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[ 4 juin 2024 ] Imprimer

Droit des obligations

Bail : admission de l’action du locataire en restitution de paiements indus effectués au titre de loyers et charges échus antérieurement à la vente des locaux loués à l’encontre de son bailleur originaire

Le locataire peut agir en répétition de l’indu de charges et loyers contre l’ancien propriétaire de l’immeuble, qui ne peut pas lui opposer la clause de subrogation de l’acquéreur dans tous les litiges relatifs au bail, clause qui ne concerne que les rapports vendeur/acquéreur et non le bail. 

Civ. 3e, 16 mai 2024, n° 22-19.922

Par l’arrêt rapporté, qui concerne le droit commun du bail bien qu’il soit rendu dans une espèce relative à un bail commercial, la troisième chambre civile énonce que « le locataire peut agir à l'encontre de son bailleur originaire en restitution de paiements indus effectués au titre de loyers et charges échus antérieurement à la vente, sans que celui-ci, qui reste tenu à son égard de ses obligations personnelles antérieures à la vente, ne puisse lui opposer une clause contenue dans l'acte de vente subrogeant l'acquéreur dans les droits et obligations du vendeur ». Classique, cette clause subrogatoire protège donc le vendeur contre l’acquéreur, mais pas contre le locataire qui demeure créancier des obligations de l’ancien bailleur antérieures à la vente.

Au cas d’espèce, l'acte de vente prévoyait que l'acquéreur ferait son affaire personnelle, d'une part, de la continuation ou de la résiliation des baux dont les locaux cédés étaient l'objet ainsi que de toutes les procédures qui pourraient survenir à compter de l'entrée en jouissance sans recours contre le vendeur, aux droits et obligations duquel il serait purement et simplement subrogé, d'autre part, de tout contentieux qui se déclarerait à compter du transfert de propriété, même si la cause en était directement ou indirectement antérieure. Nonobstant cette clause, la locataire avait assigné la propriétaire originaire des locaux en restitution de sommes prétendument indues. Or pour mettre cette dernière hors de cause, la cour d’appel retint qu'il importait peu que celle-ci ait perçu les fonds dont la restitution était demandée par la locataire, dès lors que l'acte de vente des locaux loués stipulait une clause de subrogation de l'acquéreur dans les droits et obligations de la venderesse pour tout contentieux qui se déclarerait à compter du transfert de propriété même si la cause en était directement ou indirectement antérieure et qu'au jour où la locataire a agi en répétition de l’indu, seul l’acheteur avait la qualité de bailleur. Au visa des articles 1165 et 1376, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1743, alinéa 1, du Code civil, la troisième chambre civile censure sa décision, compte tenu de l’antériorité à la vente des paiements effectués : « En statuant ainsi, alors que la locataire avait versé les sommes prétendument indues au titre de charges locatives à la société (venderesse) antérieurement à la vente, la cour d'appel a violé les textes susvisés ». 

En cas de vente de la chose louée (C. civ., art. 1743), le bail est transmis automatiquement à l’acquéreur, lequel est substitué au bailleur d’origine seulement à compter de l’acquisition, les parties étant tenues par leurs seuls rapports locatifs en vertu du principe de l’effet relatif du contrat. Pour l’avenir, c’est donc le nouveau propriétaire qui sera tenu des obligations du bailleur. En revanche, l’ancien propriétaire demeure seul tenu des obligations de réparation et d’indemnisation antérieures à la cession (Civ. 3e, 14 nov. 2007, n° 06-18.430). Logiquement, la règle s’étend à l’obligation de restitution des loyers indument perçus avant la vente, la clause subrogeant l’acquéreur dans les droits et obligations du vendeur ne pouvant y déroger. Le locataire peut donc agir en restitution de l’indu contre le bailleur d’origine (C. civ., art. 1376 anc. ; art. 1302 à 1302-3 nouv.) dès lors que les sommes acquittées l’ont été antérieurement à la vente, peu important les stipulations contraires de l’acte de vente. 

Référence :

■ Civ. 3e, 14 nov. 2007, n° 06-18.430 D. 2007. 3069, obs. G. Forest ; ibid. 2008. 1300, obs. N. Damas ; AJDI 2008. 379, obs. V. Zalewski

 

Auteur :Merryl Hervieu

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