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[ 30 septembre 2009 ] Imprimer

Droit des régimes matrimoniaux

Bail rural de neuf ans et mandat tacite

Mots-clefs : Régimes matrimoniaux, Biens, Bail rural, Mandat, Acte de disposition

Le conjoint qui consent un bail rural de neuf ans sur les biens propres de l'autre effectue un acte de disposition non couvert par le mandat tacite de l'article 1432, alinéa 1er, du Code civil.

La solution adoptée par la troisième chambre civile dans cet arrêt du 16 septembre 2009 n'est sans doute pas inédite, mais c'est la première fois qu'elle est exprimée en des termes aussi clairs. En l'espèce, un époux avait consenti un bail rural de neuf ans sur différentes parcelles, dont certaines appartenaient en propre à son épouse. Celle-ci, par la suite, demanda l'expulsion du locataire au motif qu'elle n'avait consenti aucun bail sur ses terres.

Retenant l'existence d'un mandat tacite, les juges du fond la déboutèrent de sa demande. Cette décision est censurée au visa de l'article 1432, alinéa 1er, du Code civil, au motif que le fait de consentir un bail rural de neuf ans constitue un acte de disposition. On rappellera que ce texte autorise, sur la base d'une présomption de mandat, un époux à gérer les biens propres de son conjoint, à la condition que cette gestion soit connue de ce dernier, que celui-ci ne s'y oppose pas et que l'immixtion réalisée se limite à des actes d'administration. La Cour de cassation estime, en l'espèce, que seules les deux premières conditions étaient remplies et que la troisième faisait défaut : le bail en question ne constituait pas un acte d'administration mais un acte de disposition.

La qualification d'actes de disposition des baux ruraux peut d'ailleurs aujourd'hui se prévaloir d'un argument de texte : l'annexe I du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, pris pour l'application de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, inclut expressément les baux ruraux dans la liste des actes regardés comme des actes de disposition.

Civ. 3e, 16 septembre 2009

 

Références

 

Article 1432 du Code civil

« Quand l'un des époux prend en mains la gestion des biens propres de l'autre, au su de celui-ci, et néanmoins sans opposition de sa part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration et de jouissance, mais non les actes de disposition.

Cet époux répond de sa gestion envers l'autre comme un mandataire. Il n'est, cependant, comptable que des fruits existants ; pour ceux qu'il aurait négligé de percevoir ou consommés frauduleusement, il ne peut être recherché que dans la limite des cinq dernières années.

Si c'est au mépris d'une opposition constatée que l'un des époux s'est immiscé dans la gestion des propres de l'autre, il est responsable de toutes les suites de son immixtion et comptable sans limitation de tous les fruits qu'il a perçus, négligé de percevoir ou consommés frauduleusement. »

Acte de disposition

« Acte juridique comportant transmission d’un droit réel ou souscription d’un engagement juridique important et pouvant avoir pour effet de diminuer la valeur du patrimoine. Par exemple, la vente ou la donation d’un bien, ou la signature d’un bail de plus de neuf ans, ou la souscription d’un emprunt.

Le droit des incapacités définit l’acte de disposition comme l’acte qui engage le patrimoine de la personne protégée, pour le présent et l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire. De tels actes sont énumérés par le décret no 1484 du 22 décembre 2008, mais certains d’entre eux peuvent être écartés d’une telle qualification en raison de leur faible incidence sur le patrimoine, les prérogatives ou le mode de vie de la personne protégée. »

Biens propres

« Dans un régime matrimonial de communauté, biens appartenant à l’un ou à l’autre des époux et qui ne tombent pas dans la masse des biens communs. À la dissolution de la communauté, chaque époux reprend ses biens propres. »

Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.

 

Auteur :S. L.


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