étendue à l’avocat, la solution a donc définitivement vocation à couvrir un large champ d’activités, exercées par tout professionnel pour la fourniture de biens et de services aux consommateurs. Conforme à la jurisprudence précitée, la solution l’est également à la politique consumériste poursuivie depuis quelques années à l’endroit des professions judiciaires, et notamment des avocats, dont l’activité irait jusqu’à constituer un nouveau « marché » (V. à propos de la loi de modernisation des professions juridiques et judiciaires réglementées, T. Massart ; V. égal. I. Arnaud-Grossi ; V. enfin, J. Lasserre Capdeville).
En revanche, la Cour passe sous silence la question, pourtant essentielle, du point de départ du délai de prescription, lequel devrait être toutefois fixé, par la combinaison des articles 2224 et 2225 du Code civil, ce dernier texte concernant la prescription des actions en responsabilité engagées à l'encontre des avocats, à la date à laquelle la mission de l'avocat prend fin. Dans tous les cas, l'application de l'article L. 137-2 du Code de la consommation à l'activité des avocats encourage ces derniers à engager au plus vite une action en justice en cas de non-paiement.
Civ. 2e, 26 mars 2015, n° 14-11.599
Références
■ Code de la consommation
« Au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. »
« L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »
■ Code civil
« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
Article 2225
« L'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission. »
■ Civ. 2e, 26 mars 2015, n° 14-15.013.
■ Civ. 2e, 7 avr. 2011, n° 10-17.575.
■ Nîmes, 5 févr. 2015, n° 14/01481.
■ Aix-en-Provence, 15 janv. 2015, n° 14/01985.
■ Civ. 1re , 28 nov. 2012, n° 11-26.508, RTD com. 2012. 126.
■ Civ. 1re, 9 avr. 2014, n° 12-27.614.
■ Civ. 1re, 10 juill. 2014, n° 13-15.511, RTD com. 2014-675.
■ Civ. 1re, 2 juill. 2014, n° 13-13.838.
■ T. Massart, « Le périmètre du droit et les travaux de la commission Darrois », LPA, 13 févr. 2009, p. 7.
■ I. Arnaud-Grossi, « Les obligations de l’avocat à la croisée des chemins », RLDC 2009. 69, spéc., p. 73, relevant un rapprochement de la responsabilité civile des agents du « marché » de la rédaction d’actes.
■ J. Lasserre Capdeville, JCP G, n° 14, 6 avr. 2015, p. 393.
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