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[ 21 janvier 2016 ] Imprimer

Droit des obligations

Bail d’habitation : précisions sur les règles applicables à la continuation du contrat

Mots-clefs : Bail d’habitation, Nullité du congé, Continuation, Tacite reconduction, Renouvellement, Effets, Nouveau contrat, Obligation d’information du preneur, Respect d’un préavis, Clause de répartition des charges, Déséquilibre significatif, Abus

Si la nullité du congé délivré par le bailleur entraîne la tacite reconduction du contrat, la loi offre à ce dernier la possibilité de renouveler le contrat en le modifiant. La naissance de ce nouveau contrat ne le dispensant pas de son obligation d’information.

Un professionnel de l'immobilier avait donné à bail à un particulier un logement meublé pour une durée de trois ans renouvelable. Les parties avaient ensuite signé deux nouveaux contrats, modifiant les conditions du bail initial relatives notamment au loyer et à la répartition des charges, faisant assumer au locataire la quasi-totalité de celles-ci. Trois ans plus tard, le bailleur avait informé le preneur que le renouvellement du bail dépendrait d’une augmentation du loyer. Face au refus du preneur, le bailleur lui avait délivré congé. Le locataire avait alors soulevé l’inopposabilité et le caractère abusif de la clause de répartition des charges, ainsi que la nullité du congé. La cour d’appel déclara le congé nul au motif que le non renouvellement du bail n'était pas valable dès lors qu'il n'était fondé ni sur la décision du bailleur de reprendre ou de vendre le logement, ni sur un motif légitime et sérieux tel que l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. Elle déclara également comme non valable la clause litigieuse en ce qu’elle avait été stipulée aux termes d'un nouveau contrat signé par les parties et ne pouvait donc s'analyser comme une modification du contrat originaire susceptible de donner lieu à information préalable du preneur dans les conditions prévues à l'article L. 632-1 du Code de la construction et de l’habitation. En vertu du même texte, elle jugea enfin la clause non abusive, cette disposition n’imposant aucune prescription en matière de charges. Le bailleur forma un pourvoi en cassation.

Comme la cour d’appel, la Cour de cassation constate la nullité du congé, non conforme aux dispositions de l'article L. 632-1 alinéa 5 du Code de la construction et de l'habitation. Elle censure en revanche la décision des juges du fond sur deux points : au visa de l’article L.632-1 ancien du Code de la construction et de l’habitation, disposition d'ordre public dont il résulte que le bailleur qui souhaite, à l'expiration du contrat, en modifier les conditions, doit en informer le locataire en respectant un préavis de trois mois. La signature d'un nouveau contrat par les parties ne pouvait donc dispenser le bailleur de son obligation d’information préalable du preneur. Aussi la Cour censure-t-elle les juges du fond au visa de l’article L.132-1 du Code de la consommation, jugeant la clause litigieuse abusive.

Cette décision offre l’occasion de rappeler le sens de termes souvent employés en droit des contrats mais dont le sens, difficile à appréhender, mérite d’être clarifié.

La prorogation du contrat correspond à l'allongement conventionnel de la durée d'un contrat à durée déterminée. Cette prorogation doit donc être prévue par avenant, lequel déterminera la nouvelle échéance du contrat ainsi que, le cas échéant, de nouvelles modalités juridiques. Quant au "renouvellement", le terme, d’origine latine (novus ou novellus, nouveau), désigne l’avènement, par accord exprès ou tacite, d’un nouveau contrat destiné à prendre effet, entre les mêmes parties, à l’expiration du contrat antérieur dont le contenu peut être, à cette occasion, modifié, distinct ou au contraire, maintenu. Quant à la reconduction, si elle peut être prévue dans le contrat initial, elle se produit plus fréquemment du seul fait du maintien par les parties de leurs relations contractuelles au-delà du terme convenu. Mais à la différence du renouvellement, la relation initiale se poursuit toujours dans les mêmes termes que ceux prévus par le contrat antérieur. Juridiquement naît donc un « nouveau contrat » mais pas un « contrat nouveau », les stipulations du contrat initial demeurant inchangées.

Or en matière de bail d’habitation, si le congé ne respecte pas les conditions prescrites, le contrat est tacitement reconduit (Civ.3e, 1er févr. 2011, n°10-11.580). Sous cette réserve, si le bailleur souhaite éviter qu'à l'arrivée du terme, le bail ne soit reconduit aux clauses et conditions antérieures, et donc renouveler le contrat, il doit formuler une « offre de renouvellement » au locataire, comme l'indique l'article 10, alinéa 4 de la loi n ° 89-462 du 6 juillet 1989 à laquelle restent soumis, malgré la modification de l’article L.632-1 par la loi ALUR (loi n°2014-366 du 24 mars 2014), les baux de meublés servant de résidence principale. Le bailleur doit d’une part proposer dans son offre un nouveau loyer puisque à défaut, il s’agirait d'une tacite reconduction, d'autre part, il peut assortir son offre de conditions nouvelles. S'il s'agit seulement de conditions nouvelles, le refus du locataire entraînera la reconduction du contrat aux conditions antérieures, car le juge, n’ayant le pouvoir que de statuer sur le loyer, serait incompétent pour régler le litige. Si la proposition porte à la fois sur de nouvelles conditions et un nouveau loyer, le juge ne pourra trancher que la question du loyer et les nouvelles conditions ne pourront trouver à s’appliquer qu’en cas d'accord des parties. Dans ce cas, le contrat sera renouvelé aux termes d’un nouveau contrat qui ne dispense pas le bailleur, comme le rappelle ici la Cour, de son obligation d’information.

Cette décision offre également une nouvelle illustration de la notion de clause abusive, légalement définie comme celle ayant pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L’abus se définit objectivement par son résultat, le déséquilibre significatif subi par le non-professionnel ou par le consommateur. En l’espèce, la Cour retient que la clause litigieuse, faisant peser sur le locataire la quasi-totalité des dépenses incombant normalement au bailleur et dispensant sans contrepartie le bailleur de toute participation aux charges qui lui incombent normalement en sa qualité de propriétaire, avait eu pour effet de créer, au détriment du preneur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Civ.3e, 17 déc. 2015, n°14-25.523

 

Auteur :M. H.


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