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Droit de la famille
Bigamie : chronologie de l'action en nullité
Mots-clefs : Mariages, Validité, Bigamie, Divorces postérieurs, Nullité absolue, Intérêt à agir
Si, dans le cadre d’une action en annulation d’un mariage pour bigamie, l’un des époux oppose la nullité de son premier mariage, la validité de cette première union doit préalablement être jugée.
L’article 147 du Code civil pose le principe de la monogamie et prévoit un empêchement dirimant au remariage : l’existence d’un mariage antérieur non dissous. Toute fraude à ce principe est constitutive d’un délit de bigamie (art. 433-20 C. pén.). Même si, avant la célébration du mariage, l’officier de l’état civil se voit remettre une copie intégrale de l’acte de naissance des futurs époux (datant de moins de trois mois si elle est délivrée en France : art. 70 C. civ.) où figurent en marge tant les mentions des mariages antérieurs que des divorces (art. 76, dernier al., C. civ.), les cas de bigamie ne sont pas si rares (v. pour un remariage entre les mêmes époux : Civ. 3 févr. 2004), comme en témoigne l’affaire ici commentée.
En l’espèce, une femme, ayant falsifié son acte de naissance, a pu contracter mariage trois fois de suite sans même attendre le prononcé du divorce de la précédente union. Une fois divorcé, son troisième époux invoqua la situation de bigamie et sollicita l’annulation de son mariage auprès du tribunal de grande instance qui accueillit sa demande. En appel, la femme demanda qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure tendant au prononcé de la nullité de son deuxième mariage. Les juges d’appel rejetèrent cette demande au motif que la procédure pendante serait sans incidence car le prononcé de l’annulation de la deuxième union ne permettrait pas de régulariser a posteriori la troisième.
On rappellera d’abord qu’en tant que vice de fond, la bigamie est sanctionnée sur le plan civil par la nullité absolue. Elle peut alors être invoquée, dans un délai de trente ans à compter de la célébration du mariage, par les époux, toutes personnes justifiant d’un intérêt ou le ministère public (art. 184 C. civ.).
Ensuite, la bigamie supposant l’existence d’un premier mariage valable, l’article 189 du Code civil impose qu’il soit jugé préalablement de la validité ou de la nullité de cette première union lorsque la seconde est attaquée pour bigamie.
En l’espèce, il semble que le troisième époux, pourtant divorcé, avait un intérêt à agir au moins moral (présumé légalement), voire pécuniaire du fait d’une donation qu’il avait consentie à son épouse puisque l’effet rétroactif de l’annulation aurait pour conséquence de faire tomber la libéralité. L’épouse, quant à elle, avait semble-t-il aussi un intérêt pécuniaire : celui de s’opposer à voir sa troisième union annulée afin de pouvoir bénéficier de cette donation.
La Haute cour casse l’arrêt d’appel pour violation de l’article 189 du Code civil : les juges d’appel auraient dû attendre l’issue de la procédure relative au deuxième mariage avant de conclure sur la validité ou non du troisième, validité sur laquelle la première chambre civile ne se prononce pas. Elle reste silencieuse quant aux conséquences que pourrait avoir l’annulation de ce deuxième mariage sur le divorce déjà prononcé du troisième…
Civ. 1re, 26 oct. 2011, n°10-25.285, FS-P+B+I
Références
[Droit civil/Droit pénal]
« Fait, pour une personne déjà engagée dans les liens du mariage, d’en contracter un autre avant la dissolution du précédent. La bigamie est un délit attentatoire à l’état civil des personnes et entraîne la nullité du second mariage. La circonstance que la seconde union soit contractée entre les mêmes personnes que la première ne fait pas obstacle à l’existence d’une bigamie (cas d’un mariage coutumier monogamique suivi d’un mariage civil en France : Cass. civ. 1re, 3 févr. 2004, Bull. civ. I, no 33). »
[Droit général]
« Qui annule ou fait obstacle, de manière absolue. Ainsi, un empêchement est dirimant lorsqu’il constitue un obstacle absolu à la réalisation d’un acte juridique et entraînerait sa nullité s’il était passé outre : la parenté en ligne directe est un empêchement dirimant au mariage, qui ne peut être levé par une quelconque autorisation.
Dans un sens plus commun, une objection dirimante est une objection qui ruine le raisonnement qu’elle combat. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Civ. 1re 3 févr. 2004, Bull. civ. n°33; D. 2004. 2963, Lemouland ; RTD civ. 2004. 267, Hauser.
■ Code civil
« La copie intégrale de l'acte de naissance remise par chacun des futurs époux à l'officier de l'état civil qui doit célébrer leur mariage ne doit pas dater de plus de trois mois si elle a été délivrée en France et de plus de six mois si elle a été délivrée dans un consulat. »
« L'acte de mariage énoncera :
1° Les prénoms, noms, professions, âges, dates et lieux de naissance, domiciles et résidences des époux ;
2° Les prénoms, noms, professions et domiciles des pères et mères ;
3° Le consentement des pères et mères, aïeuls ou aïeules, et celui du conseil de famille, dans le cas où ils sont requis ;
4° Les prénoms et nom du précédent conjoint de chacun des époux ;
5° (abrogé) ;
6° La déclaration des contractants de se prendre pour époux, et le prononcé de leur union par l'officier de l'état civil ;
7° Les prénoms, noms, professions, domiciles des témoins et leur qualité de majeurs ;
8° La déclaration, faite sur l'interpellation prescrite par l'article précédent, qu'il a été ou qu'il n'a pas été fait de contrat de mariage, et, autant que possible, la date du contrat, s'il existe, ainsi que les nom et lieu de résidence du notaire qui l'aura reçu ; le tout à peine, contre l'officier de l'état civil, de l'amende fixée par l'article 50.
Dans le cas où la déclaration aurait été omise ou serait erronée, la rectification de l'acte, en ce qui touche l'omission ou l'erreur, pourra être demandée par le procureur de la République, sans préjudice du droit des parties intéressées, conformément à l'article 99.
9° S'il y a lieu, la déclaration qu'il a été fait un acte de désignation de la loi applicable conformément à la convention sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, faite à La Haye le 14 mars 1978, ainsi que la date et le lieu de signature de cet acte et, le cas échéant, le nom et la qualité de la personne qui l'a établi.
En marge de l'acte de naissance de chaque époux, il sera fait mention de la célébration du mariage et du nom du conjoint. »
« On ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier. »
« Tout mariage contracté en contravention aux dispositions contenues aux articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162 et 163 peut être attaqué, dans un délai de trente ans à compter de sa célébration, soit par les époux eux-mêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt, soit par le ministère public. »
« Si les nouveaux époux opposent la nullité du premier mariage, la validité ou la nullité de ce mariage doit être jugée préalablement. »
■ Article 433-20 du Code pénal
« Le fait, pour une personne engagée dans les liens du mariage, d'en contracter un autre avant la dissolution du précédent, est puni d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende.
Est puni des mêmes peines l'officier public ayant célébré ce mariage en connaissant l'existence du précédent. »
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