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Billet à ordre avalisé : une date raturée équivaut à un défaut de date sanctionné par l’irrégularité du titre et de l’aval
Un billet à ordre contenant une première date raturée, remplacée par une seconde date ajoutée par un tiers sans acquiescement du souscripteur, emporte l’irrégularité du titre cambiaire ainsi que de l’aval qui le garantit.
Com. 23 mai 2024, n° 22-12.736
Confirmant l’importance du formalisme cambiaire, la décision rapportée en révèle les enjeux quant aux effets de sa méconnaissance sur les sûretés personnelles garantissant les effets de commerce. En l’espèce, la chambre commerciale de la Cour de cassation considère en effet que la date raturée d’un billet à ordre équivaut à un défaut de date sanctionné par l’irrégularité du titre emportant, par ricochet, celle de l’aval donné sur ce titre.
Une société avait souscrit, au profit d’une banque, un billet à ordre sur lequel le gérant de cette société avait porté son aval. Ce billet à ordre comportait une date raturée et une date rajoutée d’une écriture différente de celle du souscripteur. Il y avait donc, sur le billet à ordre, deux dates de créations différentes, la première apposée par le souscripteur, raturée et remplacée par une seconde, ajoutée par un tiers. La société ayant souscrit le billet à ordre ayant été placée en liquidation judiciaire, la banque, après avoir déclaré sa créance, assigna l’avaliste en paiement. Elle obtint gain de cause en appel, la juridiction du second degré condamnant le gérant de la société à payer, en sa qualité d’avaliste, le billet à ordre litigieux malgré l’existence de deux dates différentes, dès lors que la seconde date portée avait manifestement remplacé et annulé la précédente, qui correspondait en outre à un jour non ouvré, sans que cette première date raturée puisse affecter la régularité du titre, dont la date ajoutée devait ainsi être considérée comme certaine. Devant la Cour de cassation, l’avaliste argua de l’irrégularité du titre, au moyen que la régularité du billet à ordre supposant qu’il soit daté, le fait qu’en l’espèce, la date initiale avait été biffée pour être remplacée par une autre date sans son approbation équivalait à un défaut de date sanctionné par l’irrégularité du billet à ordre avalisé. L’argument emporte l’adhésion de la chambre commerciale, qui juge qu’un billet à ordre, sur lequel figure la mention d’une première date ensuite raturée, puis d’une seconde date ajoutée au-dessus par une autre personne que le souscripteur dans des conditions indéterminées, doit être considéré comme dépourvu de date, de sorte qu’il ne vaut pas titre cambiaire et que, par voie de conséquence, l’aval donné sur ce titre est irrégulier (pt 7).
En tant qu’acte juridique, le billet à ordre est soumis aux conditions de fond de droit commun. En tant que titre cambiaire, il se trouve également soumis à des conditions de forme, dont la mention de sa date de création (C.com., art. L512-1, 6°, du Code de commerce). Sans date, le titre ne vaut pas billet à ordre. Dans l’arrêt rapporté, la Cour de cassation rappelle le caractère obligatoire de cette mention, sous peine de disqualification du titre. Au cas d’espèce, la rigueur du formalisme cambiaire est toutefois renforcée par l’assimilation d’une date raturée à une absence de date. Ainsi, non seulement l’omission de la date de création du billet à ordre rendra le titre irrégulier, alors même qu’il renfermerait toutes les autres mentions légales requises, mais la rature entachant la date initialement portée, équivalant à un défaut pur et simple de date, emportera la même sanction, sauf à établir que cette modification a été approuvée par le souscripteur (pt 5). Sous cette réserve, en l’espèce non établie, il convient de considérer que le billet est tout simplement non daté. La Cour de cassation interprète ainsi strictement les textes applicables au formalisme cambiaire pour renforcer l’exigence d’un titre daté. Sur ce point, la solution n’est toutefois sévère qu’en apparence : en effet, le billet à ordre souscrit par la société ayant manifestement vu sa date être modifiée par un tiers, au regard du risque de fraude, il était juste de refuser d’admettre que la seconde date portée par le tiers, après avoir raturé la première, puisse produire effet sans avoir au préalable constaté l’accord du souscripteur. C’est au niveau de l’aval, invalidé en conséquence de l’irrégularité du billet à ordre, que la rigueur exprimée par la chambre commerciale mérite en revanche d’être soulignée. En effet, de la disqualification du billet non daté s’infère l’irrégularité de l’aval donné sur ce titre irrégulier. Autrement dit, l’irrégularité du titre cambiaire rebondit, par ricochet, sur celle de l’aval porté sur ce titre. La sanction est sévère pour la banque, qui perd ainsi la sûreté dont elle disposait. Si cette conséquence s’explique par le caractère accessoire de l’aval, qui n’est qu’une variété cambiaire du cautionnement, il n’en demeure pas moins que la banque se voit en l’espèce infliger la « double peine » de voir son titre être disqualifié et, du même coup, être jugée irrégulière la sûreté personnelle qui le garantissait. Cette décision appelle ainsi les établissements bancaires à la plus grande vigilance quant aux ratures dont la présence peut apparaître anodine, jusqu’à ce qu’advienne un contentieux.
À retenir : dans l’hypothèse où la date initiale du billet à ordre devrait être remplacée par une seconde, il est impératif pour la banque de se pré-constituer la preuve que le souscripteur a accepté ce changement, la régularité formelle de l’effet de commerce ayant une conséquence directe et décisive sur l’aval qu’il contient.
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